L’écologie fait l’objet d’un hiatus profond entre la parole et l’action politiques. Lors du « One Planet Summit », le président Macron a brandi son smartphone : « Cet objet-là, qu’on partage tous, c’est l’un des objets qui sont l’illustration de ce qu’est la mondialisation… c’est l’un des pires objets, sans doute, en termes d’émissions de gaz à effet de serre : chaîne logistique, matériaux rares, obsolescence. On a créé un système où on incite les gens à en changer tous les six mois. L’un des premiers objets sur lesquels on change les comportements et la production, c’est ça, et de manière très concrète. » Mais quatre mois plus tôt, devant le gratin de la « French Tech », Emmanuel Macron moquait les sceptiques de la 5G, les renvoyant à leur obscur désir de « lampe à huile » et assurant que la France allait « prendre le tournant de la 5G parce que c’est le tournant de l’innovation ». Pourtant c’est une technologie qui va conduire des centaines de millions d’individus à remplacer leur smartphone. L’option « en même temps » macronien, c’est similaire à la « double pensée » orwellienne : la liberté, c’est l’esclavage ! Merci Stéphane Foucart de mettre le doigt où ça fait mal.
Les décisions en matière d’écologie ne sont que des promesses sans cesse renvoyée aux prochaines décennies – neutralité carbone en 2050, fin du plastique à usage unique en 2040… Sur le climat, Emmanuel Macron a même troqué l’action concrète et immédiate contre la promesse de soumettre au référendum l’inscription de la lutte contre le réchauffement dans la Constitution. Des commentateurs sur lemonde.fr expriment notre propre pensée d’écologistes:
Bv34 : analyse juste. Mais malheureusement partielle. Il aurait fallu rajouter que cet écart entre la parole et les gestes n’est que la traduction de ce que veulent vivent nombre d’entre nous (la majorité en fait) : il n’y a jamais eu autant de SUV !
Michel Brunet : Stéphane Foucart commence à distiller dans ses articles récent le problème des démocraties : de part leur nature, elles n’arriveront pas à imposer des changements de comportement radicaux à leurs citoyens. Il faut bien être élu, il faut donc faire plaisir. On peut faire la comparaison avec la pandémie actuelle : la « liberté individuelle », socle des démocraties, bloque les tentatives de contrôle de l’épidémie au contraire des pays où un « autoritarisme » plus ou moins accentué y parviennent. Il en sera de même avec les désordres de l’environnement, « l’autoritarisme » sera de rigueur et sonnera la fin des démocraties libérales. Ceci dit les partis écologiques auront-ils le courage de le dire? j’en doute.
Julien R. : M. Foucart est dans le vrai, mais il oublie de préciser que les renoncements du politique ne sont que le reflets de nos renoncements individuels. En faisant porter l’essentiel de la faute aux gouvernants, il s’assure l’approbation de la majorité mais il ne leur dit pas la vérité.
le sceptique : En démocratie, le rôle des politiques est d’apporter des solutions acceptables, les autres étant réservées aux dictatures. Tant que les écologistes sont (largement) minoritaires, cela signifie que les électeurs ne sont pas très intéressés par le climat ou la biodiversité. Dans la hiérarchie des urgences, les questions économiques et sociales viennent avant les questions écologiques.
François C.H. : J’émettrai quand même un bémol. En démocratie nous élisons nos représentant, lesquels ont pour mission d’être à la fois écologistes ET à la fois comptables de l’emploi, de la dette, de la compétitivité des entreprises, de la garantie des retraites, et j’en passe. Ce « en même temps » est d’une part obligatoire lorsque l’on représente une somme d’intérêt généraux et particuliers, ET d’autre part une impasse, puisque bon nombre de ces intérêts sont incompatibles. Il conviendrait dans un premier temps de prendre conscience collectivement qu’une écologie sérieuse est incompatible avec notre mode de vie, le système capitaliste actuel et les impératifs de croissance. Il faut avoir ce débat, collectivement, car on ne mènera pas cette guerre sans l’assentiment général.
Pour en savoir plus sur la versatilité des promesses politiques, ce discours de Chirac en 2002 à l’ONU lors d’un sommet de la Terre :
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l’admettre. L’humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au Nord comme au Sud, et nous sommes indifférents. La terre et l’humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables. Il est temps, je crois, d’ouvrir les yeux. Sur tous les continents, les signaux d’alerte s’allument. L’Europe est frappée par des catastrophes naturelles et des crises sanitaires. En Asie, la multiplication des pollutions, dont témoigne le nuage brun, s’étend et menace d’empoisonnement un continent tout entier. L’Afrique est accablée par les conflits, le SIDA, la désertification, la famine. Certains pays insulaires sont menacés de disparition par le réchauffement climatique. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ! Prenons garde que le 21e siècle ne devienne pas, pour les générations futures, celui d’un crime de l’humanité contre la vie.
Notre responsabilité collective est engagée. Responsabilité première des pays développés. Première par l’histoire, première par la puissance, première par le niveau de leurs consommations. Si l’humanité entière se comportait comme les pays du Nord, il faudrait deux planètes supplémentaires pour faire face à nos besoins. Responsabilité des pays en développement aussi. Nier les contraintes à long terme au nom de l’urgence n’a pas de sens. Ces pays doivent admettre qu’il n’est d’autre solution pour eux que d’inventer un mode de croissance moins polluant.
Dix ans après Rio, nous n’avons pas de quoi être fiers. La conscience de notre défaillance doit nous conduire, ici, à Johannesburg, à conclure l’alliance mondiale pour le développement durable. Une alliance par laquelle les pays développés engageront la révolution écologique, la révolution de leurs modes de production et de consommation. Une alliance par laquelle ils consentiront l’effort de solidarité nécessaire en direction des pays pauvres. Une alliance par laquelle le monde en développement s’engagera sur la voie de la bonne gouvernance et du développement propre. Nous avons devant nous, je crois, cinq chantiers prioritaires.
Le changement climatique d’abord. Il est engagé du fait de l’activité humaine. Il nous menace d’une tragédie planétaire. Il n’est plus temps de jouer chacun pour soi. De Johannesburg, doit s’élever un appel solennel vers tous les pays du monde, et d’abord vers les grands pays industrialisés, pour qu’ils ratifient et appliquent le Protocole de Kyoto. Le réchauffement climatique est encore réversible. Lourde serait la responsabilité de ceux qui refuseraient de le combattre.
Deuxième chantier: l’éradication de la pauvreté. A l’heure de la mondialisation, la persistance de la pauvreté de masse est un scandale et une aberration. Appliquons les décisions de Doha et de Monterrey. Augmentons l’aide au développement pour atteindre dans les dix ans au maximum les 0,7 % du PIB. Trouvons de nouvelles sources de financement. Par exemple par un nécessaire prélèvement de solidarité sur les richesses considérables engendrées par la mondialisation.
Troisième chantier: la diversité. La diversité biologique et la diversité culturelle, toutes deux patrimoine commun de l’humanité, toutes deux sont menacées. La réponse, c’est l’affirmation du droit à la diversité et l’adoption d’engagements juridiques sur l’éthique.
Quatrième chantier: les modes de production et de consommation. Avec les entreprises, il faut mettre au point des systèmes économes en ressources naturelles, économes en déchets, économes en pollutions. L’invention du développement durable est un progrès fondamental au service duquel nous devons mettre les avancées des sciences et des technologies, dans le respect du principe de précaution. La France proposera à ses partenaires du G8 l’adoption, lors du Sommet d’Evian en juin prochain, d’une initiative pour stimuler la recherche scientifique et technologique au service du développement durable.
Cinquième chantier: la gouvernance mondiale, pour humaniser et pour maîtriser la mondialisation. Il est temps de reconnaître qu’existent des biens publics mondiaux et que nous devons les gérer ensemble. Il est temps d’affirmer et de faire prévaloir un intérêt supérieur de l’humanité, qui dépasse à l’évidence l’intérêt de chacun des pays qui la compose. Pour mieux gérer l’environnement, nous avons besoin d’une Organisation mondiale de l’environnement.
Au regard de l’histoire de la vie sur terre, celle de l’humanité commence à peine. Et pourtant, la voici déjà, par la faute de l’homme, menaçante pour la nature et donc elle-même menacée. L’Homme, pointe avancée de l’évolution, peut-il devenir l’ennemi de la Vie ? Il est apparu en Afrique voici plusieurs millions d’années. Fragile et désarmé, il a su, par son intelligence et ses capacités, essaimer sur la planète entière et lui imposer sa loi. Le moment est venu pour l’humanité, dans la diversité de ses cultures et de ses civilisations, le moment est venu de nouer avec la nature un lien nouveau, un lien de respect et d’harmonie, et donc d’apprendre à maîtriser la puissance et les appétits de l’homme. Aujourd’hui, à Johannesburg, l’humanité a rendez-vous avec son destin. »
L’histoire du smartphone de l’«écolo» Macron n’est qu’un exemple. Rappelons-nous ses mots en 2017 aux Antilles, lorsqu’il est allé verser ses larmes de crocodiles après le passage d’Irma. Et en même temps qu’il se félicitait que Paris soit retenu pour les J.O de 2024 : «une grande victoire pour la France». Macron est dans son rôle, comme l’était Chirac etc.
Avant de parler de la « double pensée » orwellienne, parlons d’abord du double langage.
Le 11 JANVIER 2021 dans l’article «Projet de loi pour le climat, le recul» Biosphère écrivait : « Macron n’est pas l’écolo qu’il affirme être ».
Dans mon commentaire du 11 JANVIER 2021 À 13:12 j’ai cité Camus («Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde !») Pour ne pas sombrer nous-mêmes dans la «double pensée» orwellienne, commençons déjà par nommer un chat un chat. Dans celui de 15:28, encore une fois j’invitais chacun de nous à se regarder en face.
« la double-pensée est destinée à ceux qui ont du pouvoir […] sans la double-pensée il leur serait impossible de continuer. Nos hommes politiques savent que ce qu’ils font […] ils ont besoin de la double-pensée pour ne pas se jeter sous un train dans l’instant. […] Et alors qu’ils se servent du double-langage pour conditionner l’esprit de leurs « exécutants », ils utilisent la double-pensée pour eux-mêmes afin de justifier leurs actes.
Si pour les exécutants le fait d’appeler un plan de licenciement un « plan de sauvegarde de l’emploi », une guerre une « opération de maintien de la paix » […] suffit à leur ôter toute mauvaise conscience, ceux qui sont aux commandes ne peuvent pas se satisfaire de ce double-langage. Il faut qu’ils réussissent à se persuader « vraiment » que ce qu’ils font est bien. […] »
Extrait de l’article « Double-langage et double-pensée » de Caleb IRRI ( 23 juillet 2016 )
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Oui ou encore le langage UmPs genre « On décide pour vous au nom de la démocratie »
Ou encore le langage genre bleu Marine « je parle au nom du Peuple »