Editorial du « Monde »* : « Mourir dans la dignité… C’est ce difficile débat que les députés vont engager à l’Assemblée nationale, mardi 10 mars… Des médecins, mais aussi les responsables des trois grandes religions redoutent que le droit à la sédation en phase terminale constitue un pas de plus sur la voie, inacceptable à leurs yeux, de l’euthanasie… Le texte qui vient en discussion fait preuve d’une salutaire sagesse… Résultant d’un processus de concertation minutieux – mission confiée au professeur Didier Sicard, réflexion demandée au Comité consultatif national d’éthique, consultation d’un panel de citoyens –, il renforce le droit des patients… »
Sur le monde.fr, les commentateurs sont cinglants par rapport à cet éditorial bâclé :
Dominique Durin : Cet éditorial est un naufrage moral pour un journal dont on attendrait plus de courage. La France gâche ses chances de permettre à ses citoyens de conserver dignité et intégrité morale dans les circonstances les plus douloureuses. Les éditorialistes ont choisi d’écouter les représentants des trois « grandes religions » plutôt que les paroles lumineuses de Fabienne Bidaux, plutôt que la leçon qui elle était vraiment pleine de sagesse de « Quelques heures de printemps ».
Claude DOUCET : Je ne sais pas ce que signifie une « sagesse salutaire » sinon une volonté de ne pas décider. On risque une fois de plus de laisser les soignants, les familles et surtout les souffrants sans solution. On va mettre tout le monde devant un écran pour que chacun puisse voir par technologie interposée toutes les formes d’agonie. Certaines familles vont y voir la loi de Dieu et y assisteront par conviction. Mais le futur mort aura des raisons solides de tous les détester ici et maintenant.
Jean-François Profizi : Editorial hypocrite au nom d’une prétendue sagesse. Tous les sondages donnent 95 % de gens favorables au droit de mourir pour ceux qui le souhaitent (pas pour les autres, ils ont le droit de s’accrocher à ce qu’ils appellent la vie !) : aucun sujet ne suscite un tel consensus. On choisit de donner à une petite minorité un insupportable droit de veto. On aurait pu, au moins, supprimer du Code pénal la punition de l’aide (même sous forme de conseil ) apportée à une personne qui veut se suicider.
J.J. De Rette : Cet édito est une calamité malhonnête, il fait par exemple croire que la loi reprend les préconisations du professeur Didier Sicard ou des consultations citoyennes toutes adeptes d’une exception d’euthanasie totalement absente de la loi.
philippe SOPENA : Mieux vaut lire les textes avant d’éditorialiser. Contrairement à ce qu’écrit Le Monde la « sédation profonde » se limite aux seuls cas où le pronostic vital est engagé à court terme. Ce n’est donc pas le droit du malade de choisir, s’il le souhaite, une « fin de vie digne » mais simplement une «agonie » moins inconfortable et moins longue. Les Députés devront dire si « court terme » cela signifie 1 jour? 2 jours? 1 semaine? ou plus? On est loin de l’engagement de F.HOLLANDE (proposition 21).
Anna : Lamentable éditorial célébrant la lâcheté du gouvernement. C’est bien sur cette promesse 21 que les électeurs attendaient Hollande. Au lieu de célébrer cette reculade, l’éditorialiste devrait plutôt blâmer que la mort désirée par l’individu, seul à même de juger s’il veut, étant malade, continuer ou non sa vie (on n’oblige pas les autres!) sera permise aux plus riches qui iront en Belgique ou en Suisse, et que les sans-dents attendront comme d’habitude, exactement comme pour l’avortement jadis!
Françoise : Cet éditorial me semble consternant ! Où est la sagesse ??? Je pense plutôt qu’il s’agit ici de ne pas heurter les sensibilités religieuses et les autorités des différentes religions qui se sont toutes retrouvées, unies, pour faire barrage à toute avancée dans le domaine de la fin de vie.
PE SANTAMARIA : En quoi les représentants des trois grands religions sont ils concernés ?? Les religions inventées il y a 5 000 ou 2 000 ou il y a 1 400 ans sont le reflet de civilisations anciennes !! On est aujourd’hui et maintenant !!
Patrick RABAIN : Un sujet difficile, des décisions à prendre irréversibles, et donc il faut calmement des évolutions minuscules tous les dix ans. Ceux qui veulent faire la révolution attendront.
J.J. De Rette : Ils auraient dû faire pareil pour l’avortement, on aurait commencé par autoriser la suppression des pieds et on serait remonté petit à petit. À cette heure nous en serions au nombril, mais serein hein, serein.
Hannibal : Je crains que beaucoup de cette réflexion sur la mort ne soit horriblement faussée par le fait que la plupart des vivants qui s’y livrent ont peur justement de mourir. Comment rester relax avec pareil handicap? La mort c’est surtout la vie de ceux qui restent qui est considérée comme principal critère. Un tel débat devient la lutte des égoïsmes survivants. C’est scandaleux. Et comment qu’il s’en moque, de la mort, le mort.
Claude STENGER : Ainsi, même sur cet engagement que nul environnement international défavorable, nulle conjoncture économique ne rendaient difficile à mettre en oeuvre, en faveur duquel l’opinion publique s’est régulièrement prononcée, le PS aura fait plus de déçus que de satisfaits. Et on sait que sur cette question, ce n’est ni de l’UMP ni du FN qu’il faudra attendre mieux. Merci à nos voisins belges et suisses d’être plus civilisés que nous !
Roland Douhard : Vu de Belgique, la législation française n’est pas à la hauteur d’un Etat laïque. Ma soeur, Andrée, livrée à une souffrance sans nom, due à un cancer qui la condamnait à une mort certaine, a choisi, le 10 juin 2011, au CHU de Liège, d’être euthanasiée. Nous étions là, à ses côtés, et nous l’avons entourée de notre amour jusqu’au bout. Grâce à la loi belge, face à la maladie, elle est partie dignement, comme elle le voulait, et a pu triompher d’elle en exerçant son libre arbitre.
* LE MONDE du 11 mars 2015, Loi sur la fin de vie : une sagesse salutaire
http://lemonde.fr/idees/reactions/2015/03/10/loi-sur-la-fin-de-vie-une-sagesse-salutaire_4590614_3232.html
Clays et Leonetti nous mentent
Ils parlent de gens qui dorment « gentiment » sous sédation profonde. La réalité, c’est la mort par épuisement de l’organisme, de faim, de soif avec (quand le corps médical l’accepte) un produit qui fait dormir le mourant et ça peut durer longtemps. Mon père a cessé toute ingestion de nourriture 2 mois avant sa mort et a mis 3 semaines sous sédation avant de décéder après avoir perdu 30 kg. Quel utilité/intérêt pour lui et pour les proches ?
(Commentaire de gsta à l’article comment j’ai suicidé mon père sur lemonde.fr)
« Comment j’ai suicidé mon père »
La loi Léonetti exclut explicitement le suicide assisté et l’interruption du processus vital des personnes en fin de vie. Judith Ascher a adressé au MONDE le récit de la mort de son père. Récit résumé :
« Lorsque l’agonie de mon père débuta, il nous fut impossible d’obtenir la sédation, le médecin coordinateur du réseau de soins palliatifs refusant d’administrer les sédatifs nécessaires… Mon père savait que le droit à une sédation était encore sujet à discussion chez les médecins, et il craignait cette situation. Quelques jours avant de tomber dans le coma, il m’avait même demandé de « chercher une alternative »… Alors que mon père vomissait des quantités impressionnantes d’une bile noire et malodorante, nous dûmes nous résoudre à essayer de mettre nous-mêmes directement fin à ses souffrances… Mon père en était à son quatrième jour d’agonie, son dixième réveil et sa onzième mort. Je me souviens encore de ses yeux, de son regard, qui imploraient une aide à mourir qui ne venait pas… Nous rencontrâmes un médecin de quartier humain et compréhensif, qui nous demanda de préciser quelle aide nous attentions de lui : suicide assisté ou sédation. Nous choisîmes la sédation, pour respecter les directives anticipées de mon père… Lorsque des directives anticipées existent, elles doivent être respectées, et aucun médecin ne doit pouvoir s’y opposer. »
(Le Monde.fr | 12.03.2015)
Fabienne Bidaux, le dernier voyage avec Dignitas
Fabienne Bidaux, dévorée par un cancer généralisé, s’était confiée au Monde*. « Je n’ai pas pris cette décision d’aller mourir en Suisse par caprice ou mauvaise humeur » (…)« C’est parce que j’aime la vie et que je la respecte que je souhaite mourir de cette manière », lance-t-elle. « Se suicider, c’est quelque chose de violent, disait-elle. Je m’en sens techniquement incapable. » Sa hantise ? Mourir dans des conditions « ignobles », dans une agonie semblable à celle qu’avait connue l’un de ses amis, atteint d’un cancer des os. « Il gémissait de douleur et vomissait ses selles. Malgré la morphine, j’ai eu le sentiment qu’on l’avait livré à la douleur et à la maladie. ». « A quoi sert de vivre longtemps si c’est pour être alité ? On vous soigne d’un côté, on vous tue de l’autre. Cela valait-il le coup de vivre dans ces conditions ? Arrêter tout traitement m’a permis de me détacher de la maladie. J’ai eu l’impression de ne plus en être victime. »
Fabienne Bidaux a posté sa demande de rendez-vous à l’association d’assistance au suicide Dignitas. « Paradoxalement, remarque-t-elle, Dignitas, l’association qui va provoquer ma mort, m’a sauvé la vie. Savoir que cette solution existait m’a permis de vivre ces derniers mois avec joie et légèreté. » Elle rédige un récit de vie, explique pourquoi elle souhaitera un jour en finir, envoie une copie de son dossier médical, s’acquitte des différents frais. Au total, près de 8 400 euros. « Cela serait moins cher si c’était en France », regrette-t-elle. « J’aurais préféré pouvoir mourir dans mon pays ». Après avoir absorbé une boisson létale, Fabienne Bidaux est morte à 12 h 40 le lundi 16 février 2015 : « Sereine, apaisée et souriante, entourée des gens qu’elle aimait ».
* LE MONDE du 10 mars 2015, le dernier voyage