Les Soviétiques fournissaient autrefois à Cuba 90 % de son pétrole et 60 % de sa nourriture. Mais l’effondrement de l’Etat soviétique en 1991 et l’embargo imposé par les Etats-Unis laissèrent Cuba sans carburant pour ses tracteurs, sans engrais et sans pesticides pour ses cultures de sucre et de tabac. Cette nation passa à une diète extrême. L’apport calorique passa de 2600 calories par jour à 1000 calories. La plupart des Cubains perdirent jusqu’à 15 kg. Des milliers d’entre eux perdirent même la vue sous l’effet de la malnutrition.
L’Etat se tourna alors vers les petits agriculteurs et les petites parcelles urbaines pour combler son déficit alimentaire. Une parcelle de 7000 m2 peut employer jusqu’à 25 personnes à temps plein. Privés d’engrais et de pesticides à base de pétrole, les Cubains créèrent 170 centres de compostage et mirent sur pied des centres de production de pesticides naturels, comme le verticillium et le champignon Beauveria bassiana. Les bœufs remplacèrent les tracteurs, et les gens se mirent à élever des lapins et des poules sur leurs toits. En peu de temps ces actions mirent fin à la crise. Le régime alimentaire cubain, autrefois dominé par le riz, le haricot et le porc, devint plus varié et plus riche en légumes.
G.K.Chesterton, qui avait pris fait et cause pour la production alimentaire à petite échelle dès les années 1920, écrivait : « La chose la plus rapide et la plus économique pour celui qui vient de cueillir un fruit sur un arbre est de le porter à sa bouche. Le suprême économiste, c’est celui qui ne perd pas d’argent en transports ferroviaires. Il est tellement efficace qu’il n’a même pas besoin d’organisation. Et quoiqu’il soit un cas extrême et idéal de simplification, cette simplification est aussi irréfutable que l’existence même du pommier. »
Source : L’énergie des esclaves (le pétrole et la nouvelle servitude) d’Andrew Nikiforuk
Editions Ecosociété 2015, 282 pages, 20 euros
Edition originale 2012 (The Energy of Slaves : Oil and the New Servitude)
Le problème, c’est que dans le cadre du système capitaliste en vigueur, ce mode de production artisanale n’est ni durable à l’échelle de ce tout petit territoire qu’est Cuba, ni généralisable à plus grande échelle. En effet, à cause des dépenses que chaque État, et en l’occurrence celui cubain, fait pour financer des cadeaux en faveur des patrons milliardaires, les investissements dans le remplacement de l’industrie ultra-polluante par une plus verte sont tous financés à crédit.
Quand le patrimoine public deviendra trop faible, il faudra bien soit sacrifier les sacro-saints profits du millionième le plus riche de la population mondiale, soit revenir à une industrie fonctionnant à l’énergie fossile. Et nul n’ignore que tous ces politiciens, de gauche comme de droite et quelle que soit leur pays, opteront pour la seconde solution.
Il ne sera jamais possible d’instaurer de société écologiquement stable sans bafouer ces dogmes qui couvrent les multinationales. Voilà pourquoi il n’y a lieu à lieu à espérer ni « capitalisme vert » ni « capitalisme social », choses auxquelles les dirigeants castristes s’obstinent à nous faire croire.
Il existe toutefois une différence notable entre Cuba et beaucoup de pays développés, c’est le climat
Une partie de nos dépenses énergétiques sert à nous chauffer tandis que je pense que pour Cuba les dépenses en la matière sont tout à fait marginales.
Bien sûr, nous pouvons mieux isoler nos maisons (même s’il y a souvent beaucoup d’énergie incluse dans les produits d’isolation et dans leur pose) mais il y a un minimum sans doute incontournable, de ce point de vue nous sommes moins résilients que Cuba face à la privation d’énergie fossile.
Par ailleurs oui, la remarque de Chesterton (en la généralisant) est sans doute la meilleure leçon d’économie que l’on puisse recevoir.