L’économie est un système normatif qui gouverne les individus et les nations. Ce n’est pas une science, c’est ce qu’on appelait autrefois plus judicieusement l’économie politique. C’est une manière d’instaurer des relations de production et de répartition des biens et services. C’est une discipline orgueilleuse qui a phagocyté toutes les autres branches de la connaissance, la sociologie, la politique, la culture. C’est une aventure dangereuse qui nous mène de plus en plus vite dans le mur. Car la crise financière et écologique est une crise de la « science » économique elle-même. Un marché très myope, une mondialisation destructrice, la déconsidération du politique, un social dépendant d’une division extrême du travail, tout cela ne pouvait que se terminer très mal : le tsunami financier un jour, le choc pétrolier un autre jour, et Fukushima entre-temps.
Un colloque* a eu lieu sur le « devoir critique » de l’économie, il ne comportait que des économistes ! Ces gens-là commencent bien à se douter qu’il y a un problème bancaire, un blocage énergétique, une indétermination absolue sur le pourcentage admissible de prélèvements obligatoires, une spoliation croissante des générations future … Mais Philippe Askenazy a le culot de prétendre encore : « Nous les économistes, nous sommes à la fois dangereux et capables d’ apporter parfois des solutions. » Je trouve cette particule, « parfois », sublime. Car quand les économistes trouvent-ils la bonne solution ? Quand ils désirent une politique de croissance ou quand ils exigent une politique de refroidissement ? Quand ils veulent mettre en place une politique de relance ou quand ils proclament le combat contre l’inflation ?
Les économistes ne se sont pas encore rendus compte qu’ils sont surdéterminés par les contraintes de la biosphère, ce que certains appellent les lois de la nature. Ils ont par leurs directives (trés théoriques) transgressé plusieurs de ces lois, par exemple la nécessité du recyclage ; c’est pourquoi nous allons être confrontés au réchauffement climatique et à la stérilisation des sols. Ils ont complètement oublié la complète dépendance de notre croissance envers l’énergie fossile. Le pic pétrolier et gazier n’existe pas pour eux alors que chaque augmentation du prix du baril entraîne la crise. En fait l’économie ne devrait être qu’une toute petite partie du social, et le social qu’une composante de l’ensemble des formes du vivant. Mais l’anthropocentrisme des économistes est une composante essentielle de leur aveuglement.
* LeMonde du 10 mai 2011, Devoir critique (dans le supplément économique)
les laids boutiquiers écrivent sur leurs vitrines TOUT DOIT DISPARAÎTRE
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