La nécessaire radicalisation des militants écologistes

Les opposants au centre d’enfouissement revendiquent des actes de « sabotage ». La petite commune de Bure est, du 19 au 26 juin, le foyer d’une semaine de mobilisation contre le projet Cigéo qui, porté par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), est destiné à enfouir les résidus nucléaires français à haute activité et à vie longue. Or, ces derniers jours ont été émaillés d’actions violentes, dont la radicalité est revendiquée par les opposants à ce « cimetière atomique » : vol de matériel (caisse à outils, câbles en acier…), édification d’une barricade, dégradations dans un hôtel-restaurant situé en face du siège meusien de l’Andra… La préfecture de la Meuse a mis en place un dispositif de sécurité renforcé. Elle souligne que « ces faits sont d’une nature différente des actions jusqu’ici conduites par les opposants », dans la mesure où ces derniers s’en sont pris non plus seulement à l’Andra ou aux forces de l’ordre, mais « à des entreprises, à des sites et à des personnes sans lien direct avec le projet Cigéo ». Les anti-Cigéo assument au contraire la responsabilité du « sabotage matériel de l’un des chevaux de Troie de l’Andra ». A leurs yeux, l’hôtel-restaurant pris pour cible illustre « l’invasion du territoire par l’Andra et la militarisation qui l’accompagne ». Celle-ci se traduit, relatent-ils, par « les contrôles incessants dont font l’objet opposants et habitants confondus, la surveillance policière constante, les fouilles de véhicules abusives, les survols d’hélicoptère… »*

Il est vrai que le choix du nucléaire présuppose une société militarisée. Une centrale nucléaire est déjà entouré de miradors et de barbelés, comme un camp de concentration, sauf que le danger vient de l’extérieur, des citoyens ! Le nucléaire ne pose pas seulement le problème de l’uranium (ressource non renouvelable), la dangerosité du mode de production, le coût financier exorbitant du démantèlement, le traitement improbable des déchets… il pose surtout le problème du choix de société que nous voulons, avec un état d’urgence permanent qui ne pourra être maintenu indéfiniment et dans tous les lieux. Il est même étonnant que si peu de militants s’attaquent à ce qui fait le malheur des générations futures, nucléaire, centrales au charbon, raffineries de pétrole, gazoducs, aéroports inutiles, etc. Voici quelques commentaires sur lemonde.fr :

Stan : Bah, il suffira bientôt d’assigner une centaine de ces perturbateurs (« terroristes » ?) à résidence le temps des travaux, et l’ordre républicain sera rétabli promptement. La loi sur l’état d’urgence permanent le permettra.

MARC PIÉPLU : Les plus dangereux ne sont pas quelques encagoulés inconséquents mais les dirigeants qui nous imposent le nucléaire avec ses centrales à risques énormes et ses déchets empoisonnés pour des milliers d’années. Il faut arrêter la production d’énergie par le nucléaire en France comme cela a été décidé dans d’autres pays européens.

XMX : La terminologie « les radicaux » n’est pas si récente, les radicaux sont seulement supposés prendre le mal et à la racine. Ce qui a quelquefois des effets extrêmes.- en particulier dans des périodes révolutionnaires – où nous ne sommes pas encore.

Raphael : Intervention sur la forme: « se radicaliser », nouvelle expression qui décrit au départ l’évaluation de certains djihadistes comme étant une maladie mentale, un processus à combattre par la déradicalisation. Et voilà que maintenant, c’était prévisible, le verbe s’applique à des écolos.

le sceptique @ raphael : c’est la réalité de toute idéologie de transformation sociale, non? Dans les années 1960 et 70, des communistes radicalisés ont versé dans le terrorisme face à l’impuissance des partis à prendre le pouvoir en Europe de l’Ouest. Idem autonomistes. L’écologie a déjà des exemples de radicalisation sur le modèle (littéraire au départ, plaisant à lire d’ailleurs) du gang de la clé à molette, avec agressions contre des personnes et des biens (forêts animalerie), occupations illégales, etc. Tant que l’écologisme sera sensible voire complaisant sur des illuminés qui parlent de crime permanent contre la vie et la planète, d’humanité parasite n’apportant que la mort, de système capitaliste-industriel intrinsèquement pourri et à faire disparaître en priorité, il n’est pas si étonnant que des personnes à tempérament violent finissent par être attirées et par passer à l’acte

raphael @ « le sceptique » : le catastrophisme de certains écolos est-il si démesuré ? Et la violence de ceux qui continuent de polluer malgré tout ?  » On s’intéresse souvent à la violence des fleuves qui débordent, rarement à celles des rives qui l’enserrent« . Attention: je ne dis pas que cela justifie de mettre le feu à un hôtel occupé. Mais les industriels qui continuent de polluer parce que leur profit est jugé plus opportun mettent le feu à toute la planète, eux.

* LE MONDE du 24 juin 2017, A Bure, la lutte contre le stockage de déchets radioactifs se radicalise