Arretons les faux semblants, allons droit au but.
Malthus était un écologiste avant la lettre, un démographe avant même que le mot ne soit inventé, un éducateur à une époque où le peuple était encore analphabète et même un ethnologue bien au fait des comparaisons culturelles internationales. Dans son essai sur le principe de population, il a analysé dès 1798 la tendance structurelle à une augmentation beaucoup trop rapide de la population humaine par rapport à la progression plus lente des ressources alimentaires, obligeant à la maîtrise de la fécondité humaine sinon on obtenait épidémies, guerres et famines. La portée de son message était telle que son nom est entré dans le dictionnaire : « Malthusien, qui est partisan des doctrines de Malthus… » Dans le Larousse encyclopédique du XXe siècle en 6 volumes (1931), on trouve cette précision : « Malthusianisme ou malthusisme (de Malthus, économiste anglais) : Diminution de la natalité par restriction volontaire (…) Il conseillait de s’abstenir de procréer pour éviter le paupérisme. » Tous ceux qui sont en faveur du planning familial pour choisir le nombre d’enfants qui convient aux possibilités de la planète, tous ceux qui ont milité pour la liberté de contraception et d’avortement, tous les socialistes qui sont pour l’épanouissement du genre humain, et bien sûr tous et toutes les féministes sont par définition malthusiens.
En face les natalistes ont le pouvoir depuis que la Bible a asséné son sacré « Croissez et multipliez-vous, dominez toute la terre », depuis que l’élite dirigeante estime qu’il n’y a pouvoir ni force que d’hommes, depuis que les marxistes ont dit que le problème c’était les capitalistes et certainement pas le nombre de la main d’œuvre servile, et depuis qu’une frange des décroissants mise tout sur la décroissance économique en ignorant le nom même de Malthus. Comme les partisans d’une population nombreuse n’ont pas d’arguments fiables à présenter face aux malthusiens, on attaque le messager Malthus pour ne pas écouter son message, on se complaît assez souvent à ne pas donner la parole aux malthusiens et, le plus fréquemment, on se contente de les agonir d’injures, traitant le malthusianisme de doctrine ignoble, de message nauséabond, de volonté dictatoriale…. Ces procédures de diversion les dispensent de justifier leur propre point de vue nataliste, l’agression vaut argumentation,
Autant dire que les deux positions sont viscéralement antagonistes, malthusiens contre natalistes et réciproquement. Il y a d’un côté des personnes sensibilisées à l’urgence écologique et connaissant notre état actuel de surpopulation. Ils souhaitent que soit mise en place une démographie responsable, à réfléchir au niveau des couples comme au niveau des États, ils souhaitent une conférence internationale du type COP (conférence des parties) sur la démographie. De l’autre il y a des croyants qui défendent la vulgate religieuse, des endoctrinés qui attendent le grand soir de la révolution prolétarienne, des populistes de droite ou de gauche qui aiment la chair à canon, des patrons qui se frottent les mains dès qu’il y a plus de naissances et plus d’immigrés (puisque cela veut dire une chute du salaire moyen). C’est un conglomérat nataliste assez étonnant puisque entre ces différentes idéologies, il y a le plus souvent incompatibilité totale.
Conclusion. Il faut être brutal avec les anti-malthusiens « par principe » car, de toute façon, on n’arrivera pas à les convaincre comme on n’arrive pas à raisonner des climatosceptiques ou des complotistes. Notre brutalité de malthusien n’est que relative, il suffit de les renvoyer aux conséquences de leur position, leur dire qu’être anti-malthusien, c’est être de fait nataliste et porter en soi tous les inconvénients du natalisme : « Vous ne voulez pas une maîtrise de la fécondité humaine, alors vous aurez les épidémies, les guerres et/ou les famines. »
Pour des gens qui seraient plus ouvert à la discussion, vous pouvez leur donner comme référence ce résumé de l’introduction de Jean Paul Maréchal aux textes de Malthus (Flammarion 1992) : « Pour certains, la cause est entendue. Malthus n’a pas vu la révolution industrielle et ses extraordinaires potentialités. Avec lui, l’économie politique est irrémédiablement la « science du lugubre » comme la désignait Carlyle après avoir lu l’Essai. Mais si l’on pense, au contraire, que la substance de l’Essai réside dans l’avertissement que la Terre constitue un espace clos et un fonds borné, alors Malthus précède d’un siècle et demi le Club de Rome et ses courbes exponentielles. La catastrophe démographique n’est pas survenue, non pas parce que la Terre pourrait nourrir n’importe quelle population, mais parce que, jusqu’à présent, le développement économique a pu suivre la croissance des besoins. Or, il apparaît depuis quelques années que cette expansion que l’on croyait indéfiniment perpétuable butte sur la double limite de l’épuisement des ressources naturelles et des capacités de régénération du milieu. Et l’on découvre, surexploitation pétrolière, micropollutions, pollutions globales et déforestation à l’appui, que la sphère des activités économiques est dépendante de la reproduction de la biosphère. Le principe de population resurgit là où on l’attendait le moins : dans l’air, dans l’eau et dans les sols. Malthus l’empiriste contre Ricardo le théorique prend une revanche qu’il n’aurait sans doute jamais imaginée. Au moment où l’homme met en péril les conditions de sa propre survie, Malthus rappelle la nécessité d’une pensée des limites, d’une interrogation de la finitude face à l’extension du royaume de la marchandise et à l’hybris techno-scientifique de cette fin de millénaire. »
Michel SOURROUILLE, malthusien et fier de l’être
Pourrait-on être un peu nataliste et beaucoup mortaliste et finalement par addition des 2, être malthusianiste?
Par mortaliste on pourrait entendre, laisser mourir: les vieux, les malades, les chômeurs, les prisonniers, les SDF, les non-vaccinés, favoriser les burn-out, les suicides, les guerres…
Il se pourrait même qu’un courant alternatif nommé « mortaliste de gauche » veuille laisser mourir: les milliardaires, les petits chefs, les politiciens de droite, et leurs électeurs…
Alors que les « mortalistes écologistes »…, les « mortalistes xénophobes », etc, etc, etc
Reste à choisir les bons moyens pour arriver à ses fins, ou pas! D’où la naissance des ultras, qui sont des « contre mortalistes de droite », ou bien des « contre mortalistes végan »…
Ces « contre mortalistes » seraient-ils finalement des natalistes? Les experts ne sont pas d’accord!!!
Bravo, super ! Je vois que vous avez tout compris.
En attendant, je suis fier de ne pas l’être… malthusianiste. 🙂
Plus sérieusement, quoi que. Et pourquoi ne pourrions-nous pas être anti-malthusien et anti-nataliste, et en même temps ? Et finalement, par addition des deux, être ni-ni tout connement. Ni-ni ou agnostique c’est comme ça vous arrange. Sur ce coup ce n’est pas moi qui te demanderais de choisir ton camp, camarade !
Par anti-nataliste on pourrait alors entendre, opposé à ceux qui voudraient toujours plus de bras, pour ramer, pomper, se battre etc. Et par anti-malthusien il faudrait alors entendre, opposé à toutes ces visions binaires, tous ces manichéens, tous ces dogmatiques, tous ces simplistes et autres simplets qui propagent des idées nauséabondes.