Martin Luther King n’était pas écolo

Le discours de Martin Luther King en 1963, Je fais un rêve (I had a dream), tranchait dans un contexte de racisme : « Je rêve que, un jour, notre pays vivra pleinement la réalité de son credo, tous les hommes sont créés égaux… Je rêve que, même en Alabama, les petits garçons et les petites filles noires, les petits garçons et les petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs. Je fais aujourd’hui un rêve. » Très bien, admirable ! Malheureusement Martin Luther King ajoutait : « Je rêve que, un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne sera abaissée, tout éperon deviendra une plaine, tout mamelon une trouée, et la gloire du Seigneur sera révélée à tous les êtres faits de chair tout à la fois. »

D’abord Luther King n’a pas encore compris que les humains n’ont pas besoin de passer par l’intermédiaire d’un Seigneur Dieu pour s’aimer les uns les autres en toute fraternité. Ensuite Luther King reprend l’idée d’une humanité maître et possesseur de la planète, qui peut aplanir l’espace (avec ses autoroutes), creuser le sol (pour en retirer les richesses), modeler la terre (pour en faire un jardin à la française). Il passe d’un idéal de fraternité au sentiment de toute puissance de l’homme. Martin Luther King vivait les tourments du racisme ordinaire, l’écologie était alors secondaire. Mais à l’heure de la détérioration de nos écosystèmes, il est dorénavant urgent de remettre en question notre statut de dominant, de rechercher l’humilité. Le souci porté aux non-humains et à l’intégrité de la nature ne dilue pas les droits de l’homme, il les élargit au contraire en donnant un surcroît de responsabilité. Sans doute les chrétiens ont-ils besoin qu’un nouveau sermon sur la Montagne définisse de nouvelles contraintes, indispensables pour vivre en bonne entente avec la Terre, et énonce les règles pour y parvenir. Les nouveaux croyants assimileraient la Terre à la Création divine, et sa profanation les tourmenterait. Je souhaite comme James Lovelock que les humanistes admettent que les droits de l’homme et ses besoins ne sont pas tout.

En janvier 2003, le président J.Chirac avait lancé les premières assises de la charte de l’environnement en formulant clairement la synthèse : « Aux côtés des droits de l’homme de 1789 et des droits sociaux de 1946, et au même niveau, nous allons reconnaître les principes fondamentaux d’une écologie soucieuse du devenir de l’homme ».