Un article* dont le résumé ci-dessous révèle aussi l’idée générale sur ce blog : un changement de civilisation est complexe et demande la participation de tous, individus et institutions diverses :
« Il y aurait de quoi se demander si mettre des enfants au monde dans le contexte actuel était bien raisonnable… Car la plupart d’entre nous le savent désormais, la situation ne va pas s’améliorer. Du moins pas toute seule. Pour la première fois dans l’histoire, nous sommes confrontés à une conjonction de problèmes qui, en s’additionnant, pourraient conduire à la disparition d’une partie de notre espèce. Nous sommes confrontés à deux enjeux majeurs : l’un concerne l’augmentation intenable des inégalités ; l’autre, la disparition des ressources naturelles et des espèces vivantes à une vitesse étourdissante, qui ne leur permet plus de se renouveler. Ce sont d’ailleurs ces deux facteurs qui, lorsqu’ils se combinent, précipitent la chute des civilisations. De nombreuses études pointent désormais le risque d’un effondrement écologique sans précédent, susceptible de déclencher conflits, migrations de masse, ruptures alimentaires, cracks économique et financier… Et il pourrait intervenir dans les vingt à trente ans. Une grande part d’entre nous attend patiemment que quelqu’un résolve le problème à notre place . Mais un système aussi global et complexe que le nôtre ne pourra pas changer de cette façon. Nous devrions être mobilisés, unis, comme à l’aube d’une guerre mondiale.
D’abord en mettant en œuvre dans notre propre vie tout ce qui est en notre pouvoir pour inverser la tendance : manger bio, local et moins de produits animaux, économiser l’énergie, acheter tout ce qui peut être fabriqué localement à des entrepreneurs locaux et indépendants, systématiquement recycler, réutiliser, réparer, composter… Mais la société ne changera pas simplement en additionnant des gestes individuels. Il est également nécessaire de transformer nos entreprises, nos métiers, pour qu’ils contribuent à résoudre ces problèmes. C’est l’économie symbiotique (l’économie circulaire, l’économie du partage, le biomimétisme…). Enfin, des mesures politiques devraient être prises. D’abord en termes de fiscalité et de régulation : taxer le carbone pour accélérer la transition énergétique, alléger la fiscalité du travail, réorienter les subventions agricoles pour stimuler une agriculture vivrière et locale, transformer le mécanisme de création monétaire pour progressivement se libérer de la dette.
Selon les calculs que nous avons faits pour le film Demain, nous pourrions créer au moins 1,5 million d’emplois en adoptant une ambitieuse transition énergétique, en relocalisant une grande part de notre alimentation et en montant notre taux de recyclage à 80 % (contre 25 % aujourd’hui). En quelques décennies, nous pourrions redresser la barre à condition de favoriser la coopération entre droite et gauche, citoyens et élus, législatif et exécutif. De nous unir. Et de cesser les petites guéguerres politiciennes et les stratégies électoralistes. »
Cyril Dion, cofondateur du mouvement Colibris avec Pierre Rabhi en 2006. Il a écrit et coréalisé avec Mélanie Laurent le film Demain, César du meilleur documentaire en 2016.
* LE MONDE du 16 août 2016, Cyril Dion : « Etre plutôt qu’avoir »