Les contradictions d’Hillary Clinton éclatent en juin 2012. Sa journée débute par un voyage sur un navire de recherche scientifique pour aller voir la fonte des glaces arctiques, une expérience qui, selon elle, « donne à réfléchir ». Elle qualifie habituellement la crise climatique de « principale menace du XXIe siècle ». Puis, une fois de retour sur la terre ferme, elle s’assit à la table des négociations en compagnie du PDG de Statoil et du directeur régional d’ExxonMobil afin de planifier l’expansion de la production pétrolière dans l’Arctique ! Une politique sur le changement climatique qui ne tient pas compte de la production des combustibles fossiles est comparable à une politique de lutte contre la drogue qui ne prendrait pas en compte les champs de pavot, les laboratoires de cocaïne, les réseaux et les trafiquants, et qui se concentrerait uniquement sur les drogués.
Les mesures de lutte contre le changement climatique sont un salmigondis d’une abominable complexité. Mais on peut réunir facilement les dix compagnies ou, pour le dire autrement, les dix pays responsables des deux tiers de la production pétrolière mondiale. Les représentants pourraient se retrouver dans la même pièce et décider de fermer le robinet de la production de pétrole. Je me suis donc posé la question : à quel moment les gouvernements et les experts travaillant sur le processus international ont-ils soupesé cette option avant de décider que les meilleures politiques consistaient à réglementer les gaz et à échanger des droits d’émission ? La réponse est simple : ce débat n’a jamais eu lieu. Les recherches scientifiques sur le climat ont toujours porté exclusivement sur les gaz à effet de serre et leurs incidences possibles. John Houghton, fondateur du GIEC, ne fait pas la différence entre les combustibles fossiles exploités et les gaz à effet de serre qu’ils deviennent pas la suite. « Bien sûr qu’ils font partie du même cycle », me confie-t-il, mais « parler de la production nous aurait entraîné de l’arène scientifique vers celle de la politique. En raison de la pression que nous subissons, il nous fallait être d’une irréprochabilité exemplaire. » Houghton ne se rappelle pas avoir entendu, au cours de ses quatorze ans à la tête du comité scientifique du GIEC, de proposition ou de simple débat sur le contrôle de la production à la source.
Il n’y eut donc pas de luttes, pas de disputes, pas d’entente conclue en coulisse. Ce n’était pas la peine, la question ne fut jamais abordée ; les négociations internationales sur le climat n’ont concerné que le pot d’échappement. En échange de leur soutien, on accorda aux compagnies pétrolières, gazières et charbonnières de généreux permis de polluer et on étendit leurs droits de prospection. Seuls les écologistes les plus radicaux ont cherché à reconstruire le lien entre la tête de puits et le pot d’échappement. La bataille autour de l’oléoduc Keystone XL est une tentative pour recadrer la question du changement climatique sur sa source, la tête de puits. Un oléoduc donne une forme concrète à la circulation de carbone, depuis les gisements jusqu’aux émissions.
Source : Le syndrome de l’autruche (pourquoi notre cerveau veut ignorer le changement climatique) » de George Marshall (410 pages, 24 euros)
ajout : http://biosphere.blog.lemonde.fr/2017/10/21/notre-cerveau-veut-ignorer-le-rechauffement-climatique/
Tout cela parce que de vraies mesures casseraient la croissance et même provoqueraient une forte décroissance c’est à dire briseraient la colonne vertébrale de notre modèle de société ce qui conduirait à des désastres sans nom. Il est donc très difficile de les prendre. Beaucoup en sont bien conscients au plus haut niveau.
Bien sûr, l’absence de mesures menace tout autant la biosphère (et pas seulement à cause du réchauffement, l’écroulement des espèces est bien pire). Cela conduira à des désastres tout aussi effroyables, mais un peu plus tard, et sans que l’on puisse isoler les coupables puisque nous le serons tous. Certains en sont conscients à tous les niveaux
« Notre civilisation est dans la situation de celui que la drogue tuera qu’il continue d’en prendre ou qu’il cesse brusquement d’en consommer », résumait très bien James Lovelock dans « la Revanche de Gaïa ».