Linky, technique diabolique ou instrument à notre service

Une chaîne humaine en Isère et une manif à Bordeaux pour s’opposer aux compteurs Linky*, cela appelle à plus de réflexion. Toute introduction d’un nouveau outil pose le problème de son acceptabilité socio-économique et écologique. Les écologistes font une distinction entre les techniques douces et les techniques dures. Ivan Illich, dans son livre La convivialité (1973), avait défini ainsi le statut de l’outil : « Je distingue deux sortes d’outils : ceux qui permettent à tout homme, plus ou moins quand il veut, de satisfaire les besoins qu’il éprouve, et ceux qui créent des besoins qu’eux seuls peuvent satisfaire. » En d’autre termes, l’outil préserve-t-il notre autonomie, comme une simple bêche pour travailler la terre, ou nous fait-il dépendre d’une société complexifiée comme l’automobile ? Linky est bien à classer dans les techniques hétéronomes, celles qui nous font dépendre des autres et empêchent notre autonomie. Mais il faut alors aller jusqu’au bout du raisonnement : refuser Linky, c’est refuser de dépendre d’un réseau électrique centralisé sur lequel nous n’avons aucune prise. Ce refus serait une attitude de recherche de simplicité volontaire qui a toute notre estime et nos encouragements. Sinon un compteur reste un compteur, qui nous relie à des poteaux électriques et, in fine, à une centrale nucléaire pour 75 %. Que ce soit par le compteur traditionnel ou par celui dit « intelligent », l’État connecte nos foyers à des systèmes communicants centralisés. Linky ne fait que faciliter le pilotage de nos consommations, donc de la production électrique.

Bien sûr Linky a des désavantages. Remplacer systématiquement des compteurs qui fonctionnaient parfaitement, c’est assurément un gaspillage. Linky supprimera aussi de l’emploi dans les entreprises sous-traitantes chargées de relever périodiquement les compteurs. Linky semble n’avoir aucune tolérance à de ponctuels dépassements de puissance, par opposition aux compteurs précédents. Pas mal de consommateurs vont devoir augmenter leur puissance souscrite et donc payer plus cher. Et c’est EDF qui choisirait à tout moment à quel tarif vous êtes facturé, il n’y aurait plus de tarif fixe. Dire de ce compteur qu’il est « intelligent », c’est effectivement bafouer ce que pourrait être l’intelligence humaine. Mais les avantages semblent l’emporter. L’opérateur qui nous fournit notre courant a besoin de Linky pour préparer une gestion fine du réseau, besoin inéluctable à terme (sources intermittentes, stockages locaux, déséquilibres entre consommation et production). Quant à dévoiler notre consommation électrique, on ne voit pas en quoi cela serait une atteinte nos libertés. A travers les portables, nos données bancaires, les cookies sur notre ordinateur, on sait que nous sommes déjà espionnés à tout moment. Inutile d’être sur Facebook pour être pisté, il suffit d’avoir un smartphone. Et nous ne parlons pas des objets connectés (frigo, enceinte musicale Bose, Sonos, Google Home…). Tous ces objets font déjà partie du quotidien de beaucoup de personnes. En fait Linky a bien moins d’informations à communiquer, il ne sait rien de nos envies ou de nos turpitudes. En définitive ce nouveau compteur, qui vise à mieux connaître les consommations et productions individuelles instantanées, semble nécessaire à la transition écologique de notre alimentation électrique vers des énergies renouvelables et relocalisées. Notons que la liberté individuelle dans nos sociétés de masse n’existe pas, si tant est qu’elle ait déjà existé : les communautés restreintes ont aussi leurs moyens de contrôle sur l’individu.

Notre véritable liberté, c’est de savoir résister à ce qui met véritablement en péril le bien commun. La dénonciation de Linky est non seulement anecdotique, mais relève d’une analyse très très superficielle de l’emprise de la technologie sur nos destins collectifs. Par contre certaines luttes anti-techniques valent le coup, réagissant contre des dysfonctionnements socio-économiques, de vrais dangers écologiques, une atteinte aux générations futures… Les motifs de contestation sont innombrables, « stop plastique », « non aux néo-nicotinoïdes », « l’EPR ne passera pas par moi », « les écrans nous empoisonnent », etc.

Articles antérieurs sur notre blog

3 mai 2018 : Le compteur Linky n’entraîne pas mort d’homme !

18 mars 2018 : Faut-il être contre les compteurs Linky ?

* LE MONDE avec AFP du 5 mai 2018

2 réflexions sur “Linky, technique diabolique ou instrument à notre service”

  1. Je lis « Mais il faut alors aller jusqu’au bout du raisonnement» … Alors allons-y ! Et avec méthode :
    1) « refuser Linky, c’est refuser de dépendre d’un réseau électrique centralisé sur lequel nous n’avons aucune prise » … Ah bon ? Alors comme ça, jusqu’à présent je ne dépendais du réseau ? Première nouvelle.
    2) « Ce refus serait une attitude de recherche de simplicité volontaire qui a toute notre estime et nos encouragements » … C’est une blague, oukoi ? Le bon vieux compteur bleu, c’est ça la simplicité volontaire ? Mais non c’est une blague bien sûr, compteur bleu ou Linky, il nous reste les bons vieux pylônes et nos bonnes vieilles centrales nucléaires.
    3) « Linky ne fait que faciliter le pilotage de nos consommations, donc de la production électrique » … Par contre, ça je veux bien le croire. Et le problème est bien là, et c’est bien pourquoi il existe de bonnes raisons de s’opposer à ce compteur. De-ci de-là chacun nous liste les avantages, et les … désavantages. Reste plus qu’à touiller et à mettre tout ça sur la bonne vieille balance.
    4) « Mais les avantages semblent l’emporter » … Mouai, semblent… mais alors, serait-ce là une simple impression, une illusion (d’optique) ou bien Biosphère aurait-il des intérêts chez Enedis ?
    5) « La dénonciation de Linky est non seulement anecdotique, mais relève d’une analyse très très superficielle de l’emprise de la technologie sur nos destins collectifs. Par contre certaines luttes anti-techniques valent le coup » …

    En fait, et si j’ai bien compris, ce qui « vaut le coup » c’est par exemple de mettre des autocollants sur sa bagnole : « stop plastique », « non aux néo-nicotinoïdes », « l’EPR ne passera pas par moi », « les écrans nous empoisonnent », etc. En fait, chez certains « vrais écolos 100 % pur jus» ce qui vaut le coup c’est de se con.tenter de dénoncer ce qui cloche. Le minimum syndical quoi ! Par contre, lutter comme le font les zadistes de NDDL ou les hiboux de Bure… ça, ça ne vaut pas le coup ! C’est juste « anecdotique » et en plus, ça «relève d’une analyse très très superficielle » .
    Mouai ! Comme toujours, c’est une simple affaire de point de vue.

  2. Je lis « Mais il faut alors aller jusqu’au bout du raisonnement» … Alors allons-y ! Et avec méthode :
    1) « refuser Linky, c’est refuser de dépendre d’un réseau électrique centralisé sur lequel nous n’avons aucune prise » … Ah bon ? Alors comme ça, jusqu’à présent je ne dépendais du réseau ? Première nouvelle.
    2) « Ce refus serait une attitude de recherche de simplicité volontaire qui a toute notre estime et nos encouragements » … C’est une blague, oukoi ? Le bon vieux compteur bleu, c’est ça la simplicité volontaire ? Mais non c’est une blague bien sûr, compteur bleu ou Linky, il nous reste les bons vieux pylônes et nos bonnes vieilles centrales nucléaires.
    3) « Linky ne fait que faciliter le pilotage de nos consommations, donc de la production électrique » … Par contre, ça je veux bien le croire. Et le problème est bien là, et c’est bien pourquoi il existe de bonnes raisons de s’opposer à ce compteur. De-ci de-là chacun nous liste les avantages, et les … désavantages. Reste plus qu’à touiller et à mettre tout ça sur la bonne vieille balance.
    4) « Mais les avantages semblent l’emporter » … Mouai, semblent… mais alors, serait-ce là une simple impression, une illusion (d’optique) ou bien Biosphère aurait-il des intérêts chez Enedis ?
    5) « La dénonciation de Linky est non seulement anecdotique, mais relève d’une analyse très très superficielle de l’emprise de la technologie sur nos destins collectifs. Par contre certaines luttes anti-techniques valent le coup » …

    En fait, et si j’ai bien compris, ce qui « vaut le coup » c’est par exemple de mettre des autocollants sur sa bagnole : « stop plastique », « non aux néo-nicotinoïdes », « l’EPR ne passera pas par moi », « les écrans nous empoisonnent », etc. En fait, chez certains « vrais écolos 100 % pur jus» ce qui vaut le coup c’est de se con.tenter de dénoncer ce qui cloche. Le minimum syndical quoi ! Par contre, lutter comme le font les zadistes de NDDL ou les hiboux de Bure… ça, ça ne vaut pas le coup ! C’est juste « anecdotique » et en plus, ça «relève d’une analyse très très superficielle » .
    Mouai ! Comme toujours, c’est une simple affaire de point de vue.

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