Jean-Michel Bezat occulte la fin du pétrole en laissant trop de place à un écolo-sceptique, Daniel Yergin. Son article du MONDE* est d’autant plus biaisé qu’il dévalorise les analystes du pic pétrolier, traités d’adeptes du peak oil alors que ce sont des géologues confirmés. Voici quelques précisions :
Daniel Yergin est un écrivain-historien, pas du tout un géologue pétrolier. Etre diplômé en relations internationales ne permet pas de parler du pic pétrolier… mais il est vice-président d’IHS, puissante agence d’intelligence économique considérée comme très proche des majors américaines du pétrole. Yergin est donc un vendu au capital, il joue le même rôle que les climatosceptiques, enfumer l’auditoire… En termes polis, il s’agit de lobbying. La réponse de l’ingénieur pétrolier Jean Laherrère à Yergin, exposée sur lemonde.fr par le blog d’Auzanneau, semble beaucoup plus convaincante que cet article du MONDE qui laisse un peu trop de place aux adeptes du pétrole « Y’a pas de problème ». Selon Laherrère, les « capteurs numériques » cités par Yergin servent seulement à impressionner les actionnaires. A ce jour aucun champ parvenu à maturité n’a vu ses extractions augmenter de façon significative avec ça. Prétendre comme le fait Yergin accroître les réserves n’est rien de plus qu’un vœu pieux, auquel ne correspond pas la moindre étude sérieuse. La technologie ne peut en rien modifier la géologie d’un réservoir ! On produit plus vite, accélérant d’autant le déclin des champs matures…
Quant à Jean-Michel Bezat, il suffit de rappeler ses articles antérieurs pour mieux connaître son parti pris. Sous la rubrique matières premières (29-30 mars 2009), il s’interroge doctement sur le juste prix du pétrole ou optimum économique. A-t-il la réponse ? Oui, il a la réponse : « Le prix équitable se situe autour de 70 dollars ». Pour l’affirmer, il suffit au journaliste de recopier ce que réclame les pétromonarchies du Golfe. Le 25-26 janvier 2009, Bezat nous parle bien du pic pétrolier, mais celui de la demande, qui va baisser pour la première fois depuis un quart de siècle. Pour le pic de production, pas besoin de s’inquiéter : « Le pétrole irriguera encore l’économie pendant des décennies, comme il l’a fait sans discontinuer depuis cent ans ». Ce n’est pas avec de tels journalistes que nous sortirons de notre dépendance envers le pétrole, l’affairisme est valorisé, ils sont comme des serpents que notre planète nourrit en son sein comme une trop bonne mère. Mais n’occultons pas à notre tour la conclusion de Jean-Michel : le sursis que les pétroliers s’accordent ne fera que rendre plus difficile la résolution de l’équation climatique.
* LE MONDE du 29 septembre 2011