Jean-Luc Mélenchon voudrait sortir des traités européens

L’Union européenne est un mécanisme de coopération entre les peuples dont l’objectif premier est le rapprochement pour éviter le retour des nombreuses guerres que l’Europe a connu. Le choix récent d’un élargissement du libre-échange est un fait, mais cette évolution est soumise à des critiques de plus en plus virulentes. L’UE peut devenir protectionniste. Ignorant la complexité de la réalité, Jean-Luc Mélenchon estime que son programme n’est pas compatible avec les règles des traités européens et qu’il faudra en conséquence désobéir aux traités dès son arrivée au pouvoir. L’UE, on la change ou on la quitte ! Il faut vraiment avoir une vision déformée de l’Union européenne pour y voir des « peuples soumis à la dictature des banques et de la finance ». En fait on retrouve dans le programme de Mélenchon des mesures qui ont déjà une application à l’heure actuelle : pouvoir s’exonérer du pacte de stabilité, mettre au pas la finance, encadrer les mouvements de capitaux, refuser les traités de libre-échange, appliquer la législation nationale aux travailleurs étrangers, organiser le Brexit. L’union européenne est un mécanisme extrêmement complexe qui concilie des règles concertées entre nations d’une part et la sauvegarde des intérêts nationaux d’autre part. La politique du tout ou rien est donc absurde. Prétendre à un plan A de « sortie concertée avec abandon des règle existantes pour tous les pays qui le souhaitent » tout en agitant le drapeau rouge d’un plan B de sortie unilatérale excite les supporters, mais vide de son sens le débat politique. On ne gouverne pas à coup de slogan, mais en permettant la réflexion collective. Quand on veut réintroduire du protectionnisme, mieux vaut que ce soit fait de façon coordonné sous l’égide du parlement européen plutôt que revenir à une situation du « chacun pour soi » qui ne peut qu’amener un contexte de crise. Dire que « le peuple français décidera souverainement par référendum de sa participation à l’UE » est assez ironique. Il a regretté en 1992 le vote des Danois contre le traité de Maastricht : « Si cruel que ce soit à entendre, les peuples peuvent se tromper… » En 2005 le peuple des militants socialistes avait décidé de voter OUI au traité constitutionnel européen, Jean-Luc fera une campagne (tonitruante) pour le NON malgré l’avis de ses camarades. Un populiste parle de référendum quand cela l’arrange…

Derrière cette attitude anti-européenne, il y a surtout la condamnation de toute politique de sobriété : « Nous proposons une alliance des pays d’Europe du Sud pour sortir de l’austérité et engager des politiques de relance écologique et sociale de l’activité. » Une Europe « sortie de l’austérité » alors que la vie austère est la première des priorités d’un écolo ! Mais bien sûr il s’agit de sobriété partagée et de sens des limites. Mélenchon emploie des mots sans les définir. D’autre part sortir de l’austérité par une politique de relance de type keynésien est anti-écolo, notre niveau de vie actuel en France est déjà au dessus des possibilités durables de la planète. Pour assurer la relance, il est d’ailleurs dangereux de mettre fin à l’indépendance de la banque centrale européenne. Une politique d’expansion monétaire incontrôlée et de déficit budgétaire incontrôlable ne peut qu’amener à nouveau inflation et politique d’austérité imposée (ce qu’on appelait autrefois les politiques de stop and go). Dévaluer autoritairement l’euro, c’est méconnaître la complexité de la politique de change. C’est ouvrir la voix non seulement aux dévaluations compétitives, mais aussi au renchérissement de nos importations sans garantir plus d’exportations dans un contexte international de prix bas et de concurrence internationale. On devrait savoir que la vulgate keynésienne n’a apporté dans les années 1970 que stagflation (stagnation de l’activité économique et inflation) et déficit commercial.

Avec cette volonté de relance économique, Jean-Luc Mélenchon ne se démarque pas des discours croissanciste de tous les dirigeants politiques actuels La croissance était le mantra de François Hollande, le chef du SPD allemand voulait un « pacte pour la croissance », Fillon ne dirait pas le contraire. Ce n’est pas le mirage de la croissance qu’il faut poursuivre, il s’agit de mettre un terme aux inégalités et de partager de façon solidaire la pénurie à venir. Car de plus en plus nous allons faire face aux deux jumeaux de l’hydrocarbure, pic pétrolier et réchauffement climatique. Nous devrions savoir dorénavant que toute politique de relance globale ne fait que détériorer davantage les fondements réels de notre richesse, à savoir les ressources naturelles. Nous ne pouvons continuer à vivre à crédit en empruntant à la Nature sans esprit de réciprocité, les  générations futures ne pourront jamais rembourser notre dette car nous dilapidons le capital naturel. Pire, un héritage dégradé dégradera nos héritiers. En fin de compte Mélenchon n’est qu’un agitateur professionnel qui n’a connu que la politique politicienne tout au cours de son existence. Après de multiples appartenances partisanes, il fait aujourd’hui campagne pour la présidentielle 2017 au nom des « insoumis » dont on sait, comme le nom l’indique, qu’il n’y a pas lieu à action commune. Mieux vaut le programme écolo de Yannick Jadot que la soumission à un leader.

* Le programme de Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle et les législatives 2017, « L’avenir en commun » au seuil, 130 page pour 3 euros

7 réflexions sur “Jean-Luc Mélenchon voudrait sortir des traités européens”

  1. Mr Mow de Bordeaux

    @biosphere
    En fait c’est surtout très compliqué de faire passer une autre vision que l’économie dans l’UE. Ne serait ce que par son mode de fonctionnement et de législation, qu’a bien résumé e-penser : https://www.youtube.com/watch?v=m3YR1ddlkfs
    Et ce sont effectivement des humains qui ont décidé de ruiner la Grèce. Et notamment des Grecs d’ailleurs.
    C’est bien dommage qu’on ne communique pas plus sur le plan Junker, sensé aller dans le sens de l’écologie à la base.. Tout comme c’est bien dommage que l’écologie ne soit pas au coeur des négociation de CETA. Junker lui même dit que l’UE va changer.
    Vers plus de libéralisme? Qu’est ce que ça peut bien donner à part encore plus de profit à court terme pour les plus gros, et encore moins de vision humaine, à long terme, dans les process de décision. Si l’UE était cette grande coopération humaniste, il n’y aurait pas tant d’Eurosceptiques, ni tant de candidats pour vouloir la changer.Ca n’a aucun sens de continuer comme ça.
    Je ne suis pas si tranché sur la question que d’autres, mais clairement, l’Europe, on la change, ou on la quitte, et on en refera une autre, avec une véritable vision politique.
    Et dire qu’ils comptent encore l’élargir à l’Est… il veulent pas faire rentrer la Russie aussi? et faudra faire tomber Poutine avant c’est ça? Tssss…

  2. Mr Mow de Bordeaux

    Donc vous dites que la vision de Mélenchon est fausse?
    Que dans le cadre des traités, on peut déja  » mettre au pas la finance, encadrer les mouvements de capitaux, refuser les traités de libre-échange, appliquer la législation nationale aux travailleurs étrangers « .
    Pouvez vous me citer un exemple? Quel traité Européen permet de s’émanciper des traitéS?

    1. @ Mow
      Huit des onze candidats à la présidentielle envisagent, d’une manière ou d’une autre, de sortir de l’Union européenne (et de la zone euro) si celle-ci ne se plie pas à leurs desiderata. Comme si la France pouvait mieux affronter les grands défis de demain (dérèglement climatique, crise migratoire, menace terroriste…) en comptant sur ses seules forces plutôt que sur un effort commun et tenace avec ses partenaires européens. Quant aux décisions prises par l’Union Européene, il suffirait que la commission européenne et le parlement soit plus volontaristes pour changer la donne… Ce sont les humains qui décident, pas les grandes lignes d’un traité.

  3. C’est évidemment Hamon le problème, qui inclue l’ensemble du PS dans « l’union de la gauche »… Mélenchon est quant à lui une partie de la solution (notamment le 18 mars)

    Jadot fait aussi partie du problème Hamon depuis un mois.

  4. Bonjour
    Assez d’accord avec les 2 premières parties de l’article. Nous savons où peuvent nous mener nos « démocraties » et le suffrage universel. La démocratie est une belle chose, encore faut-il qu’il existe de véritables citoyens pour la faire marcher.

    – « … la vie austère est la première des priorités d’un écolo !  »
    Personnellement je comprends ce que cela veut dire, mais comment le faire comprendre à ces millions d’esclaves aliénés à cette société de consommation ? A tous ces « citoyens » qui ne voudront jamais lâcher un petit bout de leur sacro-saint pouvoir d’achat. Comment leur faire comprendre que cette « vie austère » n’a rien à voir avec celle des moines, que la sobriété et la simplicité volontaire sont synonymes de joie de vivre ?

    A mon avis Mélenchon est donc obligé de composer avec cet imaginaire collectif beaucoup trop colonisé. On peut observer qu’il évite d’employer le mot « croissance » , mais comme les oreilles sont trop fragiles, il ne peut pas utiliser le mot-obus « décroissance ».

    Quant à dire si Mélenchon « n’est qu’un agitateur professionnel » etc… attendons de voir.
    Mélenchon + Hamon + Jadot peuvent faire quelque chose de fort… si… On peut encore rêver !
    Et si ce rassemblement ne se produisait pas, alors nous analyserons et en tirerons les conclusions, sur les uns et les autres.

  5. Yannick Jadot fait certes mine de prôner la décroissance, mais il proscrit, au même titre que les autres politiciens, les actions collectives illégales indispensables à l’abolition du capitalisme, abolition sans laquelle aucune atténuation de cette double crise à la fois sociale et écologique ne sera possible.
    Le droit de vote est nécessaire sur le principe. Mais jamais le glissement d’un bulletin dans l’urne ne pourra remplacer les vraies révoltes populaires.

  6. Yannick Jadot fait certes mine de prôner la décroissance, mais il proscrit, au même titre que les autres politiciens, les actions collectives illégales indispensables à l’abolition du capitalisme, abolition sans laquelle aucune atténuation de cette double crise à la fois sociale et écologique ne sera possible.
    Le droit de vote est nécessaire sur le principe. Mais jamais le glissement d’un bulletin dans l’urne ne pourra remplacer les vraies révoltes populaires.

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