Pour Leopold Kohr, le gigantisme peut seulement mener à des problèmes d’une proportion ingérable ; il faut encore plus de pouvoir pour gérer le pouvoir en question et n’a qu’une fin possible, l’effondrement. Dans son livre*, Dmitry Orlov reprend cette analyse :
– La vaste échelle à laquelle fonctionne la société contemporaine rend impossible pour quiconque d’observer l’ensemble des choses avec un certain degré de pénétration, forçant chacun à se spécialiser dans une disciple ou une autre. La prolifération des experts qui savent presque tout sur presque rien est un signe certain que la poursuite de la connaissance a été entreprise sur une échelle excessive. Les idées de Leopold Kohr n’ont pas eu assez d’écho précisément à cause de la vaste échelle de l’entreprise intellectuelle contemporaine.
– Si un problème relativement spécifique, tel que la tâche de prohiber les pesticides causant le cancer, se brise en minuscules domaines mutuellement inintelligibles, que dire du problème bien plus général du contrôle de l’échelle à tous les niveaux ? Leopold Kohr essaya d’enrayer le cancer de la croissance sans contrainte ni contrôle après qu’il eut déjà métastasé et engloutit toute la planète. Notre défi est de sauter de ce train pour l’enfer sans nous casser les jambes !
– A mesure que les entités politiques (et économiques) gigantesques s’effritent, le monde pourrait assister à renaissance d’Etats assez petits pour accorder à leurs membres une part raisonnable de souveraineté personnelle. La démocratie n’existe plus partout où une conversation directe entre le dirigeant et n’importe lequel de ses sujets n’est plus possible. La souveraineté personnelle d’un Islandais est plus de 4000 fois celle d’un Chinois. Plus le groupe souverain est petit, plus grande est sa part de la souveraineté.
– Il existe une règle simple dont il faudrait se rappeler ! L’intelligence d’un groupe de gens organisé hiérarchiquement est inversement proportionnel à sa taille, et les puissants empires militaires sont si gros, et par conséquent si bêtes, que jamais, jamais ils apprennent quoi que ce soit.
* Les cinq stades de l’effondrement selon Dmitry Orlov (éditions Le Retour aux Sources 2016, 448 pages pour 21 euros)
C’est là la grande erreur de l’écologie politique comme d’ailleurs de nombreuses réflexions sur la société, croire que des processus d’optimisation nous sortiront des problèmes, quand c’est avant tout une question d’échelle.
Même si intellectuellement le discours sur le qualitatif donne une image plus valorisante de celui qui en fait la promotion, seule l’action sur le quantitatif sera en mesure d’améliorer les choses.
Olivier Rey aussi a écrit de justes phrases sur cette question.
Curieusement l’écologie des années 70 l’avait compris en faisant la promotion du Small is beautiful, d’ailleurs elle se préoccupait aussi de démographie. Il est désolant de voir ce mouvement d’idées par ailleurs si nécessaire, régresser à ce point, Nous avions René Dumont et Jacques-Yves Cousteau, nous avons Jean-Vincent Placé et Cécile Duflot !