De même que la socionévrose phobique des civilisations agricoles sédentaires avait participé à la conservation du système militaro-ecclésiastique, la socionévrose obsessionnelle a été le plus ferme soutien du capitalisme pendant plusieurs siècles. Elle a donné à chacun le goût de l’ordre, de l’économie, de la contrainte et de l’autocensure. Elle a favorisé l’épargne, la discipline individuelle et le respect de la propriété, toutes vertus qui ont contribué à l’organisation capitaliste et à la soumission ouvrière.
L’époque moderne, qui a commencé il y a un peu plus d’un siècle, a donné lieu à une socionévrose un peu particulière, celle de l’hystérie. Aujourd’hui le sujet vivant n’est plus combattu en soi comme un abcès honteux, il est entièrement occulté, nié, ignoré. Dans la société industrielle marchande, le producteur de biens est séparé de son produit dans le moment même de son activité créatrice. Le produit fini ne lui appartient pas, c’est le résultat de la division technique et de la division sociale du travail poussée à l’extrême. Le travailleur est donc nié en tant que sujet par le système de production, et en se soumettant à un tel système, c’est une négation de soi-même qui constitue le fondement de l’hystérie.
L’histoire de l’humanité n’est donc pas seulement celle de son développement technique, ni même celle de ses institutions et de ses révolutions. Elle est aussi et surtout l’histoire de ses folies collectives, de ses différentes névroses qui ont marqué sa rupture de plus en plus importante avec la Nature. Qui achèterait des aliments là où chacun pourrait cueillir, ramasser et chasser à sa guise ? Qui s’emploierait dans des activités rébarbatives en échange de biens qu’il posséderait en abondance ?