Philippe Mellier, PDG de De Beers, le principal producteur mondial de diamants, annonce « qu’après 2019, la production mondiale de diamants va baisser… Tous ceux qui sont aujourd’hui exploités le sont depuis trente ou quarante ans. »* Depuis plus d’une quinzaine d’années, aucun nouveau gisement important n’a été découvert sur la planète. Il faudra donc creuser plus profond, à plus de 600 mètres. Par exemple à Venitia (Afrique du Sud), les forages s’effectueront à un kilomètre de profondeur. En conséquence la production résiduelle sera plus rare et beaucoup plus chère. Le pic du diamant, ce moment de la courbe de production où l’extraction est maximale, c’est seulement dans quatre ans !
Mais que les diamants disparaissent de la consommation humaine, ce n’est pas bien grave. Dans une société égalitaire où les dépenses ostentatoires n’auront plus cours, les parures et bijoux n’auront plus aucune valeur. Par contre nous devrions être très inquiets de l’arrivée du pic pétrolier, ce moment où les réservoirs naturels déjà bien ponctionnés commencent à rendre l’âme. Pour le pétrole conventionnel, c’est déjà une réalité ; depuis 2006, nous avons atteint le maximum de production possible. Commence alors la descente énergétique, une catastrophe pour une civilisation thermo-industrielle, basée sur la puissance du feu issue des énergies fossiles. Comme tout est lié, il faut de l’énergie pour extraire les métaux du sous-sol et réciproquement, différents pics supplémentaires s’annoncent. En résumé, peak oil, peak all, peak everything, pic de tout. En France, il n’y a même plus de mines. Entre 1985 et 2005, la France a successivement arrêté sa production de tungstène, de bauxite, d’argent, de plomb, de zinc, de fer, d’uranium, de potasse, de charbon et d’or. Après l’arrêt des ardoisières de Trélazé le lundi 25 novembre 2013, il ne subsiste désormais dans l’Hexagone qu’une mine de sel. Or qui dit fin de l’exploitation minière dit aussi fin de la société thermo-industrielle, basée sur l’énergie fossile et les machines.
Nous aurions du nous poser la question de fond plus tôt : à qui appartiennent les ressources du sous-sol ? Ces richesses naturelles n’appartiennent pas aux Etats, encore moins aux propriétaire du sol. Ces richesses n’appartiennent certainement pas aux firmes multinationales qui bénéficient gratuitement de l’œuvre de la nature. Ces richesses n’appartiennent même pas aux générations futures qui n’en feraient pas un usage meilleur qu’aujourd’hui. Tout cela n’est qu’utilitarisme de court terme et gaspillage après pillage. Il nous faut lutter contre la logique extractive et sanctuariser les dernières et rares ressources du sous-sol qui nous restent. Cela implique qu’il nous faut changer complètement de mode de vie et cultiver individuellement et collectivement la sobriété dans tous les domaines. Si nous ne le faisons pas volontairement, sous la forme d’une décroissance maîtrisée, nous le ferons dans l’urgence au fur et à mesure que les diamants, le pétrole, le cuivre… deviendront hors de prix.
Pour en savoir plus
Ugo Bardi, Nouveau rapport au club de Rome : le grand pillage (comment nous épuisons les ressources de la planète)
Editions Les petits matins, 433 pages, 19 euros
Sur notre blog
http://biosphere.blog.lemonde.fr/2014/02/09/la-fin-des-reserves-minieres-cest-incontestable/
http://biosphere.blog.lemonde.fr/2013/11/29/fin-de-la-societe-miniere-fin-de-labondance-a-credit/
http://biosphere.blog.lemonde.fr/2013/10/11/gratter-lecorce-de-la-terre-jusquaux-dernieres-limites/
http://biosphere.blog.lemonde.fr/2012/08/20/arret-des-extractions-minieres-partout-dans-le-monde/
http://biosphere.blog.lemonde.fr/2012/05/15/le-peak-oil-tend-a-devenir-le-pic-all/
http://biosphere.blog.lemonde.fr/2012/05/13/pic-all-penurie-de-tout-energie-et-minerais/
* LE MONDE éco&entreprise du 6 mai 2015, De Beers anticipe la fin des mines de diamant
Même les arbres sont un bien public, comme les éléphants, et tout le reste. Comme si nous pouvions nous approprier l’air que donne l’arbre, donc l’arbre.