Quand l’Académie de médecine et l’Académie des Sciences disent la même chose, nous devrions avoir confiance : Il serait « particulièrement dangereux » de recommander un moratoire (comme le demande un rapport parlementaire) sur l’aluminium dans les adjuvants vaccinaux*. Bizarre cependant qu’un pédiatre de 73 ans, Pierre Bégué, juge « particulièrement dangereux » un moratoire qui s’apparente à un principe de précaution. En fait les deux Académies ne sont qu’un lobby, certainement pas des comités scientifiques. Démontrons :
– En 2003, Bernard Cassen avait dévoilé les mentalités et les liens avec l’argent qui sous-tendaient les jugements « scientifiques » de l’Académie des sciences à propos des OGM … En résumé, elle se comporte comme la courroie de transmission de l’industrie. On peut le déceler pour au moins trois raisons : la non-prise en compte des travaux d’autres institutions ou personnalités scientifiques sur le même sujet ; l’incursion dans un domaine qui n’est absolument pas du ressort de l’Académie, celui de la politique commerciale ; enfin, et ceci explique sans doute cela, les liens entre certains de leurs membres et les grands groupes industriels du secteur. Le groupe de travail qui a préparé le rapport de l’Académie des sciences est presque entièrement composé de personnalités connues depuis longtemps pour leur enthousiasme pro-OGM. Ses conclusions sont aussi peu inattendues que celles d’un comité devant se prononcer sur les risques du tabagisme et qui comprendrait des représentants des producteurs de tabac et des « scientifiques » liés à eux par des contrats de recherche.
– en 2004, le rapport de l’Académie des sciences sur les nanotechnologies : « Ce monde est porteur d’une évolution industrielle majeure, celle des nanotechnologies, qui permet d’organiser la matière à l’échelle de l’atome. Les implications sont considérables dans tous les secteurs. Quelques réalisations existent déjà, d’autres restent encore aujourd’hui du domaine du rêve, mais qui se matérialisera bien vite. Ce rapport présente les applications actuelles, il présente également des recommandations visant à faire en sorte que la recherche française défende son rang au plan international. » Cette Académie dite des sciences s’intéresse aux applications de la science, pas à la science elle-même.
– En 2005, avant même les débats parlementaires, les Académies des sciences et de médecine craignaient que l’inscription du principe de précaution dans la Constitution n’ait des conséquences « désastreuses ». Comment comprendre la guerre déclarée par l’Académie des sciences au principe de précaution qui exige la recherche scientifique de réponses aux questions posées par les avancées technologiques ? Les rapports sont préparés par un petit nombre de membres dont certains entretiennent des rapports étroits avec l’industrie. En fait les Académies ne s’intéressent pas à la science mais à la politique (économique).
– En 2009, rapport très controversé de l’Académie de médecine sur les ondes. Cette Académie jugeait dangereuse une baisse des normes d’exposition aux ondes, alors que cette baisse ne pouvait, en toute hypothèse, qu’être favorable à la santé humaine. Parmi les rapporteurs, on comptait plusieurs membres en copinage avec les opérateurs, particulièrement Bouygues Telecom, ainsi que deux personnes extérieures au sujet. Ce type de comité est-il de nature à délivrer l’avis des sommités médicales sur un sujet de santé publique ?
– En 2010, l’Académie des sciences était mandatée pour déterminer si Allègre était un imposteur ou un affabulateur. Cette Académie « des sciences » a simplement déclaré (bien après toutes les autres instances scientifiques internationales) que le réchauffement climatique était une réalité. Une Académie qui a discuté à huis clos et fonctionné avec un « comité secret ». Une Académie dont beaucoup de membres ont révélé leur méconnaissance des mécanismes climatiques dans des documents qui sont restés confidentiels. Une Académie qui ne sait pas ce que scientifique veut dire.
CONCLUSION de Biosphere : Rappelons qu’il ne suffit pas de s’appeler Académie des sciences pour faire de la science. Rappelons que le lobbying n’appartient pas au domaine scientifique. En fait Pierre Bégué craint qu’une polémique sur l’adjuvant aluminium ne détourne les familles de la vaccination : « C’est dangereux de déclencher des paniques sur quelque chose d’aussi important ». Mais c’est parfois encore plus dangereux de ne pas déclencher l’alerte !
* LE MONDE du 31 mars 2012, L’aluminium à nouveau sur la sellette