Michel Sourrouille, malthusien par nécessité

La démographie est à l’honneur chaque jour ce mois-ci sur ce blog puisqu’on va passer le cap des 8 milliards le 15 novembre. Toutes les personnes sans exception, en France ou ailleurs, devraient s’inquiéter du poids de notre nombre. Voici un texte envoyé par Michel Sourrouille.

« Pour fêter mes 75 ans aujourd’hui, voici quelques éléments qui peuvent vous permettre de mieux cerner ma conception personnelle sur la question démographique, L’année de ma naissance, la population mondiale était de 2,325 milliards, les statistiques pour 2047 prévoient 9,275 milliards d’êtres humains, soit une multiplication par 4 en un siècle. Insupportable. Comment nourrir suffisamment et faire vivre décemment 7 milliards de personnes de plus entre 1947 et 2047 ? Comment préserver la vie sauvage et les forêts primaires ? Impossible. C’est pour cela que je n’ai eu qu’un seul enfant biologiquement parlant, que j’ai propagé la pensée malthusienne au niveau politique et médiatique… et que je me suis engagé au sein de l’association Démographie Responsable. Une action individuelle n’est presque rien si elle ne s’accompagne pas d’un engagement collectif. »

Comment vous êtes-vous intéressé aux questions démographiques ?

Michel SOURROUILLE : « Comment s’est formé mon malthusianisme ? Progressivement, par accumulation de connaissances. En janvier 1971 je lisais dans « Partisans » un dossier, Libération des femmes, année zéro. Je prends quelques notes : « Du point de vue du danger, mieux vaudrait vendre les pilules dans des distributeurs automatiques et ne délivrer les cigarettes que sur ordonnance… L’utérus des femmes est la propriété de l’État… Actuellement en France à la suite d’avortements, il meurt tous les ans 5 000 femmes, 10 000 à 15 000 demeurent stériles à vie et 200 000 souffrent de maladies infectieuses… » C’était l’époque du MLF (mouvement de libération de la femme) : « Qui est le plus apte à décider du nombre de nos enfants ? Le pape qui n’en a jamais eu ? Le président qui a de quoi élever les siens ? Votre mari qui leur fait guili guili le soir en rentrant ? Ou bien vous qui les portez et les élevez ! » Je ressens déjà que la question démographique est très complexe et relève souvent d’injonctions contradictoires… »

En quoi concrètement la surpopulation va mener à la perte de la planète et par conséquence à la perte de l’humanité ?

Michel SOURROUILLE : « Mener à notre perte » dans le sous-titre de mon livre précédent ne veut pas dire que l’humanité va disparaître. Mais c’est un fait étudié par maintes études scientifiques que nous fragilisons par notre nombre et par notre emprise techno-économique les différentes composantes de la planète (climat, ressources renouvelables et non renouvelables, biodiversité…). La situation actuelle est telle que le support biophysique qui nous sert à assurer notre (sur)vie dans de bonnes conditions est en péril, et donc nous avec.

Quelle place tient l’économiste britannique Malthus dans votre pensée ?

Michel SOURROUILLE : « Ce sont mes études en faculté de sciences économiques à la fin des années 1960 qui m’ont fait découvrir Thomas Robert Malthus. Cet économiste et pasteur anglican a mis en évidence à la fin du XVIIIe siècle une sorte de loi démographique quand on laisse faire la nature : en l’absence d’obstacles, les couples peuvent en moyenne faire 4 enfants par génération, ce qui fait doubler la population tous les 25 ans. Par contre l’agriculture est contrainte par les rendements décroissants : « On n’obtiendra pas avec la même facilité la nourriture nécessaire pour faire face au doublement de la population. Lorsque tous les arpents ont été ajoutés les uns aux autres jusqu’à ce que toute la terre fertile soit utilisée, l’accroissement de nourriture ne dépendra plus que de l’amélioration des terres mises en valeur. Or cette amélioration ne peut faire des progrès toujours croissants, bien au contraire. » En conséquence, la population croit selon une progression géométrique très rapide et l’alimentation seulement comme une progression arithmétique bien plus lente. Comme la population augmente bien plus vite que les ressources alimentaires, il y a un déséquilibre qui se résout par des obstacles comme la famine, les épidémies et les guerres. Une seule solution, rationnelle, limiter les naissances… »

Cette prise de conscience des limites des ressources est souvent présentée comme inédite. Or, la pensée occidentale a toujours comporté un courant jugeant la prolifération démographique comme une menace. Et nous sommes en 2021…

Michel SOURROUILLE : La chronologie d’une idée est toujours affaire délicate. En matière démographique, sauf rarissimes exceptions, nous en sommes restés jusqu’à nos jours à l’aphorisme de Jean Bodin en 1576, « Il n’y a richesse ni force que d’hommes » ; cette conception implique qu’il ne faudrait jamais craindre qu’il y ait trop d’humains. C’est pourquoi « l’essai sur le principe de population » de Malthus était en 1798 une rupture par rapport à l’optimisme démographique. Il est d’ailleurs significatif qu’on ait eu besoin en France de faire rentrer le terme « malthusien »  dans notre dictionnaire ordinaire pour marquer une conception nouvelle par rapport aux termes « nataliste » et « populationniste ».

– Pourquoi ne pas privilégier le fait que le taux de natalité en France a baissé ces dernières années ?

Michel SOURROUILLE : Votre observation sur la baisse du taux de natalité (en France et dans d’autres parties du monde) ne veut pas dire que le taux d’accroissement démographique diminue. La population française continu d’augmenter et au niveau mondial le rythme d’accroissement conduit au doublement de notre nombre en moins de 70 ans. De toute façon, même avec une population stationnaire à un niveau donné, la question de fond subsiste : le poids du nombre d’humains en France ou dans d’autres territoires est-il compatible avec l’équilibre du milieu et la production durable de ressources ? La réponse est « Non » pour la majorité des territoires, la capacité de charge est dépassée. Par exemple aucune ville ne pourrait survivre sans l’apport des ressources alimentaires des campagnes. Au niveau mondial l’empreinte écologique de l’humanité est démesurée. Dit en termes simples, nous avons besoin de plusieurs planètes, ce qui est impossible, donc nous puisons dans le capital naturel, donc ce n’est pas durable.

Peut-on dire que la pression démographique a pesé sur l’émergence de la Covid 19

Michel SOURROUILLE : La fin des épidémies explique pour une part l’explosion démographique, mais la surpopulation implique des risques croissants d’épidémies. C’est ce qu’on appelle une causalité circulaire. La concentration humaine accentue les risques de contamination. Quand l’épidémie de peste noire éclata en 1347, on vit disparaître les deux tiers de la population européenne. La cause apparente, ce sont les rats qui ont transporté le bacille. Mais en y regardant de plus près on s’aperçoit que dans les deux siècles qui précédent l’épidémie, une expansion fantastique des villes avait eu lieu sans que soient préservées les nécessités hygiéniques minimales dans un espace au peuplement dense. Le bacille de la peste trouva ainsi un terrain favorable dans une situation de saturation urbaine. L’événement « rats » fut l’effet de seuil qui déclencha la catastrophe. Or on se réjouit de nos jours d’une population urbaine qui atteindrait bientôt plus de 80% sur l’ensemble de la planète, avec des mégalopoles de plus de 20 millions d’habitants. Ne peut-on penser que nous sommes, au niveau mondial, dans une situation assez proche de celle du XIVe siècle en Europe ?…Les pandémies se multiplient aujourd’hui. A l’heure où je boucle ce livre, nous apprenons que la ville de Wuhan, 11 millions d’habitants, et épicentre d’un début d’épidémie de coronavirus similaire au SRAS, a été mise en quarantaine jeudi 23 janvier 2020. La transmission de personne à personne a été établie. L’ensemble des moyens de transports publics, trains, avions, et bus et métros, ont été suspendus et les autoroutes menant à la ville ont été coupées. Les habitants ne peuvent plus voyager en dehors de la ville, « sans autorisation spéciale »… A population nombreuse, consommation de masse, production de masse dans des conditions désastreuses, risque croissant d’épidémies.

Pour lire le livre de Michel Sourrouille paru en octobre

Alerte surpopulation

Le combat de Démographie Responsable

https://www.edilivre.com/alerte-surpopulation-michel-sourrouille.html/

NB : Comme les libraires ne peuvent retourner leurs invendus, faites une commande ferme auprès de votre libraire de proximité, à défaut commandez à la FNAC.

 

10 réflexions sur “Michel Sourrouille, malthusien par nécessité”

  1. Ifop pour Ecologie Sans Frontière et Démographie Responsable
    Les Français et les questions démographiques (octobre 2022)
    Question : Vous savez que la population mondiale était de 3 milliards d’humains en 1960, et qu’elle va dépasser les 8 milliards avant la fin de l’année 2022, ce qui représente une augmentation moyenne d’un milliard d’habitants tous les 12 ans et demi.
    Diriez-vous que la planète est surpeuplée : OUI à 72 %, et 14 % de non réponse
    https://www.demographie-responsable.org/images/pdf/202210-sondage-ifop.pdf
    résumé ! https://www.demographie-responsable.org/sondage-2022.html

  2. Esprit critique

    – « Sauf rarissimes exceptions, nous en sommes restés jusqu’à nos jours à l’aphorisme de Jean Bodin en 1576, « Il n’y a richesse ni force que d’hommes » ; cette conception implique qu’il ne faudrait jamais craindre qu’il y ait trop d’humains. » ( Michel SOURROUILLE )

    Pour nous faire croire que nous pensons encore aujourd’hui comme au temps de Mathusalem, cette phrase de Bodin fait partie du catéchisme malthusien. Comme la fameuse injonction biblique «croissez et multipliez», qui n’est déjà que la traduction de X traductions et autres interprétations. Tellement que cette affaire est claire, encore aujourd’hui elle occupe bon nombre de spécialistes, qui n’ont certainement rien d’autre à faire. Tout ce qu’on sait, de cette histoire, c’est qu’au début ils étaient deux. Ce qui est déjà le minimum pour pouvoir se multiplier. Nous voilà donc bien avancés.
    Cette phrase de Jean Bodin est par contre plus facile à comprendre. ( à suivre )

    1. À l’époque (1576) la France comptait 16 millions d’habitants, son économie était essentiellement agricole, la prospérité de la nation reposait sur sa richesse, en or et autres métaux précieux. Et donc, en effet, plus il y avait de bras pour travailler, guerroyer, piller, voler etc. et plus la nation était riche. Misère misère.
      Heureusement ça fait déjà un bon moment, sauf rarissimes exceptions, que tout le monde sait que cette théorie (mercantilisme) ne tient plus. Ce qui bien sûr ne veut pas dire pour autant qu’en 2022 nous aurions tout compris. Aujourd’hui la richesse et la puissance d’un pays s’affichent en euros ou en dollars, en PIB, en nombre de machines, de robots, d’innovations etc. mais certainement plus en nombre de bras. ( à suivre )

    2. Le « implique [etc.] » n’est ici que l’interprétation que fait Michel Sourrouille de cette phrase de Bodin. Pour moi cette manière de procéder, récurrente, est elle-aussi révélatrice d’un certain dogmatisme. Ainsi, si j’ose remettre en question la notion de capacité de charge, ou de surpopulation… alors c’est que je refuse toute limite.
      Si je ne suis pas POUR, c’est que je suis CONTRE. etc. etc.
      Mon point de vue ? Ben non, je regrette.

  3. Tremblez donc, si ça peut vous faire du bien, en attendant

    – « Toutes les personnes sans exception, en France ou ailleurs, devraient s’inquiéter du poids de notre nombre. » (Biosphère = ?)

    Tremblez braves gens !!! On dirait là les harangues de ces prédicateurs d’apocalypse et autres prophètes de malheur. Et moi alors, si je n’ai pas envie de trembler, si je n’en ressens pas le besoin… qu’est-ce qu’il va m’arriver, hein ? Et puis comment devrais-je trembler, un peu, beaucoup, passionnément etc. ? Mais nom de dieu jusqu’où devrais-je trembler, m’inquiéter, me pourrir la vie ? Qu’est-ce que ça va changer que je finisse la mienne à gamberger ? Devrais-je en plus, et en même temps, m’autoflageller, pour bien faire ?
    – « Nous n’y pouvons pas grand-chose, aussi soyons stoïciens : ne nous cognons pas la tête contre les murs. En revanche vous pouvez déjà me régler la séance. » (Professeur Foldingue – La Décroissance novembre 2022)

  4. Avant d’évoquer la nécessité rappelons que ce que nous sommes, déjà à notre naissance, désirée ou pas, comme ce que nous devenons, n’est d’abord que le fruit du hasard.
    Michel Sourrouille est donc devenu malthusien d’abord par hasard. S’il n’était pas né dans une famille qui lui permette de faire des études, si à l’âge de 14 ans il avait été obligé d’aller au charbon, nécessité oblige… s’il n’avait pas rencontré Malthus, s’il ne s’était pas laissé séduire par cette «sorte de loi démographique», si ceci et si cela… alors ce Michel serait peut-être devenu Président de la Raie Publique. Et moi pareil, et pourquoi pas ? 🙂

    1. Comme d’autres sont frappés par la foudre, par une balle perdue ou n’importe quoi d’autre, c’est le hasard encore qui a voulu qu’il soit frappé par une sorte de révélation et se retrouve investi d’une Mission. Personnellement ça ne m’est jamais arrivé, j’en remercie le Ciel. De la même façon qu’il aurait pu devenir curé, imam, rabbin, pasteur ou autre genre de missionnaire, Michel Sourrouille est donc devenu malthusien. Et comme tout bon missionnaire qui se respecte, notre Michel passe son temps à porter la Bonne Parole, nous réciter son catéchisme, nous raconter les Lois Divines et patati et patata. Et c’est comme ça, c’est plus fort que lui, il a besoin de ça, pour lui c’est devenu une… nécessité. Comme je dis, à chacun sa came !
      En attendant, en ce qui me con cerne je ne la trouve pas bonne.
      Vraiment pas bonne ! Mais bon …

    2. Beaucoup désirent des allocs histoire de percevoir des rentes à la pontes qui permettent de fuir le travail ! Hors en toute logique ce sont aux parents de subvenir aux besoins de leurs progénitures et non pas l’inverse, les enfants générant des allocs pour subvenir aux besoins de leurs parents ! Bref, c’est un système esclavagiste !

      Historiquement les allocations familiales avaient pour objectif d’offrir un complément de revenus aux salariés à bas revenus, c’était pour relancer la natalité après la guerre. OR aujourd’hui ces allocs ne sont pas un complément de revenus, mais sont devenues des revenus entiers se substituant aux salaires, donc se substituant au travail, autrement dit on est bien dans un système esclavagiste, bref ce sont les travailleurs qui doivent prendre à charge les enfants des autres, autres parents qui glandent sur Netflix !

      1. Esprit critique

        Qu’est-ce que les allocs et Netflix viennent faire là ?
        Les parents doivent subvenir aux besoins de leurs progénitures, c’est entendu. On peut même dire que c’est une loi de la nature, il suffit de l’observer, un nid d’oiseaux par exemple. Seulement quand les petits sont capables de voler, de leurs propres ailes, ils deviennent alors des adultes. D’abord de jeunes adultes, et un jour des vieux. Chez les humains c’est un plus compliqué, l’âge adulte ne commence pas forcément, et surtout aujourd’hui, avec la pousse des dernières dents de sagesse. Pour dire, aujourd’hui l’adolescence peut même durer jusqu’à 40 ans, voire plus. (à suivre )

      2. Suite - Michel C

        Pour en revenir aux devoirs, des uns et des autres, l’être humain s’en est donc fait une certaine liste. Et il n’a évidemment pas attendu l’écriture pour se les fixer et se les imposer. Ces devoirs découlent de notre morale (construction sociale, certes), ils sont souvent devenus des lois. Et tout ça est ce qui fait notre humanité, c’est ce qui nous distingue donc des bêtes.
        C’est ainsi, par exemples, que nous DEVONS porter assistance à une personne en danger. Et que les enfants ONT OBLIGATION d’aider un parent qui n’est pas en mesure d’assurer ses besoins (manger, s’habiller, se loger, se soigner…) etc. etc. Seulement tout ça évolue dans le temps, selon les mœurs, la mode etc. Et ces temps-ci, je trouve que ça n’évolue pas trop dans le Bon Sens. Bien au contraire. Misère misère !

Les commentaires sont fermés.