Le « regard des Français » n’existe pas, ce n’est qu’une image statistique faussée. Prenons ce titre du MONDE « gaz de schiste : des Français plus sensibles au potentiel d’activité et d’emplois »*. Le journaliste Pierre Le Hir nous révèle le pot aux roses.
Le sondage est bien réalisé par l’IFOP, mais pour la société eCORP Stimulation Technologies (ecorpStim), spécialisée dans l’extraction des hydrocarbures. La dernière question révèle en fait la véritable finalité du sondage. Elle est ainsi libellée : « S’il existait aujourd’hui une technologie alternative qui ne nécessitait ni eau ni produits chimiques pour extraire le gaz de schiste, seriez-vous favorable à ce qu’elle soit testée à titre expérimental en France ? » La réponse des sondés est positive à 80 %… Or l’eCORP International a récemment mené un essai de « stimulation » de la roche par du propane, avec, assure-t-elle, « un impact minimal sur l’environnement ». Mais si l’on avait demandé aux Français s’ils approuvent l’usage d’un gaz inflammable, explosif et asphyxiant – ce qu’est le propane –, leur réponse aurait été tout autre. Prenons les autres « évolutions » des sondés.
L’exploitation du gaz de schiste « augmenterait l’indépendance énergétique de la France ». Or cette nouvelle manne ne reculerait la fin des énergies fossiles que de quelques années. Ces annonces incessantes d’un nouvel Eldorado potentiel nous empêchent de promouvoir dès aujourd’hui la seule politique tenable : économiser l’énergie de façon drastique pour aboutir à une consommation d’énergie juste égale aux ressources renouvelables d’énergie. Mais cela, aucun industriel, donc aucun politique, n’en parle. Précisons qu’en Europe, la part des énergies renouvelables n’atteignait que 12,7 % dans l’Union européenne en 2011.
L’exploitation du gaz de schiste créerait de « nombreux emplois ». Or réduire la consommation d’énergie réduit aussi la consommation globale, donc le besoin de travailler. En d’autres termes, il y a une autre manière de lutter contre le chômage : réduire le nombre d’heures que les individus souhaitent travailler. On a essayé les 35 heures, mais les Français ont simplement consacré plus de temps aux écrans. Il ne suffit pas de réduire le temps de travail, il faut aussi agrandir la sphère relationnelle de chacun : moins de biens, plus de liens. Vaste programme que les politiques n’abordent jamais.
Arrêtons de rêver ! Un autre article du MONDE*, encore plus consistant, a pour titre et seul contenu : « L’arc électrique au secours du gaz de schiste ». La recherche incessante de l’innovation technique nous empêche de revenir aux fondamentaux : économies d’énergie et techniques douces.
* LE MONDE du 28 mars 2013, page 8
Recherche de la quantité ou recherche de la qualité. Difficile d’apprécier les limites imposées par la nature à la qualité; par contre, celles de la quantité sont de plus en plus claires, en témoigne cruellement l’état des ressources halieutiques.
Evidemment, en plus de leur aspect polluants, les gaz de schistes ne sont qu’une fuite en avant pour repousser de quelques temps (très peu en réalité) les échéances inéluctables.
A l’exception d’encore un peu de charbon, nous n’aurons plus d’énergies fossiles d’ici la fin du siècle.
Il est temps de promouvoir un autre modèle, plus modeste avec moins d’hommes et des hommes qui seraient moins consommateurs.
Ce n’est pas une alternative, nous n’avons pas le choix entre ça ou autre chose, nous avons le choix entre l’accepter (et donc le préparer) ou juste le subir.
gaz de schiste et climat
Les sondages et les articles médiatisés ne nous permettent pas d’avoir une vision globale des réalités. Pour limiter le réchauffement de la planète à 2 °C, l’Europe devrait réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et dans une fourchette comprise entre 80 et 95 % d’ici à 2030 (LE MONDE du 29 mars, Climat : l’Europe se projette en 2030).
Autant dire que la consommation de gaz de schiste devrait d’ores et déjà être interdites, et pas seulement la fracturation hydraulique.