Les capacités d’EDF, fonctionnelles jusqu’à la catastrophe de la centrale nucléaire de Blaye (décembre 2018), n’ont jamais été rétablies par le Réseau intermittent d’électricité (RIE). L’arrêt de la fourniture d’électricité allemande et espagnole en 2023, a aggravé la situation. Même Paris, qui était encore correctement alimenté il y a peu, est touché. La capitale est exaspérée par les coupures sauvages d’électricité. Les rationnements provoquent une frustration toujours plus grande parmi les Français. Les inégalités dans l’accès à l’électricité augmentent l’amertume des plus défavorisés. Plus de 90 % des habitants de la Bretagne vivent avec au moins douze heures de coupures quotidiennes. Les délestages signifient, pour ceux qui n’ont pas d’alimentation en électricité privée (plus de 42 % de la population), des maisons plongées dans l’obscurité dès la tombée de la nuit ou des heures de paralysie sans pouvoir utiliser d’appareils électriques.
Pour une couverture minimale durant les heures de délestage, les abonnés aux générateurs (bruyants, très polluants et illégaux) font face à des frais toujours plus difficiles à soutenir. Parmi les industriels, les coûts en énergie sont si élevés qu’ils mènent parfois à la faillite. Chez tous, les coupures nourrissent le sentiment d’une incurie totale de l’Etat. Les dirigeants sont perçus comme corrompus et opportunistes, à incapables de résoudre les problèmes. Ah, voir un politicien chercher une bougie pour s’éclairer, le rêve ! L’électricité reste l’un des rares thèmes sociaux capable de mobiliser.
Ce scénario est déjà décrit dans LE MONDE du 11-12 décembre 2011, « Au Liban, l’électricité de la colère ». Il nous a suffi de remplacer Liban par France, Beyrouth par Paris et de substituer à la guerre du Liban une catastrophe dans une centrale nucléaire. Les humains sont des animaux parmi les autres qui vivent normalement sans voiture électrique ni éclairage en pleine nuit. Il nous faudra considérer un jour que seule la lumière du soleil nous procure une énergie durable, il nous faudra accéder à d’autres valeurs que le tout électrique. Parions que d’ici 2026 tous les besoins faussement essentiels basés sur une électricité à flux continu tomberont dans les oubliettes de l’histoire ; avec une énergie intermittente, il faudra beaucoup travailler simplement pour obtenir un peu d’eau potable et l’alimentation de base.