Les OGM et Monsanto sur le banc des accusés

Une étude à paraître dans la revue Food and Chemical Toxicology fait grand bruit : elle est la première à suggérer des effets délétères, sur le rat, de la consommation d’un maïs génétiquement modifié de Monsanto, associé ou non au Round-Up. Qui croire, les résultats étant tellement en opposition avec les études précédentes ? Quelques éléments de réponse sont apportés dans un article de Stéphane Foucart*.

Cette étude « anti-OGM » est publiée dans une revue importante, ne publiant qu’après « une relecture par les pairs » (ou peer review), c’est-à-dire une expertise technique sur les résultats présentés. Elle a étudié les rats pendant deux ans. Or la plupart des travaux pro-OGM précédents, rassemblés et publiés en janvier dernier dans Food and Chemical Toxicology, ont été menés sur des durées très inférieures, et avec un plus faible nombre de paramètres biologiques contrôlés chez les animaux. Notons que ni l’Inra, ni le CNRS, ni aucun organisme public n’avaient jugé judicieux d’entreprendre une telle étude sur deux ans. Les experts, les agences sanitaires et même la Commission de Bruxelles s’étaient opposés en effet au principe d’une étude de longue durée sur l’impact physiologique des OGM. De plus, toutes les études antérieures ou presque ont été financés ou directement menés par les firmes agrochimiques elles-mêmes. Les agrochimistes qui ont mené ce type d’études ne fournissaient pas les données brutes de leurs expériences. Pour l’étude récente le maître d’œuvre, Gilles-Eric Séralini, s’engage à fournir à la communauté scientifique l’ensemble des données brutes afin qu’elles puissent être ré-analysées par de possibles contradicteurs.

Il faudra donc attendre les contre-expertises pour se faire une opinion, ce que ne fait pas le Nouvel Obs** qui titre déjà « oui les OGM sont des poisons » ! L’indépendance de l’expertise scientifique est une absolue nécessité pour contrer les liens trop étroits qui existent entre la recherche scientifique et ses applications techniques. Comment le temps de la vérité  peut-il triompher à l’heure où les multinationales de la chimie font encore la loi ? Ce n’est pas normal que l’étude de Séralini soit à l’initiative d’une simple association loi 1901, le Criigen (Comité de Recherche et d’Information indépendantes sur le Génie génétique). Ce n’est pas normal que la fondation Leopold Mayer et des patrons de la grande distribution financent une telle étude, cela veut dire que les pouvoirs publics ont abandonné leurs responsabilités de protection des citoyens.

* Le Monde.fr | 19.09.2012 Un maïs OGM de Monsanto soupçonné de toxicité

** http://tempsreel.nouvelobs.com/ogm-le-scandale/20120918.OBS2686/exclusif-oui-les-ogm-sont-des-poisons.html

6 réflexions sur “Les OGM et Monsanto sur le banc des accusés”

  1. Bravo – et merci – pour avoir publie le commentaire de Moloney, tres critique sur l’etude la Criigen. Il y en a d’autres dans la langue de Moliere: http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/09/20/ogm-le-protocole-d-etude-de-m-seralini-presente-des-lacunes-redhibitoires_1762772_3244.html

    On verra effectivement ce que les donnees de Seralini donnent apres analyses par d’autres groupes, meme si les critiques sur les aspects statistiques sont deja visibles. Notez que fournir ses donnees brutes est une condition sine-qua-non de publication, Seralini ne fait que ce que nous devons tous faire. Mes articles (dans un domaine tres difeeretn) comportent toujours des « Supplementary Informations » qui sont publiees et qui comportent les resultats bruts.

    Sinon, de maniere plus fondamentale: pourquoi pensez-vous que les liens entre recherche fondamentale et applications techniques sont « trop etroits »?

  2. Expert reaction to GM maize causing tumours in rats
    A toxicology study in Food and Chemical Toxicology into the health impact of a GM tolerant maize crop and the herbicide Roundup suggested lab rats developed mammary tumours and were more likely to die prematurely.

    Prof Maurice Moloney, Institute Director and Chief Executive, Rothamsted Research, said:
    « Although this paper has been published in a peer–reviewed journal with an IF of about 3, there are anomalies throughout the paper that normally should have been corrected or resolved through the peer-review process. For a paper with such potentially important findings, it would have been more satisfying to have seen something with a more conventional statistical analysis. A comparison of each measured parameter, which took into account the variance throughout the experiment, which would have been revealed using a multiple range test, would have provided better evidence for the concluding remarks and the abstract. Figure 1 does not provide any data from the controls and their variance is unreported here. Table 2 reports different numbers of individuals used for the controls than the treatments. In all cases the controls have used less individuals than used in the treatments. The data in Table 2 do not show confidence intervals or provide evidence of significant differences between all the treatments and the controls. The lack of a dose response effect is argued by the authors to be indicative of a “threshold” effect.
    This is an extrapolation of their findings and could only be determined by intermediate dosing. The photographs are very graphic, but do not include a control. Sprague-Dawley rats frequently develop mammary tumours in well-fed controls. Are we to conclude from this that no controls developed tumours? Numerically, we cannot tell, because they are absent also from Figure 2. We are performing a more detailed analysis of the statistics in relation to the conclusions, but for the present it is fair to point out that normally a referee would insist on showing the control data and its variance in such a study ».
    http://www.sciencemediacentre.org/pages/press_releases/12-09-19_gm_maize_rats_tumours.htm

  3. Les OGM constituent avant tout une fuite en avant, une tentative désespérée et désespérante pour nous permettre (très provisoirement) d’être à toute force plus nombreux et de consommer plus. Quand bien même y parviendraient-ils (c’est improbable sur la durée), quand bien même seraient-ils sans danger (c’est quasiment exclu) qu’ils ne feraient que repousser le problème. A 10 milliards sur la planète grace aux OGM nous détruirons tout. Il est beaucoup plus sage de revenir à une agriculture biologique, respectueuse des sols et des cycles naturels.

  4. Il est prudent d’attendre, surtout, pour consommer. Mais vous pouvez continuer à manger du maïs OGM contenu dans presque tout, et prendre un peu de Mediator puisque pendant des années ce produit a été complètement inoffensif. Mettez aussi de l’amiante sous votre toit, ça isole super bien et pendant des années il a démontré sa totale innocuité.

  5. L’AFBV, association indépendante ?
    COMMUNIQUE DE PRESSE de l’AFBV du 19 SEPTEMBRE 2012 :
    Les experts de l’Association Française des Biotechnologies végétales ( AFBV), qui réunit notamment de nombreux scientifiques des biotechnologies, souhaitent signaler que, contrairement à ce qui est affirmé, la dernière étude du CRIIGEN n’est pas la première à avoir évaluer les effets a long terme des OGM sur la santé.
    Il existe en effet de nombreuses études toxicologiques qui ont évalué les effets à long terme des OGM sur la santé des animaux. Ces études réalisées sur des rats mais aussi sur d’autres animaux par des chercheurs d’horizons différents n’ont jamais révélé d’effets toxiques des OGM. Bien entendu, si cela si cela avait été le cas, les Agences d’évaluations nationales et internationales en auraient tenu compte.
    L’ AFBV tient à la disposition la liste de ces études et leurs références pour tous ceux qui veulent disposer d’une information diversifiée. Le Conseil scientifique de l’AFBV attend d’avoir les résultats détaillés de cette étude du CRIIGEN pour donner son avis sur le fond.
    Qui sommes-nous ?
    L’AFBV est une ONG créée en juin 2009, strictement indépendante, réunissant des personnes de divers horizons dont le but est d’informer sur la réalité des biotechnologies végétales en s’appuyant sur des travaux reconnus par la communauté scientifique et sur l’expertise de ses membres.
    Elle est présidée par Marc Fellous, Professeur de génétique humaine, ancien Président de la Commission du Génie Biomoléculaire et s’appuie sur un Comité scientifique présidé par Georges Pelletier, Directeur de Recherche émérite INRA, membre de l’Académie des Sciences et membre de l’Académie d’Agriculture.
    Elle est parrainée par des personnalités comme Axel Kahn (généticien, Président Université Paris Descartes), Jean-Marie Lehn (prix Nobel de chimie), Maurice Tubiana (Académie des Sciences et Président honoraire de l’Académie de Médecine), François Gros (Secrétaire perpétuel honoraire Académie des Sciences, ancien Directeur Institut Pasteur), Claude Allègre (ancien Directeur Institut physique du globe, ancien Ministre Education et Recherche, Académie des Sciences), Dominique Lecourt (professeur philosophie des Sciences Université D.Diderot), Pierre Joliot ( biologiste, professeur honoraire Collège de France, Académie des Sciences et National Academy of Sciences américaine), Etienne-Emile Baulieu (professeur honoraire au Collège de France, ancien Président de l’Académie des Sciences)
    Elle est soutenue par des personnalités européennes comme Marc Van Montagu, créateur de la première plante transgénique en Europe et Ingo Potrykus,professeur émérite en sciences végétales au Swiss Federal Institute of Technology, Président de «Humanitarian Golden Rice Board»
    Parmi ses adhérents, l’AFBV compte 44 chercheurs de la Recherche publique dont 21 Directeurs de Recherche (INRA, CNRS, CIRAD, IRD, INSERM), 20 Académiciens (Sciences, Médecine, Agriculture, Technologies, Pharmacie,Vétérinaire), d’anciens Directeurs d’Instituts (Institut Pasteur, INRA, CIRAD), des professeurs, des chercheurs et cadres de la Recherche privée et du secteur public, de nombreux agronomes, de nombreux agriculteurs souvent responsables d’organisations professionnelles agricoles mais aussi des personnes issues de la société civile.
    Pour mieux comprendre comment cet aréopage raisonne, lisez ce dialogue entre un membre de l’AFBV et un journaliste.

  6. Le Haut Conseil des biotechnologies, instance indépendante ?
    Par communiqué de presse, le Haut Conseil des Biotechnologies auditionnera les auteurs de l’étude animale sur la toxicité des OGM, dans le cadre d’une analyse globale de la méthodologie, des résultats et des implications de cette expérimentation. Il appelle à la prudence avant les résultats d’une analyse approfondie.
    Jean-François Dhainaut, Président du HCB, tient avant tout « à rappeler que ces questions sont extrêmement sensibles et que l’information doit être maniée avec prudence et avec sérieux, afin de prévenir la surinterprétation médiatique de données scientifiques qui nécessitent une analyse approfondie avant toute interprétation définitive ».
    Le Haut Conseil des biotechnologies, instance d’évaluation, d’expertise et de concertation a été créé par la loi du 25 juin 2008.
    Lancée le 22 avril 2009, cette structure indépendante, qui réunit 66 membres, est composée d’un Comité Scientifique présidé par Jean-Christophe Pagès, et d’un Comité économique, éthique et social présidé par Christine Noiville. Le HCB rassemble, entre autres, des personnalités issues des organismes publics de recherche, en raison de leurs compétences scientifiques et techniques, des élus locaux, des parlementaires, des représentants d’associations et d’organisations professionnelles.
    La question que se pose biosphere, c’est pourquoi cette instance n’a pas réagi avec autant de célérité sur les études pro-OGM !

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