Les automobilistes sont-ils stupides ?

Donner le pouvoir au peuple alors que les automobilistes sont stupides ? C’est stupide ! C’est pourtant ce que font en France les présidentiables qu’ils soient de gauche ou de droite. Face à la montée des prix de l’essence, les électeurs renaclent, les politiques embrayent. Même Eva Joly ne va pas assez loin dans l’écologisme. Elle s’engage à ce que chaque Français-e bénéficie d’un service public de transports à moins de dix minutes à pied de chez lui et à ce que, d’ici la fin du prochain quinquennat, la France produise des voitures consommant moins de 2 litres aux 100 km. Rien sur la fin programmée du règne de la voiture. François Hollande a proposé le blocage des prix à la pompe pour pouvoir établir ensuite une TIPP flottante (taxe intérieure sur les produits pétroliers) à l’avantage des consommateurs. Sarkozy a qualifé de « plaisanterie » le blocage du prix du pétrole, mais il n’a rien à proposer comme alternative. Marine Le Pen propose un plan d’action immédiat pour contrer l’ascension des prix de l’essence : baisse de la TIPP, sur-taxation des profits des grandes entreprises pétrolières et gazières. Contre les populistes qui cajolent les automobilistes, que faire ? Que font les Etats-Unis ?

Les prix de l’essence augmentent, la popularité d’Obama baisse… Ses adversaires attaquent son bilan en capitalisant sur les prix élevés de l’essence à la pompe, qui dépassent par endroits le seuil symbolique des quatre dollars par gallon (3,78 litres). Obama a le demi-courage d’affirmer qu’on ne peut pas se sortir de la question énergétique en forant toujours davantage. Mais il garde toujours une optique de production d’énergie ; il réitère son appel à une stratégie « complète » de développement des sources d’énergie américaines : « pétrole, gaz naturel, éolien, solaire, nucléaire, biocarburants ». Aucune mention des nécessaires économies d’énergie.

Du côté des entreprises, tout est aussi mis en oeuvre pour perpétuer le gaspillage de l’énergie. Airbus et les compagnies British Airways, Virgin Atlantic, Lufthansa, Air France, Air Berlin et Iberia affirment officiellement vouloir « alerter » les dirigeants « sur les conséquences économiques » de la taxe carbone européenne qui constituerait une menace « inadmissible » pour leur secteur d’activité*.

Il faudrait donc flatter le goût du peuple pour l’essence (le kérosène) à bas prix alors que les ressources pétrolières s’épuisent. Pourtant la contrainte géologique est imparable, la rareté croissante fera obligatoirement augmenter les prix. Faire croire le contraire, c’est tromper le peuple, c’est faire du populisme, c’est prendre les électeurs pour des imbéciles.

* LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 11.03.12 |