Le programme idéal d’histoire n’existe pas encore

Une mémoire orientée n’est pas seulement la spécialité des systèmes autocratiques qui prétendent soumettre les faits à leur propre conception. L’enseignement de l’histoire en collège ne célèbre presque plus le « roman national »* mais la monarchie française reste encore un thème obligatoire. Rappelons que l’histoire a servi à justifier les dynasties, puis les nations, puis les impérialismes, mais qu’elle n’a jamais servi à éviter une seule guerre, une seule crise économique ou une seule révolution. L’enseignement actuel de l’histoire ne sert donc à rien, si ce n’est à favoriser le roman national et faire le jeu du nationalisme. Historiquement les profs d’histoire avaient une fonction identitaire, il fallait fabriquer des petits français. L’histoire enseignée à l’école offre peu d’ouverture sur le monde, très peu d’ouverture sur la science, encore moins d’ouverture sur ce qui n’est pas humain.

Nous devrions abandonner l’histoire particulière des groupes ethniques particuliers au profit de la big history, une vision à large échelle qui démarre au moment du big bang et se déroule jusqu’au monde contemporain. C’est l’histoire globale qui seule devrait importer, l’histoire commune des humains et des non-humains, une histoire universelle qui ne se limite pas à l’histoire de la race humaine. Il s’agit d’appréhender le monde comme un tout, depuis l’origine de l’univers, des galaxies et du système solaire jusqu’au sociétés agraires, l’émergence des villes et l’anthropisation de notre monde. L’histoire humaine n’est pas celles des ethnies particulières, même pas celle des hominidés, elle est aussi ce qui récuse toute forme d’ethnocentrisme pour se centrer sur les relations de l’humanité et de la Biosphère. Ce qui importe, ce sont les histoires des déséquilibres que les pratiques agro-industrielles ont entraînés dans le passé comme dans le présent et les perspectives d’avenir souhaitable pour les générations suivantes mais aussi pour les non-humains.

L’histoire formate l’esprit humain, l’idéologie du territoire national doit laisser place au sens du biotope. Les écoliers et collégiens ne doivent plus apprendre le temps des Capétiens qui défendent leur royaume contre ses voisins (histoire inversée chez les autres pays concernés), mais le niveau de respect des forêts et des autres espèces qu’on pouvait avoir à chaque époque. Alors nos scolaires pourront un peu toucher du doigt ce qui forme le contre-sens de l’histoire, cette guerre que nous menons contre la nature et qui n’aboutira à rien de bon.

* LE MONDE du 14 mai 2015, Le programme d’histoire idéal n’existe pas

2 réflexions sur “Le programme idéal d’histoire n’existe pas encore”

  1. De toute façon, ne nous faisons pas trop d’illusions, nos révisions des programmes d’Histoire seront provisoires. Au 22ème siècle il faudra entièrement les refondre afin d’enseigner aux enfants (s’il y en a encore) l’histoire de l’effondrement qui aura frappé le 21ème.

  2. De toute façon, ne nous faisons pas trop d’illusions, nos révisions des programmes d’Histoire seront provisoires. Au 22ème siècle il faudra entièrement les refondre afin d’enseigner aux enfants (s’il y en a encore) l’histoire de l’effondrement qui aura frappé le 21ème.

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