Dans le dernier livre de JM Jancovici, C’est maintenant ! Trois ans pour sauver le monde (Seuil, 2009), on trouve bien des choses excellentes, mais aussi une erreur beaucoup trop répandue en France, le dénigrement de la deep ecology : « Le monde associatif a aussi ses extrémistes, typiquement les tenants de la « deep ecology » (ndlr : écologie profonde). Pour eux, c’est la nature qu’il faut sauver des hommes, qui ne sont que de sales pollueurs, et qui peuvent être sacrifiés si nécessaire. Dans l’esprit de ces mouvements, les seuls qui ont le droit à un avenir meilleur sont ceux qui n’ont jamais péché. » Jancovici, avec des mots de condamnation sans preuves, s’appuie uniquement sur le roman de Michael Crichton, ce négationniste qui a brocardé le réchauffement climatique ! Soyons sérieux, surtout à l’heure ou le père de l’écologie profonde vient de mourir. Dans sa nécrologie du 23 janvier, Le Monde écrit :
« Philosophe, militant écologiste et inventeur de l’écologie profonde, Arne Naess (1912-2009) aura marqué les Norvégiens dans tous les domaines. Il devient en 1939 le plus jeune professeur en philosophie dès 24 ans, « le travail le plus idiot que j’aie fait », avait-il déclaré voici quelques années. Il développe au début des années 1970 sa notion d’écologie profonde, qui place l’homme non pas au sommet de la biosphère, mais à l’égal des autres espèces qui peuplent la planète. A ce titre, il prône une décroissance de l’impact des activités humaines et une diminution de l’activité humaine. Sur le fond, il cherche à définir un système éthique dans lequel la valeur des choses est définie indépendamment de leur utilité. Sur cette base, il estime que les grandes philosophies ne pensent pas la nature de manière cohérente et prône une nouvelle relation entre l’homme et la nature. » Il s’agit donc d’une réflexion philosophique profonde qui oppose anthropocentrisme et biocentrisme. Puisque l’homme est la mesure de toutes choses, doit-il se donner la place de dominant, ou au contraire une place plus humble, au service de la planète et de tous ses habitants ?
Dans son livre Ecologie, communauté et style de vie, Naess expose les fondements d’une nouvelle ontologie (étude de l’être en soi) qui rend l’humanité inséparable de la nature. Si nous saisissons cette ontologie, alors nous ne pourrons plus endommager gravement la nature, sans nuire en même temps à une partie de nous-mêmes. Arne Naess constate : « Une culture globale de nature essentiellement techno-industrielle s’étend actuellement partout dans le monde et détériore les conditions de vie des générations futures. L’ampleur de la crise est due en partie à ce qu’elle est largement incontrôlée : les évolutions se produisent à un rythme accéléré sans qu’aucun groupe ou aucune classe ait forcément prévu ou accepté la phase suivante. Il est important de réaliser que le pourcentage de croissance est exponentiel, et que 1 % ou 2 % de croissance annuelle induisent des transformations sociales et techniques de plus en plus importants qui s’ajoutent à celles, énormes, déjà accumulées. Aujourd’hui la formule « PNB = pollution nationale brute » tient toujours et la politique écologique continue chaque année de souffrir des actions menées pour faire croître le PNB. La crise des conditions de vie sur Terre peut nous aider à choisir une nouvelle voie avec de nouveaux critères de progrès, d’efficacité et d’action rationnelle. Nous, qui somme responsables et participons à cette culture, nous avons la capacité intellectuelle de réduire notre nombre consciemment et de vivre dans un équilibre durable et dynamique avec les autres formes de vie. »
Je ne vois rien là de critiquable et Jancovici mérite qu’on lui tire l’oreille : il ne faut pas dire du mal des personnes qu’on ne connaît pas…
Pour tout savoir sur l’écologie profonde,
quelques liens à consulter
http://biosphere.ouvaton.org/index.php?option=com_content&view=article&id=1245:ecologie-profonde-tout-savoir-sur-&catid=109:vocabulaire&Itemid=96