L’Atelier Paysan soutient les technologies paysannes pour « reprendre la terre aux machines ». Les machines comme engins de guerre agricole, mais aussi comme machine économique, industrielle, machine administrée, machine à nourrir ou plutôt à remplir les caddies. Cette agro-industrie profite de chaque choc pour se propager encore, éliminant les savoir-faire, les communautés paysannes, mais aussi la biodiversité et finalement le savoir et le pouvoir s’alimenter. Les dégâts sanitaires et sociaux sont colossaux, pas moins que les dégâts environnementaux. Nicolas Mirouze, vigneron bio mais aussi ancien élève d’AgroParisTech, écrit une tribune dont voici l’essentiel :
« 5,5 millions de personnes en grande précarité alimentaire dans la France de 2018, donc avant la crise due au Covid-19, se procuraient leurs repas quotidiens grâce à l’aide alimentaire. Elle est alimentée par les surplus de l’agriculture intensive et les invendus de la grande distribution, elle participe directement à la compression des coûts des produits agricoles et donc à la diminution du revenu des agriculteurs…. La mécanisation industrielle, soutenue par des politiques publiques depuis soixante-dix ans, a créé de terribles dépendances techniques et financières. Avec 400 000 exploitants et 650 000 travailleurs et travailleuses de la terre au total en 2019, l’usage massif de pesticides est absolument inévitable. L’histoire se répète, les drones, les robots et le numérique représente la « nouvelle frontière » du lobby agro-industriel. Ce qui nous est promis, c’est une agriculture dans une campagne complètement déshumanisée, définitivement vidée de ses paysans. Nous avons pour objectif d’installer dans les campagnes françaises un million de paysans… »
Commentaire biosphèrique : Il manque dans cette tribune le lien entre le million d’agriculteurs supplémentaires, des revenus décents pour chacun d’entre eux, et des prix abordables en magasin. Tout ça est très beau, et je suis prêt à signer, mais comment fait-on ? Avec l’égalité entre les sexes, ça fera 500 000 femmes à racler le sol et à pousser une brouette, sous le soleil, avec les mains calleuses. A la télé elles verront encore les influenceuses qui ont évité ça, genre Kardashian. Les urbains devront quitter leurs postes de fonctionnaires et retourner à la terre. Très belle idée, mais la terre est basse et les RTT n’existent pas dans l’agriculture : il faut rentrer les foins avant qu’il pleuve, y compris si c’est un dimanche et qu’on est crevé. Comment attirer un million de personnes ? Comment repartir en sens inverse ? Dans les années 1970, il y avait dans mon village dix familles qui vivaient de la terre (élevage de quelque vaches, le toit à cochon, les poules en liberté et les lapins dans leur clapier. Ce n’était pas le grand luxe mais tout le monde avait un toit et mangeait à sa faim. Mais de Gaulle et son ministre Pisani ont décidé la modernisation de la France agricole. Résultat en quelques décennies, disparition de la paysannerie et généralisation des tracteurs. Les bâtiments abandonnés sont habités par des ruraux condamnés à la possession de voiture. Aujourd’hui plus personnes ne vit de l’agriculture dans le village, plus de chant du coq, plus de bouses de vaches, seul le bruit des machines de la ferme industrielle. De plus c‘est quand même très étrange que cette tribune provienne de quelqu’un qui produit une denrée nocive et inutile à l’alimentation humaine. L’alcool est un poison responsable de 75 000 décès annuels en France. De toute façon un million de paysans sans machine avec un revenu décent, cela va augmenter considérablement le prix des légumes et de la viande. La part de l’alimentation dans les budgets des ménages va tripler. Il faudra avoir une police très efficace pour empêcher les manifestations des millions de Gilets Jaunes qui ne pourront plus boucler leur fin de moi. Nous retrouverons enfin le plaisir des veillées à la bougie le soir, il n’y aura plus de télé financée par la publicité puisqu’il n’y aura plus rien à acheter. Il y aura juste des « cacathon », concours invitant des paysans à venir avec leur « meilleur fumier, compost et jus de lombric », pour gagner des prix comme la « bouse d’or ».
Lire, tous paysans en 2050 ?
En 2050, nous serons au lendemain des grands chocs écologiques qui vont déstructurer la société thermo-industrielle. Ce sera comme pendant une grande guerre, la pénurie et le rapprochement des campagnes. Ce sera le retour des paysans comme décrit par Silvia Pérez-Vitoria : « Quel que soit l’avenir de nos sociétés, la terre reste le fondement de notre alimentation. Entre 1940 et 1944 c’était une chance pour la France de compter encore un bon tiers de la population dans l’agriculture. Si un conflit d’une ampleur comparable se produisait aujourd’hui, il n’est pas sûr que la population française puisse survivre. Une grande crise fait apparaître les avantages du système agricole traditionnel, on aura besoin de plus de main d’œuvre dans les campagnes. A Cuba, les habitants des villes ont été fortement encouragés à planter des fruits et des légumes. C’est en fait la situation à laquelle conduirait une exacerbation de la crise pétrolière. En France, on aurait sur les marchés 3 600 variétés de pommes au lieu des 12 actuelles. On consommerait davantage sur place. Peut-être ne redeviendrons-nous pas tous paysans, mais il est peu probable que nos sociétés aient un avenir sans une paysannerie nombreuse et forte. On estime qu’aujourd’hui, dans le monde, il existe environ 28 millions de tracteurs, tandis que 350 millions de paysans font appel à la traction animale et 1 milliard travaillent manuellement. C’est précisément cet ancrage local qui assure une des meilleures bases pour lutter contre la mondialisation en crise; les hommes vivent d’abord dans des territoires. Le XXIe siècle sera paysan… ou ne sera pas.
– « dans le monde, il existe environ 28 millions de tracteurs, tandis que 350 millions de paysans font appel à la traction animale et 1 milliard travaillent manuellement. »
– « L’agriculture emploie plus de 1,3 milliard de personnes dans le monde, soit près de 40 % de la population active mondiale. Dans une cinquantaine de pays, l’agriculture emploie la moitié de la population, voire jusqu’à 75 % pour les plus pauvres. L’agriculture est le premier pourvoyeur d’emplois de la planète.» (terre-net.fr 1 septembre 2012)
– « Les petits producteurs agricoles génèrent environ 35 % de la récolte agricole totale dans le monde sur 12 % de la superficie cultivable» ( zoom-eco.net 28 avril 2021 : Monde : Le tiers de la production agricole est fourni par les petits exploitants (Etude) )
– « Enfin, les exploitations les plus vastes, dont la superficie est supérieure à 50 hectares, représentent 1 pour cent du total et couvrent plus de 70 pour cent des terres agricoles du monde ; parmi elles, les exploitations qui s’étendent sur plus de 1 000 hectares couvrent près de 40 pour cent des terres agricoles.» ( rural21 20/0/2021: Les petites exploitations agricoles assurent un tiers de la production alimentaire mondiale)
@ ET BIEN DANSEZ MAINTENANT4 JUIN 2022 À 14:17
Et vos piments, d’Espelette, ce ne sont pas des clones bien alignés, peut-être ?
Et déjà, d’où vient-il ce piment ? Et puis a t-on vraiment besoin de ce piment ?
Mais on s’en fout de tout ça ! Moi je les aime bien ces piments, bien rouges, pendus aux façades blanches. Maintenant je ne vais pas vous dire s’ils sont plus ou moins beau qu’une vigne en automne. Des goûts et des couleurs on ne discute pas !
En fait c’est quoi l’agriculture ? La vigne, comme les piments, le blé etc. sont des plantes artificielles. Dans le sens où elles ont été au fil du temps sélectionnés et modifiées par l’homme. La vigne, comme le reste, peut-être cultivée en BIO, comme à grand renfort de chimie. On peut la travailler à la main, comme on l’a fait durant des siècles, ou alors avec des machines, des drones, des robots etc. Bref, je pense que nous devrions déjà savoir faire la part des choses.
Parfaitement, tous des clones!
Le piment d’Espelette, les tomates sous serre et la culture de céréales ne sont pas produites comme le ferait la nature. C’est grâce à St Pétrole et tous nos esclaves énergétiques que cela est faisable, mais ne sera plus faisable car ce n’est pas DURABLE!
Voir Eric Escoffier et sa vidéo des « 10 bonnes raisons de ne pas faire de potager ». Iconoclaste certes, mais cohérent en tant que crudivore. Il récolte des végétaux spontanés pérennes, riches en nutriments, non semés, non arrosés, non transportés, non cuits, mais pour cela il faut créer des milieux abondants et pas des champs stériles d’une monoculture quelconque qui crée de la rareté et de la dégénérescence!
Votre piment été introduit au Pays basque au 16ème siècle. L’homme cultive des céréales depuis plus de 10.000 ans. Comment pouvez-vous dire que sans pétrole ce ne sera plus faisable ?
En tous cas merci beaucoup pour ces infos. De suite je me suis dit : «Tiens, je le croyais mort.» En fait je ne pensais pas à celui-là. Pour la bonne raison que je ne le connaissais pas. Ou alors que je l’avais rangé aux oubliettes, en pensant que c’était là sa meilleure place, tout le monde fait ça. Si on oublie des tas de trucs et machins, c’est d’abord parce qu’on pense qu’ils ne servent à rien. Et qu’ils n’ont donc aucun intérêt. (à suivre)
Ce que raconte cet Escoffier est tout de même intéressant, mais.
Mêmes si la permaculture est intéressante, et qu’à ce titre elle doit être enseignée, développée et tout ce que vous voudrez, l’agriculture n’est pas à jeter à la poubelle pour autant. Quand je vous disais que nous devrions déjà savoir faire la part des choses, c’était pour dire qu’il y a agriculture ET agriculture.
Là c’est pareil, il y a permaculture ET permaculture. Celle d’Escoffier, celle de Rabhi, celle de Machin et Jean Pass. Pouvez-vous me dire laquelle la Bonne, la Vraie, la Pure, la Durable etc. ? Je veux simplement dire qu’il est absurde d’opposer agriculture et permaculture. Occupons-nous plutôt de combattre cette agriculture néfaste, celle qui remplit les poches des Monsanto et Compagnie.
Il était et sera toujours possible de cultiver de la céréale et autres mais comme cette mode de culture n’est pas durable (+ de calories énergétiques investies que de calories alimentaires sorties) est-ce souhaitable et éternellement faisable de produire de manière déficitaire? Aujourd’hui les producteurs disposent d’esclaves énergétiques alors qu’autrefois les esclaves et serfs étaient bien humains.
Pour rappel, la permaculture est une boite à outils pour créer des systèmes humains durables selon un contexte et des objectifs. Ce processus de conception emprunte à l’écohabitat, l’agroécologie, l’enseignement alternatif, la médecine naturelle, la sociocratie, la low-tech, à l’artisanat séculaire, etc… mais aussi de manière très raisonnée à l’agriculture, à l’architecture contemporaine, à la médecine et pédagogie conventionnelle…
Vous voulez dire que cultiver des céréales est énergiquement non rentable !!???
Dit autrement, que l’EROI (taux de retour énergétique) serait en dessous de 1 …
Ou alors qu’il est bien plus rentable, durable, raisonnable etc. de manger des feuilles d’arbres (comme nous l’explique Escoffier) que du pain. C’est ça ?
Je sais bien que nous sommes capables de brûler du blé, ou du café, dans des chaudières, mais en attendant faudrait peut-être arrêter les conneries. Et je ne dis pas que la permaculture c’est des conneries.
– « De plus c‘est quand même très étrange que cette tribune provienne de quelqu’un qui produit une denrée nocive et inutile à l’alimentation humaine. L’alcool est un poison responsable de 75 000 décès annuels en France. » (Biosphère)
Moi ce que je trouve étrange, c’est que, et en même temps, Biosphère s’efforce de nous faire entendre qu’il ne faut pas tuer le messager. Comme si cette tribune aurait eu plus de poids si elle avait été écrite par un producteur de patates. Si Biosphère n’aime pas le jus de raisin, qu’il n’en dégoûte pas les autres !
Et puis faudrait savoir, si ces paysans auront la Télé ou pas. S’ils pourront, le soir, à la lueur de la bougie ou de la lampe à huile, se marrer en regardant et écoutant les conneries des influenceuses genre Kardashian, ainsi que ce Cacathon à la con.
En tous cas, Télé ou pas, en 2050 il est fortement probable que les campagnes soient plus vivantes qu’aujourd’hui. Des millions de paysans, des millions de petits commerçants, d’artisans, de maréchal-ferrants et j’en passe.
En attendant, mains calleuses ou pas, souhaitons que la vie y soit plus douce qu’aujourd’hui. Plus lente, plus riche etc. N’oublions pas que le suicide chez les agriculteurs est un véritable fléau. Et qui plus est un tabou. Si nos gouvernants (avec ou sans guillemets) veulent réellement que ça change, comme ils le prétendent… alors qu’ils fassent en sorte que ce million de nouveaux paysans devienne vite une réalité.
Juste pour contextualiser. La viticulture, c’est une monoculture de clones en plein soleil et plein vent, avec du machinisme, des pesticides où même cette bouillie bordelaise cuivrée autorisée en Bio détruit le sol de nos enfants en empoisonnant les eaux.
Où est la diversité, la faune et flore sauvage, la beauté (à moins d’être militariste et aimer les alignements où rien ne dépasse)?
Où est crée l’humus, où sont logés et nourris les pollinisateurs?
Sans parler du bien être de la plante qui dans la nature est une LIANE, devenu un bonsaï.
On a choisi d’appliquer les lois de l’Homme plutôt que celles de la Nature, qui a des millions d’années d’expérience et qui avait crée l’abondance dans la sobriété, la diversité comme équilibre et gratuitement.
À partir de ce constat et dans un contexte de descente énergétique et matérielle, ou l’on continue à ramer à contre courant des Lois du vivant en s’épuisant à lutter sans relâche éternellement ou l’on choisi de se laisser porter par le courant spontané de la Vie! Une vie durable, résiliente et efficiente.
Comment fait-on ? Comment attirer un million de personnes ?
Biosphère pose de bonnes questions. Mais ! Pourquoi un million de nouveaux paysans devrait-il se traduire obligatoirement par 500.000 femmes raclant le sol et poussant une brouette, sous le soleil, avec les mains calleuses ? Et par ce « cacathon », à la con !
Donc attention, à ce que ces questions ne participent pas à l’effet inverse, c’est à dire dissuader les gens, notamment les jeunes, d’aller dans ce sens. On s’est suffisamment moqué des Amish, et des adeptes de Lampe à Huile, n’allons surtout pas en rajouter.
Ceci dit, comment fait-on ? Comment attirer un million de personnes ?
1) Pour commencer, écoutons ceux qui sont le mieux placés pour en parler. Parmi lesquels ce vigneron, ainsi que les membres de cette coopérative d’auto construction, l’Atelier Paysan.
Et tous ces gens qui ont choisi (vraiment choisi) de tout plaquer pour aller vivre à la campagne, dans la simplicité volontaire. (Le journal La Décroissance leur donne la parole régulièrement). Et ces jeunes diplômés qui bifurquent, comme ceux d’AgroParisTech qui organisent la désertion. (Reporterre, des Agros qui bifurquent, 19 mai 2022. Sur reussir.fr 11 mai 2022 : AgroParisTech : de jeunes diplômés appellent leurs camarades agronomes à déserter). Et puis il y en a d’autres, pas qu’en France, Via Campesina entre autres. Des millions et des millions de personnes qui osent ramer dans le sens inverse du Courant. (à suivre)
Écoutons les tous ces gens, et si nous pensons pouvoir leur apporter des idées, et faire avancer le Schmilblick, participons à leurs réunions. En tous cas soutenons-les !
2) Et posons-nous d’autres questions. Nous avons en France 5 millions de chômeurs et je ne sais combien de millions de glandeurs, de brasseurs de vent (pas que chez les fonctionnaires), et de producteurs et de vendeurs de saloperies diverses et variées. Qu’est ce que c’est qu’ 1 million de nouveaux paysans ?
Comment les payer, correctement et tout et tout ? Là encore c’est quoi 1 million ? C’est quoi 1 milliard, d’euros ? La France manquerait-elle de Pognon ?
Arrêtons de résonner (comme les cloches) dans le cadre de cette économie absurde, arrêtons de croire que c’est impossible, décolonisons les imaginaires !
Le problème, c’est que ceux qui sont le mieux « placés » pour en parler sont aussi ceux qui ont précipités les choses et pas dans le bon sens car le bon sens paysan a quelque peu déserté les campagnes. Peu d’autonomie sur sa production, tout y rentre (machines, carburants, engrais, eau…) et ce qui en sort sont 1 seule production et des déchets (pollution généralisée, perte de sol, perte de biodiversité…)
Tout ça pour travailler comme un branque à pas cher, en étant fonctionnaire de Bruxelles.
Si on veut attirer, il va falloir changer de modèle et faire rêver… Commencer par créer du beau, de l’abondance, de la qualité, de l’autonomie, de la créativité, de la diversité,etc. Le contraire de ce qui se fait!
@ ET BIEN DANSEZ MAINTENANT
Des fois je me demande si “le bon sens paysan“ ne serait pas qu’un mythe.
Bien sûr qu’il y a des loupés, mais comme partout. Et justement, ces loupés permettent aussi d’avancer. La question était : comment fait-on, comment attirer un million de personnes ? Parmi tous ceux que j’estime être les mieux placés pour en parler… commençons peut-être alors par mesurer les taux de loupés et de réussites*. Faisons pareil sur quelques métiers et projets* différents, et puis comparons.
* Réussite et Projet, avec ou sans guillemets. 😉