Clément Wittmann a été le candidat du mouvement des décroissants aux dernières présidentielles françaises (cf. son livre, Carnet de campagnes d’élections volées) ; il n’attache aucune importance à la question démographique. Michel Sourrouille a été le coordinateur d’un ouvrage collectif sur l’urgence écologique de repenser la démographie : Moins nombreux, plus heureux (parution en librairie le 17 février prochain, vous pouvez déjà le commander à votre libraire préféré). Voici leur échange :
Michel Sourrouille : « Malthus était un écologiste avant la lettre. A la fin du XVIIIe siècle il mettait en évidence une constante historique : la population humaine avait tendance à augmenter plus vite que les ressources pour la nourrir. La littérature récente a pourtant choisi de ne parler presque exclusivement que d’agriculture. Certains pensent même qu’il nous faut oublier Malthus tellement son analyse est dénigrée. Dans le contexte de la littérature francophone, il est donc courageux d’aborder l’autre tenant de la relation population/alimentation, à savoir la maîtrise de notre croissance naturelle et migratoire. »
Clément Wittmann : « Il n’y a aucun problème démographique, la seule menace pour la planète ce sont les riches et leurs mode de vie. »
Michel Sourrouille : « Je suis bien d’accord avec toi, le mode de vie des riches (qu’une large fraction du reste du monde veut imiter) est une menace pour la planète. Mais je ne vois pas pourquoi cela resterait « la seule » menace. Trop de gens dans un écosystème donné peuvent complètement détruire leur milieu sans forcément beaucoup consommer… L’écologie nous apprend l’interdépendance entre les phénomènes. »
Clément Wittmann : « Certes, mais comme le dit Serge Latouche, la planète peut supporter 23 milliards d’habitants qui vivent dans la simplicité volontaire ou la frugalité, ou 500 millions qui vivent comme des européens, des luxembourgeois ou des américains… »
Michel Sourrouille : « Une simple citation donne une vision superficielle d’un auteur. Serge Latouche pense clairement que « L’humanité devra impérativement maîtriser sa reproduction. » Voici sa conception* :
« Le démographe Alfred Sauvy est un bon représentant de l’optimisme démographique béat. La France, selon lui, pouvait facilement supporter une population de 100 millions d’habitants, et la Terre de 50 milliards. Selon son point de vue, une population abondante serait favorable à une forte croissance, elle-même source de bien-être pour tous. Mais si une croissance infinie est incompatible avec un monde fini, cela concerne aussi la croissance démographique ; une société de décroissance ne peut par évacuer la question du régime démographique soutenable. Le taux de croissance démographique mondiale est passé de 2 % à 1,3 %. Albert Jacquard fait simplement remarquer que, avec un taux d’accroissement de 0,5 % par an, la population humaine, qui était d’environ 250 millions il y a deux mille ans, serait de 5000 milliards aujourd’hui. Sommes-nous surpeuplés ? Oui, incontestablement, si tout le monde devait consommer comme un Américain moyen. Mais à l’inverse, la pratique de la diète par le Burkinabé de base pourrait offrir encore une large marge de manœuvre. Alors que dans le premier cas la population devrait décroître pour atteindre 1 milliard d’individus, elle pourrait s’élever dans le second cas jusqu’à 23 milliards ! Quel est alors le chiffre de peuplement « soutenable » ?
Le calcul de l’empreinte écologique montre que l’on a dépassé les capacités de soutenabilité de la planète en 1960. Or à l’époque, la Terre comptait 3 milliards d’habitants. Mais le fait de disposer d’une source d’énergie abondante et bon marché, le pétrole, a permis un bond prodigieux, faisant passer la population mondiale à 6 milliards d’individus. La disparition de cette source non renouvelable nous condamnerait à revenir à un chiffre de population compatible avec les capacités de charge de la planète, soit à peu près le chiffre de la population antérieur à l’industrialisation (1 milliard en 1860). L’humanité devra impérativement maîtriser sa reproduction. »
* le pari de la décroissance, Fayard, réédition 2010
Selon Wittman « Il n’y a aucun problème démographique, la seule menace pour la planète ce sont les riches et leurs mode de vie. » On est dans l’idée « richesse = péché » de ceux qui ont fait de la décroissance une secte qui aime se flageller. Pourquoi réduire la population quand une démographie galopante peut apporter le plaisir de la culpabilité? Pour certains la décroissance est un objectif, pour d’autres dont je suis elle est devenue une nécessité liée à notre trop longue inconséquence. Si la simplicité a ses vertus, l’ascétisme subi et chaque jour plus rigoureux d’une population chaque jour plus nombreuse peut-il faire rêver d’autres que ces moines de la décroissance?
@biosphere :
je ne fais que reprendre les propos de C. Wittman qui cite S. Latouche .
Comment peut -on affirmer que la terre pourrait supporter la présence « consommatoire » de 23 milliards de bipèdes sans être soi – même biologiste ou agronome et surtout sans connaître le potentiel réel de toutes les terres cultivables de la planète .
Latouche serait -il victime du syndrome Ziegler ?
M. Latouche se contenterait-il du repas très frugal d’ un paysan indien ? J’en doute
Voilà encore un ecolobobozozo parigot, penseur en chambre !
En outre, je me demande où il « caserait » les 23 milliards d’ habitants ultrafrugaux ? Dans des monades urbaines à la Silverberg composées de tours de 1000 étages sans doute. Au fou !!!!!
ludvigvonprin,
Serge Latouche n’a jamais dit qu’il faudrait que nous soyons 23 milliards. Il penche même pour un seul milliard ! Si vous aviez l’amabilité de lire les textes de ce blog de façon plus attentive, nous en serions très heureux…