Qu’est-ce qui se cache derrière le titre du MONDE « l’Inde est en passe de gagner la bataille démographique » ? Ce n’est pas parce que la population de l’Inde va dépasser celle de la Chine d’ici à 2030 que l’Inde s’ouvre des perspectives d’avenir !
D’abord l’article de Julien Bouissou fait preuve d’un anti-malthusianisme non fondé : « Contrairement aux prévisions malthusiennes pessimistes, l’augmentation de la population indienne ne débouchera pas nécessairement sur des famines ou sur un désastre économique et social. » Admirons l’astuce, « pas nécessairement ». S’il y a des millions de morts de faim, l’article aura quand même raison ! Donnons à l’auteur de cette figure de style quelques raisons de devenir malthusien. Le quintuplement de la population indienne entre 1901 et 2010, passant de 240 millions à 1,2 milliard d’habitants, a inévitablement créé des conditions nouvelles en termes d’environnement et de développement. Si la révolution verte a permis d’accroître fortement la production agricole, les coûts écologiques et économiques des pratiques mises en place ne peuvent être ignorés : biodiversité mise à mal, usage intensif d’engrais et pollution, recours aux pesticides, développement de l’irrigation et assèchement des rivières, mécanisation qui encourage l’endettement, vulnérabilité financière des paysans. L’Inde est confrontée à une dégradation des terres à grande échelle liée autant à l’intensification des cultures qu’à la fragilité naturelle des sols. La très forte progression de la densité de la population en Inde (77 habitants au kilomètre carré en 1901, 382 aujourd’hui) explique aussi les difficultés alimentaires. L’article de Bouissou reconnaît d’ailleurs que « un enfant sur deux souffre de malnutrition ».
L’article s’appuie ensuite sur le « dividende démographique », lié au rapport favorable actifs/personnes à charge dans une population jeune. Encore faut-il que les actifs ne se retrouvent pas chômeurs. C’est ce que l’article reconnaît, « des millions d’emplois devront être créés pour absorber le surplus de main d’œuvre ». Comment ? Développer l’industrie ? Investir dans les infrastructures ?? Le mahatma Gandhi préférait à juste raison l’artisanat dans un pays qui a déjà trop de bras et la relocalisation des activités contre la mondialisation des échanges.
Pour le reste, Julien Bouissou énonce toutes les batailles démographiques que l’Inde est en train de perdre : difficultés en matière de santé publique, absentéisme scolaire, déséquilibre à la naissance entre filles et garçons. Un titre racoleur fait donc un mauvais titre quand le contenu de l’article dit l’inverse. L’Inde ferait mieux de suivre l’exemple chinois d’un enfant par famille… et LE MONDE devrait progresser en matière d’analyse démographique.
* LE MONDE du 2 avril 2013, l’Inde est en passe de gagner la bataille démographique (Julien Bouissou)
L’analyse démographique à courte vue des natalistes :
Ce qui est tout à fait étonnant dans l’ensemble des articles visant à se féliciter d’une forte natalité sous le prétexte que cela permet d’avoir une population en moyenne plus jeune est l’oubli tout simple que les hommes vieillissent et que les jeunes d’aujourd’hui sont les vieux de demain.
Que fera l’Inde quand tous ces jeunes seront vieux ? Qui prendra soin d’eux ? Faudra-t-il, dans une suicidaire fuite en avant, faire encore deux fois plus d’enfants ? La folie du processus semble tellement évidente, que l’on ne peut comprendre ce qui suscite de telles théories du dividende démographique. Dans quelques décennies, cela ne sera plus un dividende mais une terrible charge qui se payera par la souffrance des hommes et la destruction de la nature.
Oui, un échec qui devient patent. Combien de temps pourrons-nous jouer la partition
« l’accroissement de la productivité agricole a ouvert la voie à un accroissement de la population… qui appelle un accroissement de la productivité agricole »
En tout cas pas ad lib. A moins d’aller chercher les ressources dans des mondes parallèles…
En 2050, l’Inde comptera à elle-seule autant d’habitants (1,7 milliards) que la totalité de la planète au début du XXème siècle ! Toujours selon les prévisions de l’ONU, sa densité de population sera alors de 515 hab/km², à comparer avec « nos » 130 hab/km² à cette date. Avec ces 515 hab/km², nous serions 284 millions de français, soit 212 millions de plus que prévus ! Qui peut raisonnablement affirmer qu’avec un tel effectif, la France aurait « gagné » une quelconque « bataille démographique » ?