La « merde du diable » triomphe en Algérie et en France

Le pétrole qui irrigue aujourd’hui nos artères commerciales charrie aussi le poison qui va tuer l’économie, et donc l’emploi et la stabilité sociale. Pour les pays producteurs, le nom de ce poison porte le doux nom de « rente pétrolière », pour les pays consommateurs de carburants celui plus explicite de « crise économique ».

Des experts pétroliers, dont trois anciens PDG de Sonatrach, la société nationale des hydrocarbures, réunis à la veille de la commémoration de la nationalisation du secteur pétrolier, le 24 février 1971, dressaient de sombres constats en Algérie : la fin de la rente pétrogazière est proche*. Alors que les revenus du pays proviennent à 97 % de l’exportation des hydrocarbures, le pic de la production gazière a été atteint en 2005. La production de pétrole décline également, les extractions algériennes ont reculé de 14 % depuis 2007. Or la population algérienne est passée de 15,5 millions en 1972 à 38,5 millions en 2012 : multipliée par 2,5 en 40 ans ; c’est une croissance démographique insoutenable. Malgré la rente pétrolière, le pays devient un bidonville et le chômage explose. Le gouvernement, soucieux de préserver la paix sociale, n’ose pas relever les prix de l’électricité et des carburants. La politique de redistribution de la rente menée depuis 2011 pour contrer la « contamination » du printemps arabe devient ainsi « non soutenable ». En 1965, Boumediene déclarait en s’emparant du pouvoir qu’à la fin du siècle l’Algérie sera une grande puissance grâce à ses 40 millions d’habitants. Dumont lui faisait tenir immédiatement un  message : « Sur 40 millions d’Algériens, il y aura 39 millions de miséreux et 1 million de privilégiés. »

Bien gérer la sortie de scène du « Dieu fossile » ne va pas être une mince affaire dans les pays riches, mais dépendants. La France, pays importateur d’énergie fossile, ne sera pas mieux lotie que l’Algérie quand le pétrole viendra à manquer. Si demain ce pays insouciant n’avait plus ni pétrole, ni gaz, ce n’est pas 4 % du PIB qui s’envolerait en fumée (la place de l’énergie dans le PIB), mais près de 99 %. « Conservez les neurones et supprimez les combustibles fossiles : nous ne serons plus capables de proposer des machines géniales à chaque consommateur occidental pour un prix qui n’a cessé de baisser au fil des temps. Tout plan qui présuppose une économie bâtie sur des flux carbonés croissants fera faillite. »**

Le pétrole n’est pas le sang de Jésus, mais la merde du diable.

* LE MONDE économie&entreprise du 26 février 20014, En Algérie, le déclin de la production de pétrole et de gaz met en lumière les failles d’une économie de rente

** Changer le monde, tout un programme de Jean-Marc Jancovici (Calmann-lévy, 2011)

2 réflexions sur “La « merde du diable » triomphe en Algérie et en France”

  1. Cet édito du MONDE (résumé) croit que c’est le « chavisme » qui « vire au cauchemar ». En fait, aux errements politiques, s’ajoute aussi les facilités de la rente pétrolière qui empêche un pays de faire face aux dures réalités.

  2. Les conséquences néfastes de la rente pétrolière au Venezuela
    « Avec le « chavisme », doctrine héritée de l’ancien président Hugo Chavez, les plus pauvres des 30 millions de Vénézuéliens ont profité d’une certaine redistribution de la rente pétrolière. Elu en avril 2013, le successeur de Chavez, Nicolas Maduro, a été obligé de mettre en place une carte de rationnement. Hormis le pétrole, le Venezuela produit de moins en moins. Il importe presque tout. Hier pays d’agriculture et d’élevage, il achète aujourd’hui plus du tiers des biens de consommation courante. Les hôpitaux manquent de tout. Les coupures d’électricité sont de plus en plus fréquentes. L’inflation annuelle dépasse les 56 %, condamnant les plus pauvres à plus de pauvreté encore. A l’effondrement de l’économie s’ajoute une insécurité galopante : 25 000 homicides par an, sans compter cambriolages, agressions diverses et enlèvements. Caracas est la capitale la plus dangereuse de la planète. »
    Cet édito du MONDE (résumé) croit que c’est le « chavisme » qui « vire au cauchemar ». En fait, aux errements politiques, s’ajoute aussi les facilités de la rente pétrolière qui empêche un pays de faire face aux dures réalités.

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