l’écologie face aux abolitionnistes de la prostitution

D’illustres membres d’Europe Ecologie Les Verts, Jean-Vincent Placé et Dominique Voynet, signent une tribune* avec des représentatn-e-s de tous les partis. Il s’engagent dans la « construction d’une société libérée de la violence que constitue la prostitution ». Ils soutiennent donc un projet de loi qui pénalisera les clients des prostitué-e-s, l’amende pouvant aller jusqu’à 1500 euros. Dans le même numéro du MONDE, la responsable des femmes du parti des Verts en Allemagne prône au contraire le maintien de la légalisation de la prostitution : « Toutes les personnes qui travaillant dans le secteur des services sexuels ne sont pas forcées de se prostituer. Certains travaillent dans l’industrie du sexe de leur plein gré. Faire de toutes ces personnes des victimes et les comparer à des esclaves n’est pas rendre justice aux femmes et c’est ignorer la réalité.** » Il y aurait donc une écologie permissive en Allemagne et répressive en France. Qui a raison ?

Le seul élément du discours des Verts français qui relève de l’écologie est celui-ci : « La prostitution n’est pas un élément naturellement constitutif de la vie en société. » C’est vrai, la sexualité tarifée relève du culturel. Mais la sexualité ordinaire aussi. La perte de l’œstrus chez la femelle met la sexualité sous le signe de la disponibilité permanente. Cette liberté totale est donc encadrée, comme le reste du comportement humain, par des normes et des interdits qui fixent les usages et les pratiques de la sexualité. La femme mariée peut dans certains sociétés être considérées comme une esclave (sexuelle). La prohibition de l’inceste n’est universelle qu’en théorie. La considération du viol est relative : autrefois le viol portait préjudice aux parents ou au mari plutôt qu’à la victime elle-même, et au début du XIXe siècle encore le viol n’était pas légalement défini en France. Tout dans le comportement des humains est culturel, rien n’est naturel.

Il n’y a donc aucune règle qui puisse nous permettre de privilégier a priori la répression totale de la prostitution ou la légalisation intégrale des travailleurs du sexe. Mais relevons le fait essentiel, l’exercice de la sexualité procure naturellement du plaisir quand on se laisse aller. Il y a prostitution parce que, comme l’indique Frédéric Beigbeder***, il y a des clients de prostituées « qui se trouvent, qu’on le veuille ou non, en situation de détresse et d’isolement », des clients  qui « n’ont pas accès à la merveilleuse jouissance promise par la publicité, le cinéma, les magazines et la télévision ». Il y a prostitution parce qu’il y a frustration. Si les humains passaient plus de temps à faire l’amour comme les Bonobos, sans esprit de conquête et chaque fois qu’il faut réduire les tensions sociales, sans doute n’y aurait-il plus de prostitution (ni même de guerres). L’amour libre, le sexe libéré, implique aussi de lutter contre les rapports de domination. Comme on disait en d’autres temps, « peace and love », l’amour et la paix. Réconcilier nature et culture, n’est-ce pas là l’objectif premier des écologistes ?

* LE MONDE du 8 novembre 2013, Il faut interdire l’achat d’actes sexuels

** LE MONDE du 8 novembre 2013, la loi ayant normalisé la prostitution en Allemagne est remise en cause

*** LE MONDE du 8 novembre 2013, Halte au triomphe de l’interdit !

7 réflexions sur “l’écologie face aux abolitionnistes de la prostitution”

  1. La prostitution à travers les arts : la peinture (chapitre 8)
    Harry Bellet : « Il y a un aspect qui faisait partie du débat d’aujourd’hui sur la pénalisation des clients de la prostitution : la question des clients handicapés, et on pense immanquablement au cas de Toulouse-Lautrec [il avait développé dès l’enfance une maladie affectant le développement des os]. Lautrec est au bordel par plaisir, certes, mais par nécessité aussi. Il y trouve une vraie affection, c’est un peu la mascotte des bordels qu’il côtoie. C’est un tout petit bonhomme sympathique, bien élevé, il ne méprise pas les prostituées, il leur parle bien. Il y avait toute une partie de la population qui n’avait pas accès au sexe en dehors du bordel. »
    Le Monde.fr | 07.12.2013

  2. Ce que disent des Escort Boy
    – Il est admis que les hommes ont des besoins sexuels, mais beaucoup de femmes cherchent aussi du sexe, et seulement du sexe. Est-ce que ça doit rester réservé aux hommes ? Je ne le pense pas. Mais cela reste marginal parce que, culturellement, ce n’est pas accepté.
    – Certaines femmes ont des maris égoïstes, avec qui elles ne prennent pas de plaisir, d’autres sont complètement délaissées. Il y a beaucoup de détresse.
    – Les femmes se libèrent, et veulent consommer du sexe comme les hommes. Demain elle commandera un mec comme on commande des sushis.
    – Le sexe, c’est comme de la relaxation.
    – Il n’y a rien de grave, rien de sale, rien de méchant. C’est juste du plaisir tarifé.
    – Je fais des passes pour l’argent, c’est vrai. Comme 90 % des gens qui travaillent.
    – Dire qu’on vend notre corps, c’est n’importe quoi. On vend une prestation. Après, notre corps nous appartient toujours.
    (LE MONDE du 27 novembre 2013)

  3. J’ai un peu de mal à lire sans réagir le commentaire de Optimiste. D’abord, quand vous dites que les femmes ont aussi des envies sexuelles mais n’ont pas été éduquées à objectiver les hommes, vous semblez ignorer que la chosification marchande du corps, engendre la même vulgarité chez l’un et l’autre sexe et bien des femmes se réjouissent des spectacles de gogodanseurs et de chippendales tout en parlant « plan cul »! Vous dites que les femmes occupent des postes sous qualifiés et que ce ne sont que les hommes qui décident: j’ai 60 ans et je suis une femme et je vous dis que c’est tout à fait faux et que cela relève si vous êtes un homme d’un culpabilité mal digérée et si vous êtes une femme d’un féminisme . militant un peu étroit. Par ailleurs,j’ai eu pendant 15 ans une voisine qui « faisait le métier » selon ses termes, elle était indépendante et comme elle n’était ni une jouvencelle ni un prix de beauté, elle avait ses habitués avec lesquels elle était mi -amie, mi -assistante sociale, mi -psy…il ne faut pas nier cependant que la prostitution engendre aussi une traite humaine comme on le voit avec les « filles de l’est » ou celles qui viennent d’Afrique … et ne pas nier aussi, que pour être volontairement prostitué(é)il faut une fragilité psychique suffisante pour devenir étrangère à son propre corps! C’est très bien de vouloir abolir la prostitution, il faut aussi mettre dans ses tablettes:- abolir la misère, -abolir la guerre, – abolir le mal…tant qu’à être utopiste!

  4. Certains partisans de la légalisation considèrent que c’est un acte marchand comparable à la location de sa force de travail à un employeur. Il y a du vrai, mais justifier la peste par le choléra est une argumentation plus qu’étrange…

  5. Vous avez raison, la place des femmes dans une société est culturelle. Notre société est encore une société patriarcale . Ce sont donc en majorité des hommes aux postes décisionnels, qu’ils se gardent jalousement (ah le merveilleux outil qu’est la cooptation!). Les femmes occupent toujours en majorité les emplois non-qualifiés et sont encore des citoyens de second zone…etc.
    Mais l’égalité avance, grâce aux luttes des féministes et proféministes.
    Ces hommes qui sont clients de la prostitution sont des hommes qui sont accrochés à des privilèges réactionnaires, du temps où les femmes n’avaient aucuns droits. Dans le système prostitutionnel, toutes ces vieilleries patriarcales sont intactes : il choisit, décide, elle se tait et obéit.
    L’Allemagne permet surtout le proxénétisme et la traite des femmes!
    Sortons la France de la culture du viol, en choisissant l’abolition de la prostitution.
    Les acheteurs de sexe sont responsables et coupables, puisque que c’est leur demande qui crée la traite et le proxénétisme.
    Et il n’y a pas de « misère sexuelle », il y a une misère relationnelle de certains hommes. Notons que les femmes aussi ont des envies sexuelles. Mais elles n’ont pas été éduquées à objétiser les hommes!
    Une envie sexuelle n’autorise pas à se servir d’un-e autre chosifié, c’est hors du champ de l’humain et ça doit être sanctionné.
    Il ne s’agit donc pas de « répression totale de la prostitution » mais de criminalisation de l’achat de sexe. Il n’y a pas de règles, il y a un constat : la légalisation a aggravé le quotidien des prostituées.
    L’abolition n’est pas la solution parfaite, c’est seulement la meilleure.

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