- Les usages du téléphone portable peuvent être considérés comme des révélateurs de la nature de l’hyper modernité qui définit nos sociétés. Dès le premier chapitre de son livre*, Francis Jauréguiberry se livre à une identification minutieuse des usages du portable, régis par la spontanéité, l’impulsivité, le cocooning téléphonique – besoin d’être rassuré par une présence – jusqu’à la téléphonite, maladie aiguë qui caractériserait le branché consultant compulsivement son petit écran. Le désir d’ubiquité médiatique – être ici sans être là – se donne à voir dans l’« envol du branché ». Le portable favorise aussi la contagion de l’urgence, et les critères de gestion, de rationalité et d’efficacité du monde professionnel en viennent à envahir la sphère privée. Que reste-t-il des vives réactions d’hostilité des débuts, décrites par l’auteur, de ces jugements normatifs exacerbés face aux incivilités et à l’« égoïsme » des utilisateurs ? Il y a plus de 39 millions d’utilisateurs en France, comment de nouvelles normes de civilité se sont peu à peu mises en place ?
- Aujourd’hui** le portable constitue un véritable « petit ordinateur embarqué », toujours à portée de main, dont on se sert pour consulter ses mails et son profil Facebook, chercher sa route, une adresse ou un mot dans le dictionnaire, réserver un billet de train ou faire ses courses en ligne, écouter de la musique, jouer à un jeu vidéo, regarder la météo ou une série télévisée, lire les journaux, réviser une leçon ou préparer un examen… Il sert aussi de caméra, d’appareil photo, d’agenda, de liste de course ou de pense-bête. D’autres innovations sont en cours. « La réalité augmentée se développe à grands pas », souligne le sociologue Francis Jauréguiberry. Il change aussi notre rapport au temps. « On vit de plus en plus dans une société de l’immédiateté. On tend à confondre importance et urgence » et « nous sommes massivement absorbés par ce qu’il advient »Devenu indissociable de soi, on ne peut plus s’en passer – il suffit d’avoir fait l’expérience de l’oublier quelque part pour s’en apercevoir. Tenter une « déconnexion totale » devient de plus en plus difficile. « Se mettre sur ”off” nous rend inquiets, car on a peur de “manquer” quelque chose. »Dans la sphère privée et professionnelle, il est par ailleurs de moins en moins admis de ne pas être joignable, et si on ne répond pas immédiatement à un message, on doit se justifier. « Une loi implicite impose d’être continuellement connecté », résume le sociologue.
- Au delà des considérations socio-psychologiques, c’est aussi l’écologie qui condamne le portable. Le téléphone portable est un concentré de nuisances. D’abord à cause de sa puce. Pour fabriquer une puce de 2 grammes, cela nécessite 1,7 kilos d’énergie fossile, 1 mètre cube d’azote, 72 grammes de produits chimiques et 32 litres d’eau. Ce n’est pas tout, votre téléphone a aussi besoin de condensateurs en coltan (colombo-tantalite), un minerai malléable, résistant à la chaleur et à la corrosion. Celui-ci est extrait notamment en République démocratique du Congo, au centre d’une guerre pour le contrôle des ressources qui a tué plus de 3,5 millions de personnes depuis 1998. Bilan de l’activité des mines de Coltan : saccage des forêts et des cours d’eau, massacres d’animaux, en particulier les derniers gorilles des plaines. De plus, les champs électromagnétiques générés par les antennes des portables provoquent indirectement des ruptures dans les brins d’ADN des cellules humaines. Les ondes interfèrent aussi avec les ondes alpha et delta du cerveau. Enfin les téléphones jetés après usage concentrent un mélange complexe de composants particulièrement toxiques. Rentabilité oblige, les portables ont été mis sur le marché sans que des études préalables de nuisance aient été faites… Lisez « La tyrannie technologique » !
* Francis Jauréguiberry, Les branchés du portable. Sociologie des usagesParis, Presses universitaires de France, coll. Sociologie d’aujourd’hui, 2003, 200 p.
** http://www.la-croix.com/Culture/Art-de-vivre/Jamais-sans-mon-portable-2016-09-16-1200789534
C’est exactement cela, remarquons toutefois que le portable ne fait que souligner à l’extrême une loi plus générale : tout outil qui nous rend service nous rend dépendant.
La société est de plus en plus dépendante des réseaux, elle est pour cela très fragile et ce manque de résilience selon le terme à la mode (on est même dépendants de la mode !) risque de constituer l’un des facteurs d’un possible effondrement.
C’est exactement cela, remarquons toutefois que le portable ne fait que souligner à l’extrême une loi plus générale : tout outil qui nous rend service nous rend dépendant.
La société est de plus en plus dépendante des réseaux, elle est pour cela très fragile et ce manque de résilience selon le terme à la mode (on est même dépendants de la mode !) risque de constituer l’un des facteurs d’un possible effondrement.