Il est étonnant que le pacifisme soit complètement marginalisée par l’idéologie militariste. Rares sont les objecteurs de conscience, opposés à l’usage collectif des armes, rares les manifestation anti-guerre, rares les livres sur la question. L’Union pacifiste est née en 1961 et accueille tous ceux qui se reconnaissent dans le pacifisme intégral, le refus de toute armée et de toute guerre… c’est-à-dire presque personne. Une personnalité extraordinaire comme Louis Lecoin, né en 1888 et à l’origine en France du statut des objecteurs de conscience en 1963, a été obligé d’éditer son autobiographie à son compte. Il a été traduit devant toutes les juridictions, le tribunal correctionnel, la cour d’assises, le conseil de guerre et ainsi plus de quinze fois. Sa réaction : « Eh bien ! croyez-moi, je ne m’en sens nullement diminué. Je plaide non coupable et ce sont les juges, et le régime injuste qu’ils représentent, que je mettrais en accusation. » Peut-être que les préoccupations écologiques contemporaines vont faire ressentir l’absurdité des guerres et entraîner la fin des armées.
Lire, Le cours d’une vie de Louis Lecoin (1965)
Claire Legros : Dans le fracas des bombardements sur les populations civiles, l’appel est passé inaperçu. « La nature n’a pas de frontières, et elle est violée et torturée par l’invasion russe », alertait le 22 avril Iryna Stavchuk, vice-ministre ukrainienne de l’environnement et des ressources naturelles.
Tour à tour enjeu stratégique ou victime collatérale, l’environnement n’a jamais été épargné dans la longue histoire des peuples et de leurs affrontements. Des batailles menées par Darius contre les Scythes en – 513 av. J.-C. jusqu’aux puits de pétrole incendiés au Koweït par l’armée de Saddam Hussein en 1990, la stratégie de la terre brûlée s’est de tout temps révélée une arme redoutable. Dans cette histoire de feu et de sang, les conflits de masse du XXe siècle ont franchi un palier. Les guerres industrielles, capables d’anéantir les populations, dévastent aussi durablement les écosystèmes. Sans compter l’arsenal atomique qui fait peser une menace écologique sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Pourtant, face à ces tragédies, le prix écologique exorbitant des guerres, le « thanatocène », est longtemps resté un angle mort de la réflexion politique. La guerre perpétuelle de l’homme contre l ‘homme a changé nos systèmes de représentation, elle est source d’une forme de désinhibition. En même temps qu’on développe des produits chimiques visant à la fois les insectes et l’ennemi, on se met à penser une guerre sans limite contre d’autres hommes et une guerre sans limite contre la nature. Entre 1961 et 1971, l’armée états-unienne déverse quelque soixante-dix millions de litres d’un puissant défoliant produit par la firme Monsanto, l’« agent orange », sur les forêts vietnamiennes. L’objectif est de dénuder les arbres afin de mettre l’ennemi à découvert, mais la dioxine contamine aussi durablement les populations et les écosystèmes.La guerre stimule l’extractivisme, repoussant toujours plus loin la prospection des ressources naturelles dans des territoires jusque-là préservés. La guerre crée un état d’exception qui incite les États à placer les effets de long terme au second plan. L’heure n’est pas à la sobriété militaire, les politiciens n’attendent pas de l’armée qu’elle ait un bon bilan carbone, ils veulent que les missions soient réalisées.Or la paix sur Terre dépend de notre capacité à protéger notre environnement.
Lire, La nature est un champ de bataille de Razmig Keucheyan
Harald Welzer : Comme les ressources vitales s’épuisent, il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Il est évident que cela entraînera des conflits violents entre ceux qui prétendent boire à la même source en train de se tarir, et il est non moins évident que, dans un proche avenir, on ne pourra plus faire de distinction pertinente entre les réfugiés fuyant la guerre et ceux qui fuient leur environnement.
Comment finira l’affaire du changement climatique ? Pas bien.Le XXIe siècle verra non seulement des migrations massives, mais des solutions violentes aux problèmes de réfugiés. La violence a toujours été une option de l’action humaine. Des processus sociaux comme l’holocauste ne doivent pas être compris comme une « rupture de civilisation » ou une « rechute dans la barbarie », mais comme la conséquence logique de tentatives modernes pour établir l’ordre et résoudre les problèmes majeurs ressentis par des sociétés. Les hommes changent dans leurs perceptions et leurs valeurs, en même temps que leur environnement et sans s’en rendre compte : c’est le phénomène des shifting baselines. Les politiques, les managers et même les scientifiques s’en tiennent aux recettes qu’ils appliquent depuis longtemps même quand les conditions d’application de ces modèles de comportement ont complètement changé. Et on se maintient constamment en accord avec ceux qui vous entourent.
Ces jours-ci, des milliers d’Américains manifestent dans les rues pour demander, non pas l’interdiction voire la destruction des armes, mais un meilleur «encadrement» des armes à feu. Comme pour tout le reste, le social, l’écologie, il ne faut rien attendre de plus que des mesurettes, des mitraillettes un peu moins automatiques ou des conneries comme ça.
Depuis plus de 50 ans, ci et là on a vu des manifs pour dénoncer telle ou telle guerre, ou telle ou telle violence, mais jamais de manifs de masse pour dire NON à la Guerre et la Violence en général. Les dernières manifestations de ce genre remontent aux années 1960 et au mouvement Peace and Love.
La paix est une chose, l’amour en est une autre. Avoir les deux et en même temps, ça serait formidable. Mais peut-être ne faut-il pas trop rêver…
D’autant plus que nous sommes tous les jours confrontés à la violence, à la haine, à la guerre, sous toutes leurs formes. Et ceci en direct ou sur nos écrans. Et en plus on nous rabâche que l’homme est un loup pour l’homme et patati et patata.
Alors on se contente de la paix sans amour. C’est ainsi que la paix est assimilée à la sécurité. Et la sécurité à l’ordre. Et voilà notre sacro-saint tandem, l’Ordre et la Sécurité.
La guerre peut aussi être la paix. Comme l’esclavage la liberté, la paix l’amour etc. etc. Pour ça il suffit de nous le répéter suffisamment et de nous casser la Boussole.
– « La violence a toujours été une option de l’action humaine. Des processus sociaux comme l’holocauste ne doivent pas être compris comme une «rupture de civilisation» ou une «rechute dans la barbarie», mais comme la conséquence logique de tentatives modernes pour établir l’ordre et résoudre les problèmes majeurs ressentis par des sociétés.» (Harald Welzer)
Dire que la violence est vieille comme le monde est un truisme. Et dire que l’homme (Sapiens) est con damné à ne pas évoluer, selon moi c’est une connerie. Bien sûr, on sait que l’homme (comme tout ce qui vit) lutte en permanence pour maintenir ce fameux équilibre vital (homéostasie). Seulement, ne voir les pires atrocités (comme l’holocauste) que seulement sous le prisme de cet équilibre (l’Ordre Établi)… là c’est quelque chose qui me parait dangereux.
Je veux bien croire qu’il y a de ça… mais en attendant je me plais à croire que l’homme peut évoluer vers moins de violence.