Plus d’une centaine de pays tentent de négocier « un instrument juridiquement contraignant d’interdiction des armes nucléaires conduisant à leur interdiction totale » à partir du 27 mars, au siège de l’ONU. C’est ce que stipulait déjà la résolution L.41 votée, le 23 décembre 2016, par l’Assemblée générale par 113 Etats membres contre 35 (les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Russie…). La Corée du Nord a même voté pour ! La France s’apparente dans ce domaine à une dictature où on décide l’inacceptable sans en référer à personne. Or on sait que les armes nucléaires ne servent à rien face aux nouvelles menaces, et leur emploi aurait des conséquences inhumaines. QUI au nom de la France a donné un avis négatif à un projet d’élimination des armes nucléaires ?
Tous nos présidentiables ou presque entendent conserver la force de frappe française. Benoît Hamon ne se contente pas de vouloir conserver tous nos SNLE. Il veut pouvoir protéger l’Europe grâce à sa force de dissuasion nucléaire, il veut défendre « le rang de la France » . Pour Jean-Luc Mélenchon, la dissuasion nucléaire « demeure l’élément essentiel de notre stratégie de protection« . Pour François Fillon : il faut « maintenir la Force de dissuasion nucléaire et préparer sa modernisation« . Pour Marine Le Pen, « notre concept de dissuasion nucléaire sera réaffirmé et précisé. Il doit demeurer le fondement de notre stratégie de défense et la garantie ultime de la sécurité et de l’indépendance nationale. » Quant à Emmanuel Macron, on aimerait savoir ce qu’il en pense, mais il serait surprenant que cet admirateur enthousiaste du nucléaire civil (« un choix résolument moderne ») n’en soit pas aussi un du nucléaire militaire. Un seul candidat avait fait connaître son intention de « remplacer la stratégie de dissuasion nucléaire par un sanctuaire européen « dénucléarisé », et d’œuvrer à une diplomatie active en faveur du désarmement nucléaire » : Yannick Jadot (75e proposition de « la France vive »). Il s’est sans doute aligné sur la position de Hamon, rien dans leur plate-forme commune actuelle n’a trait aux armes nucléaires.
Selon le Président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN)*, le chef de l’Etat chinois, prenant la relève d’Obama, avait proposé à Davos de construire un monde sans armes nucléaires. D’après un sondage effectué par l’IFOP en octobre 2015, 3 Français sur 4 voulaient déjà, avant même que l’opportunité n’en soit offerte par l’ONU, « que la France négocie et ratifie avec l’ensemble des Etats concernés un traité d‘interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ». Plus de cent parlementaires (111 depuis le 20 janvier 2017) désavouent la politique de la chaise vide pratiquée par le gouvernement actuel comme par tous ses prédécesseurs, de gauche ou de droite. Ils ont non seulement signé un Appel à référendum sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires, mais encore une Proposition parlementaire de loi (PPL) organisant ledit référendum selon la procédure dite d’initiative partagée (parlementaire et citoyenne). Il n’y a donc pas de consensus national en faveur de notre « dissuasion » nucléaire. QUI au nom de la France a donné un avis négatif à un projet d’élimination des armes nucléaires ?
Selon LE MONDE**, la stratégie des abolitionnistes consiste à mobiliser les opinions publiques et à réunir le maximum de pays afin d’isoler les Etats détenteurs de l’arme nucléaire. Elle est semblable à celle qui mena à la convention interdisant les mines antipersonnel, en 1997, et celle sur les armes à sous-munitions, de 2008. A défaut d’être hors la loi, leur emploi devient toujours plus honteux. Rappelons que le Traité intercantonal de non-prolifération signé en 1968 prévoit en son article 6 que ses signataires s’engagent à poursuivre des négociations de « bonne foi » pour arrêter la course aux armements et arriver à terme « à un traité de désarmement général et complet ». La France n’a adhéré à ce traité qu’en 1992, qui s’en rappelle ?
Selon la commission paix et désarmement d’EELV, la « prévention et la résolution non violente des conflits représente une valeur fondamentale de l’écologie politique. Elle s’avère indispensable pour analyser et répondre à la montée des crises sur la sécurité internationale : raréfaction des matières premières et des énergies non renouvelables, crises alimentaires, diminution des ressources en eau potable, dérèglement climatique entraînant l’élévation du niveau des mers. » A quoi sert dans ce contexte délétère la bombe atomique, si ce n’est à favoriser son usage ?
** LE MONDE du 28 mars 2017, L’interdiction des armes nucléaires fait débat à l’ONU
Pour l’arme nucléaire selon François Hollande, notre article du 21 février 2015, François Hollande fait joujou avec la bombe nucléaire
Pour une approche globale des problèmes de défense nationale, le livre de Michel Sourrouille, « L’écologie à l’épreuve du pouvoir »
@biosphère
Bien sûr René Dumont et tant d’autres doivent rester des références aux Jadot et Compagnie. Pacifistes ou pas, nous ne devrions pas oublier les Thoreau, Tolstoï, Illich, Charbonneau etc.Mais n’oublions pas non plus, que nous ne vivons pas dans le Monde des Bisounours.Bien sûr, le sktech de Dumont avec son lieutenant me fait rire, seulement nous ne saurons jamais ce qu’il aurait réellement fait face à une mitrailleuse ennemie.Nous savons par contre qu’en 1939 René Dumont était opposé à la guerre, et qu’il a signé le tract rédigé par Louis Lecoin , militant pacifiste et anarchiste, qui à cause de cela fut emprisonné jusqu’en 1943. Nous savons aussi que pendant que Lecoin était en prison, René Dumont n’était pas résistant, qu’il travaillait pour le régime de Vichy, à faire de la propagande pour l’agriculture « moderne » et productiviste. Quant à l’écrivain Jean Giono , et à ce que l’on sait de ses activités pendant cette période trouble… mieux vaut probablement ne pas le prendre en exemple.De mon côté, j’espère ne jamais me retrouver face à une mitrailleuse ennemie, ni même dans une situation comme celle la France sous l’Occupation, à devoir choisir mon camp, à devoir choisir entre sauver ma peau plutôt que celle des chevaux.
Je pense tout simplement que René Dumont , comme beaucoup … a eu un parcours sinueux, et qu’il a finalement fait ce qu’il a pu, et je veux croire de son mieux.
Peut-être est-il né avec une réelle aversion à la violence, ou alors une indisposition à l’autorité… qui sait ? Mais de ça, peu importe.
Dans son projet « pour faire battre le cœur de la France »,distribué dans les boîtes aux lettres ces jours-ci, Benoît Hamon persiste dans l’idiotie « dissuasive » : « Pour garantir notre SOUVERAINETE, notre autonomie de décision et notre liberté d’action, je pérenniserai notre capacité de projection et notre dissuasion nucléaire. » Benoît Hamon n’est pas un représentant de l’écologie à la présidentielle, c’est un militariste acharné qui veut « donner à nos forces armées les moyens d’agir, qui prévoit des moyens pour la défense nationale d’au moins 2 % du PIB , qui veut exclure le budget de la défense du calcul du déficit public… »
Bien oublié le pacifisme de René Dumont, le présidentiable écolo en 1974 qui aurait du servir d’exemple à Yannick Jadot : « Le pacifisme de Dumont constituera son seul dogmatisme. Il entame la lutte contre toutes les armées, contre toutes les guerres. Son service militaire fut homérique. Pendant ses 18 mois de service national, il se bat comme un fou contre l’institution militaire. Quand, lors du premier exercice, le lieutenant lui demande ce qu’il ferait s’il y avait une mitrailleuse ennemie sur la colline en face, Dumont n’hésite pas : « Je mets les chevaux à l’abri. » En septembre 1939, il signera avec Jean Giono et Louis Lecoin un tract qui appelle à « la paix immédiate ». Lui, le militant antifasciste, se retire dès qu’il faut prendre une arme, même pour son camp. Ses diatribes – « les militaires sont la plus grande source de gaspillage, ils gaspillent du travail, de l’espace, de l’énergie, des minéraux rares, ils polluent les airs et les eaux » – montrent la force de ses convictions. « Il en coûterait cinq fois moins pour protéger la planète que pour continuer à préparer sa destruction… Réduction des dépenses d’armement jusqu’à leur intégralité…. » (in René Dumont, une vie saisie par l’écologie)
Oui Michel C, vous avez raison. Parallèlement au raisonnement que je tiens, il faut admettre le facteur chance. Deux fois au moins, lors de la crise de Cuba puis sous la présidence de Ronald Reagan, cette fois à cause semble t-il d’un malentendu, les choses auraient pu mal tourner et l’on ne doit pas l’oublier. Cela relativise effectivement pour une part ce que j’ai écrit.
On retrouve là d’ailleurs un phénomène fréquent en Histoire, le mélange de tendances lourdes et de faits ponctuels quasiment non prévisibles. Les faits naissent de la rencontre des deux et rendent toute prédiction bien délicate, au point que parfois, ceux à qui le futur donne raison n’avaient pas forcément mieux réfléchi mais ont eu simplement plus de chance.
Question délicate en effet. Comme tant d’autres.
D’entrée il nous faut admettre que la Boite de Pandore est ouverte. Il est trop tard !
Didier Barthès l’admet très bien , il dit qu’on ne les « désinventera pas ». C’est évident.
L’arme nucléaire a peut-être évité une 3ème guerre mondiale… qui sait ?
Je crois par contre que cette catastrophe a été évitée de peu (très peu …) à plusieurs reprises, et si je devais expliquer comment, je mettrais plutôt la chance en premier plan.
Tout ce que je peux dire là dessus, c’est que jusque là nous avons eu de la chance, jusque là tout va bien !
Et que je partage la conclusion de Didier Barthès.
C’est vraiment une question délicate.
Si assez naturellement, nous sommes tous effrayés par ce à quoi pourrait conduire l’utilisation de ces armes, et si nous serions prêts à nous en mordre les doigts pour ne pas avoir lutter contre elles, nous devons aussi voir d’autres aspects du problème.
Le monde a connu deux grands conflits mondiaux absolument effroyables sans ces armes et je crois pour ma part qu’un troisième conflit a été évité entre l’Est et l’Ouest justement du fait de la dissuasion qui assurait qu’il n’y aurait que des perdants. Je pense qu’on peut leur accorder ceci.
Il est vrai que, comme le souligne l’article, la dissuasion nucléaire ne répond pas efficacement à toutes les menaces et notamment pas à celle du terrorisme, doit-on pour autant en conclure qu’elle est inutile ?
Là aussi, je serais prudent.
Je crains que d’une façon ou d’une autre, abandonner ces armes ne revienne à livrer le monde au rapport de force démographique. Que pourrions-nous faire si des ennemis, peut-être moins bien armés, mais 20 fois plus nombreux voulaient soumettre l’Europe de l’Ouest ? Je crois qu’on ne pourrait rien faire, le nombre offrirait les clefs du pays.
D’autre part, si l’on peut éventuellement supprimer les armes nucléaires, quoiqu’il soit bien difficile de s’en assurer, on ne les « désinventera pas ». Leur théorie est bien connue désormais pas des dizaines de milliers de physiciens, les moyens de calculs d’un ordinateur de bureau sont aujourd’hui mille fois plus importants que ceux dont disposaient ceux qui ont conçus les premiers exemplaires et enfin, les machines outils modernes permettent de fabriquer les différents composants avec une précision inégalable. Seul la matière radioactive peut poser problème, mais là aussi, il y en a quand même en circulation du fait même de l’industrie nucléaire civile et de l’industrie militaire passée. Les appareils d’enrichissement sont aussi accessibles à des Etats.
Ceux qui se désarmeront seront donc toujours soumis à la menace même improbable. Imagine t-on les Etats-Unis par exemple devoir un jour se coucher devant un petit Etat voyou ou un groupe terroriste ? Cela me semble bien difficile à imaginer et pour tout dire pas souhaitable.
Je ne sais ce que sera le monde dans 200 ans mais pour ma part, aujourd’hui la suppression de ces armes ne me semble pas la priorité, mais si comme tout le monde je souhaite qu’un jour nous puissions nous en passer, sur une planète apaisé.