Arnaud Montebourg se croit ministre de l’écologie et de l’énergie alors qu’il n’est que ministre du redressement productif : il détaille « sa feuille de route » de la transition énergétique dans LE MONDE*, en lieu et place de la ministre concernée, Delphine Batho. Voici quelques pensées de Montebourg dont on peut percevoir la vacuité, le vide sidéral :
Montebourg : « Nous allons tous devenir des producteurs d’énergie… »
Biosphere : L’association négawatt, dans son manifeste « réussir la transition énergétique », indique que tout scénario crédible se décline en trois temps : sobriété, efficacité, renouvelables. L’impératif de premier rang consiste à économiser l’énergie, pas à la produire, et surtout pas à escamoter la sobriété comme le fait Montebourg. Il faut dire que pour un socialiste, ce qui importe c’est l’abondance pour tous, certainement pas le partage de la pénurie. Delphine Batho, dont la feuille de route est celle qui résulte des travaux de la conférence environnementale et non des propos de Montebourg, campe pourtant sur les mêmes positions : on privilégie l’offre d’énergie et non la sobriété (appel d’offre sur l’éolien et sur le photovoltaïque, tarif d’achat de l’éolien)**. Dernier exemple, le député Jean-Paul Chanteguet, qui déclarait dans LE MONDE*** : « … La transition énergétique, c’est-à-dire la promotion des énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique ». Rien pour la sobriété chez les socialistes !
Montebourg : « Concernant le gaz de schiste, le président de la République a condamné la fracturation hydraulique destructive de l’environnement mais pas le gaz de schiste en soi. »
Biosphere : Pendant la conférence environnementale, Montebourg avait déjà jeté le trouble en déclarant qu’il fallait observer ce qui se faisait en matière de technologie d’exploitation des gaz de schiste. Il avait été recadré par Delphine Batho : « Aucun permis de recherche concernant les gaz de schiste ne sera accordé pendant le quinquennat* » (LE MONDE du 16-17 septembre). Montebourg insiste à nouveau dans cette tribune, il est vraiment incorrigible et surtout anti-écolo : le gaz de schiste, même s’il était exploité, n’est pas une ressource pérenne.
Montebourg : « Il est irréaliste de vouloir diminuer le nucléaire et le pétrole, tout en trouvant de l’argent pour financer les renouvelables ! »
Biosphere : Montebourg manie le non-sens. Car si on diminue l’argent consacré au nucléaire et au pétrole, on aura alors davantage d’argent pour les énergies renouvelables. Pendant des décennies, la France a montré que la toute puissance du nucléaire avait éliminé toute recherche d’énergies de substitution. Alors que Montebourg était candidat aux primaires socialistes, on aurait cru à une certaine fibre écolo. Par exemple dans Des idées et des rêves : «Lester Brown m’a ouvert les yeux, montrant à quel point l’écologie et l’économie sont liées. Dès lors, il n’est plus possible de penser l’une sans l’autre. » En fait, il s’agissait seulement d’opportunisme. Montebourg n’est pas une personne fiable.
Montebourg : « La transition énergétique doit être un moment de mobilisation nationale pour créer de nouveaux marchés et faire surgir de nouvelles technologies. »
Biosphere : Montebourg, un socialiste qui croit encore aux vertus du marché et aux technologies du futur : libéralisme et technophilie. Un type de droite n’aurait pas dit autre chose…
* LE MONDE du 18 septembre 2012, « Diminuer nucléaire et pétrole tout en finançant le renouvelable est irréaliste »
** LE MONDE du 18 septembre 2012, Delphine Batho : « Un projet mobilisateur »
*** LE MONDE du 14 septembre 2012, « Il faut accélérer la réforme du code minier »
Bonjour Biosphère,
votre lecture sélective de l’interview de Montebourg m’étonne.
Par exemple, vous tronquez sa première citation et lui reprochez de ne pas avoir déclaré précisément ce qu’il a dit dans la partie que vous avez tronquée. Je me permets de retranscrire dans son intégralité l’idée qu’il a développée :
« Nous allons tous devenir des producteurs d’énergie. D’abord en contrôlant la flux de consommation mais aussi en devenant chacun à notre échelle – famille, PME, exploitation agricole…- un lieu de création d’énergie – géothermie, éolien, solaire. »
Je veux croire à une maladresse de votre part et non une malveillance car non seulement il parle bien de maitriser et réduire notre consommation, mais en plus il dit clairement que c’est la priorité (« d’abord »). Ensuite, il reprend à son compte la revendication forte de la plupart des écologistes de sortir d’une logique de production centralisée par de gros ensembles pour entrer dans un système de petites unités de production décentralisées et localisées à proximité immédiate des lieux de consommation.
Enfin concernant le nucléaire, votre démonstration ne tient pas. D’une part parce que diminuer la production de nucléaire ne signifie pas forcément diminuer le budget qui y serait consacré (démentèlement, reconversion…) mais aussi parce que l’honnêteté intellectuelle nous force à reconnaître que même si on arrive à réduire notre consommation (ce qui ne peut malheureusement se faire que petit à petit), la diminution de la production nucléaire signifie une mutation importante donc couteuse du mix énergétique qui passe également parfois par l’importation d’une électricité (ce qui est déjà parfois le cas mais rarement actuellement, en cas de pics de consommation) plus chère.
Le raisonnement de Montebourg est donc en fait tout à fait logique. Il semble extrêmement difficile de réduire en même temps et dans des proportions importantes à la fois la production d’énergie nucléaire, le recours aux énergies fossiles tout en investissant massivement dans le renouvelable. Les énergies renouvelables n’étant malheureusement encore que très minoritaires et longues à développer, elles ne pourront permettre à court terme de compenser la réduction de la production nucléaire et la réduction du recours à l’énergie fossile (importer l’électricité allemande par exemple, produite avec des centrale à charbon), malgré une hypothétique baisse de consommation globale.
Peut-être que dans votre empressement à contredire Montebourg, vous êtes-vous arrêté un peu trop vite à une caricature de ses positions et expressions publiques, ce qui, pour vous dédouaner, semble être la mode depuis quelque semaines chez pas mal d’écologistes.
En espérant que ce commentaire, bien que vous apportant la contradiction, sera publié.
bien à vous.
Merci Lysandre d’avoir témoigné d’amabilité. Il est vrai que nous devrions tous être écologiste puisqu’il s’agit de sauvegarder l’équilibre avec notre milieu de vie, la biosphère. Cependant vos propos confirment notre jugement sur la mentalité socialiste, tout pour la production, presque rien pour la sobriété énergétique : « Même si on arrive à réduire notre consommation (ce qui ne peut se faire que petit à petit)… Hypothétique baisse de consommation globale. » L’expérience publique de l’ADEME (Foyers à énergie positive) et les efforts de quelques personnes en matière de simplicité volontaire montrent qu’il est possible de diminuer rapidement notre consommation d’énergie. C’est la volonté politique qui manque et nous attendions mieux de Montebourg qui nous avait semblé à une époque vouloir jouer le rôle de Jaurès de l’écologie. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, malheureusement.
NB: à une époque, nous avions dit le plus grand bien de Montebourg sur ce blog…