La tour Triangle imaginée à la porte de Versailles devrait monter jusqu’à 180 mètres. A quoi va servir cette tour ? Triangle comportera 80 000 m2 de bureaux, Rien d’autre que des bureaucrates. Pas de logements, pas de commerces, pas d’espace vert à portée des yeux. Les avis divergent sur ce projet. Les Verts en appellent à une « ville plus basse et plus apaisée »*.
Anne Hidalgo, la maire de Paris, se retranche derrière une conception tronquée de la démocratie qui serait « recherche de l’intérêt commun » contre « pratiques tacticiennes » : « Seul un discours émancipé des considérations d’appareil et de pouvoir peut faire advenir une décision authentiquement démocratique. »** Ce qui veut dire pour elle de raisonner uniquement sur des potentialités en matière d’emploi, l’arrivée d’un investissement privé de 500 millions d’euros et une « très grande qualité architecturale ». Mais l’emploi n’est que fantasme, Paris est déjà suréquipé en bureaux. Quant aux capitaux privés, il est vraiment paradoxal que ce soit le PS et le PCF qui militent pour une tour de promoteurs ! Quant au goût des architectes pour de grandioses projets inutiles qui ne satisfont que leur ego de créateurs, il faut être un politique des années 1960 pour y croire encore.
La tour Triangle pourrait être beaucoup plus haute, comme la Burj Khalifa à 828 mètres, la Kingdom Tower en construction (prévue pour atteindre 1000 mètres) ou dépasser sa concurrente à Paris, la Tour Montparnasse qui culmine à 210 mètres. Mais elle pourrait aussi être beaucoup plus basse, à 37 mètres, hauteur standard de la Lutèce moderne. Ou bien encore rester au niveau de la terre, un étage au maximum. Constatons d’ailleurs que les architectes habitent de préférence au rez-de-chaussée, avec vue sur le jardin. De toute façon l’avenir des villes ne sera durable que s’il est accompagné d’une désurbanisation maîtrisée pour préparer la nécessaire relocalisation des activités dans un contexte probable de chocs énergétiques et climatiques. La tâche du futur maire de Paris sera de faire naître une agriculture urbaine, d’inciter chacun à avoir son poulailler et de permettre à tous de composter ses déchets dans le bac au coin de la rue. Le futur de Paris ne reposera pas sur la multiplication des tours, nous devrons revenir à une ville à taille humaine, écologiquement compatible si c’est encore possible… quand il y a des banlieues tentaculaires. Ah, «le grand Paris » !
* LE MONDE du 22 novembre 2014, Pas de quartier pour la tour
* LE MONDE du 22 novembre 2014, Ne renonçons pas à la tour Triangle !
de la part d’un correspondant, Didier Barthès :
Cette Tour Triangle concentre à elle seule tout le contraire de ce qu’il faut faire. Du verre et du béton pour ressembler à tous les buildings de la planète, sans un gramme de coquetterie, c’est un caprice d’architecte qui cherche avant tout l’originalité. Mais une tour n’est pas faite pour son architecte.
Il faudrait au contraire faire des immeubles bas, en pierre (c’est quand même infiniment plus noble) et sans immenses verrières victimes de salissures qu’il faut encore et encore nettoyer avec moult détergent. Doit-on aussi parler des frais de climatisation inhérents à ce genre de bâtiments ? Et puis une tour qui s’amincit vers le haut c’est la meilleure façon de perdre de l’espace.
Certains envisagent de mettre des arbres sur les toits (ou des tomates ou un peu de verdure). Pas de chance, avec une tour en forme de pyramide ça va nous faire un toit en forme d’épingle, pas très pratique pour planter quelque chose. Bref l’un des projets les plus inutiles qui soient (d’autant que des bureaux vident existent à Paris).
Et si on abandonnait se projet ? Si l’on mettait quelques arbres ? On pourrait d’ailleurs faire la même chose pour l’Ile Seguin. Comme ce serait beau de ne rien dépenser et de laisser l’île se faire reconquérir par la nature, laisser les plantes et les animaux les mieux adaptés s’y installer.
Voilà qui serait un signal pour aller dans la bonne direction. Mais non, nous préférons le verre et le béton. Paris ressemblera aux plus laides et aux plus inhumaines métropoles du monde avant que la Terre entière ne soit ainsi recouverte, au nom de la croissance et d’un modernisme mal compris.