Face aux catastrophes « en marche », ce n’est pas dans le domaine de la philosophie politique qu’on trouvera notre salut. Il n’y a plus de classes sociales exploitées conscientes d’elle-même et de sa force comme l’exprimait la vulgate marxiste. Les pauvres se multiplient, mais ils s’entre-déchirent faute d’ennemi commun et d’organisation internationale. La force du marché et l’emprise des multinationales conditionnent complètement notre comportement, que ce soit au Nord ou au Sud. Vouloir construire l’avenir des générations futures, c’est donc passer par un déconditionnement, construire comme le dit Cyril Dion ou Serge Latouche un nouvel imaginaire. Mais ceux qui fabriquent ce nouveau récit, que ce soit pas la simplicité volontaire, l’action associative ou l’entrisme politique sont très minoritaires et leur discours, souvent culpabilisant, est rejeté par la masse des gens, intoxiqués par le bien-être marchand. Dans ce contexte peu favorable, ce n’est pas l’imagination qui précède l’action, c’est la détérioration de nos ressources vitales qui nous obligera à changer de comportement.
Nous retrouvons paradoxalement Karl Marx pour qui ce ne sont pas les idées qui changent le monde, c’est l’état de l’infrastructure matérielle. Sauf qu’il considérait seulement le facteur capital et le facteur travail, l’exploitation des travailleurs dans le système de production. A son époque, bercée par l’industrialisme naissant, la nature était encore considérée comme généreuse, aux ressources illimitées ; le facteur Terre n’entrait pas en ligne de compte. Aujourd’hui c’est la planète qui est surexploitée. Nous considérons que le nouveau grand récit en train de se concrétiser résulte de l’allié principal des écologistes, l’état de la planète. Celle-ci ne négocie pas et se fout complètement du sens que les humains veulent donner à leur existence. Mais ses paramètres biophysiques sont indispensables au bon fonctionnement du système socio-économique humain.
Nous avons dépassé les limites de l’acceptation par la planète de notre surconsommation et de notre surpollupopulation. De gré ou de force, nous devrons faire preuve d’humilité et nous plier aux lois de la Nature. Tel est le message que devrait porter les écologistes, respecter la parole de notre Terre-mère. Telle est le récit à diffuser, d’autant plus que l’opinion publique montre de plus en plus des signes inquiétude face aux événements climatiques extrêmes, aux chocs pétroliers récurrents et à la disparition des insectes sur leur pare-brise. Le sentiment de la catastrophe se diffuse, à chacun de trouver la voie du salut si les écologistes n’arrivent pas à tenir un langage cohérent.