Voici quelques extraits de la pensée de Nicolas Hulot :
Je pataugeais à la fin des années 1980 dans le dossier réchauffement de la planète, gaz carbonique, fonte des glaces polaires. Je pataugeais puisque les scientifiques n’étaient pas d’accord, rappelons-nous Claude Allègre. Qui savait que, en France, l’agriculture constituait la deuxième source d’émission de gaz à effet de serre ? Mais le doute doit profiter à la prévention. Non pas sceptiques mais vigilants. Non pas ironiques mais prévenants. En 2014 ma conviction est faite, on a rendez-vous avec l’Histoire ! Maîtrisons les rejets de gaz carbonique. Je revenais de Dakar, où la population double tous les dix ans, en grande partie en raison des migrations qui découlent de la désertification. Où ces gens finiront-ils par aller ? Vers le nord, logiquement et légitimement. Le principal danger du réchauffement climatique est géopolitique. Je veux crier que le réchauffement climatique n’est pas une simple crise que le temps effacera. Il est l’enjeu qui conditionne tous les enjeux de solidarité auxquels nous sommes attachés. Il affecte ou conditionne tout ce qui a de l’importance à nos yeux. Osons affirmer que la crise climatique est l’ultime injustice. Elle frappe d’emblée les plus vulnérables : les populations qui, non seulement n’ont pas profité de notre mode de développement, mais qui en subissent le plus les effets négatifs. Développement qui s’est fait parfois sur leur dos, en utilisant leurs ressources naturelles et leurs populations. En janvier 2017, j’énonce quelques vérités dans les colonnes du MONDE. La sortie des énergies fossiles doit être la clé de voûte du moteur économique de demain… Si nous voulons atteindre l’objectif de contenir le réchauffement climatique, il faut renoncer à exploiter les trois quarts des réserves d’énergies fossiles… Les dirigeants n’ont pas encore réalisé que, pour atteindre les objectifs de neutralité carbone en 2050, il faut des révisions d’investissement fondamentales… Il serait aléatoire d’espérer atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre si nous nous accommodons du fait que des millions d’hectares soient dégradés chaque année, restituant simultanément des millions de tonnes de CO2… La lutte contre le réchauffement climatique devient une nécessité de plus en plus concrète, les effets se font déjà sentir.
Devenu ministre, j’ai présenté le 6 juillet 2017 un plan climat : « Ce n’est pas un sujet qui spontanément passe toujours au premier plan dans l’écran radar. Notre responsabilité, c’est de faire que ce sujet prime sur tous les autres. » J’annonce la fin de la commercialisation des voitures roulant à l’essence ou au gazole en France d’ici 2040. Une « prime de transition » sera proposée pour remplacer les voitures à essence d’avant 1997 ou à diesel d’avant 2001. Afin d’associer directement les Français aux actions sur le climat, j’avais aussi annoncé un projet de budgets participatifs. A travers « Mon projet pour la planète, » les citoyens sont invités à proposer des projets dans les domaines de l’énergie, de l’économie circulaire et de la biodiversité. Les résultats de la consultation seront connus en juin. Dans ce cadre, un collectif de monnaies locales a déposé un projet de monnaie numérique pour « lutter concrètement contre le dérèglement climatique ». Il s’agit de promouvoir l’achat local pour diminuer les déplacements. Mais le montant consacré à « Mon projet pour la planète » est seulement de trois millions d’euros.
Le 8 septembre 2017, lors du « 20 heures » de France 2, j’ai commenté les conséquences du changement climatique au travers de l’ouragan Irma. Le pire est devant nous. Le changement climatique et ses conséquences migratoires relèvent de ce que j’appelle l’ultime injustice. Elle frappe et va mettre en péril les conditions d’existence des générations à venir niais que des personnes qui ne sont pas responsables de la situation. Nous sommes en train de réaliser que les premiers impacts migratoires que nous avons subis aux portes de l’Europe (et je dis cela sans cynisme) sont un échantillon de ce qui peut nous arriver si les changements climatiques se combinent aux autres causes d’exode. Au risque d’un certain raccourci, je crois que l’intégrisme est le refuge de certains exploités. Il y a un moment où on touche les limites, où l’événement nous dépasse. Ce sont toujours les hommes, les femmes, les enfants les plus vulnérables qui sont atteints. La multiplication et l’intensification des extrêmes climatiques va aussi poser des problèmes sur les îles océaniennes de basse altitude dans le Pacifique. Il va falloir tout mettre en œuvre pour aider les habitants de ces îles. Ce qui est l’exception dans beaucoup de domaines, y compris chez nous la canicule, va devenir parfois la norme. A force de nier la réalité, elle nous rattrape et on n’est pas forcément prêt. Que tout ça nous serve de leçon, on n’en fera jamais assez. Ne nous divisons pas sur ces sujets-là, réunissons toutes nos intelligences, tous nos moyens et c’est pour longtemps. Ce que m’inspire cet événement, c’est que ça nous confronte d’abord à notre vulnérabilité et aux limites de notre vieille condition humaine. Souvent, on dit que tout ce qu’on fait, c’est pour protéger la planète, mais c’est bien pour protéger l’humanité.
Mars 2018. Depuis plusieurs mois, je discute avec Emmanuel Macron du projet de trouver une place dans la Constitution pour la lutte contre le réchauffement climatique. Il s’agirait de compléter l’article 34 consacré au champ d’action du législateur à propos des « principes fondamentaux de la préservation de l’environnement ». Dès septembre 2017, j’avais échange avec association WWF et officialisé cette intention lors de mes vœux de nouvelle année 2018. Rien n’est encore déterminé définitivement. Pour certains l’article 1er paraît plus adapté à l’immensité de l’enjeu. Pour d’autres, limiter la constitution au changement climatique pourrait occulter le fait qu’il s’agit en fait de préserver globalement l’intégrité de l’écosystème Terre dans toutes ses dimensions. Devant le Congrès des Etats-Unis, Emmanuel Macron a plaidé le 25 avril 2018 pour l’environnement en répétant sa formule « Make our Planet Great Again » assenée après la décision de Donald Trump de retirer les Etats-Unis de l’accord de Paris, le 1er juin 2017. Il faisait ainsi une allusion directe au slogan de campagne du président des Etats-Unis – « Make America Great Again ». Pour le président de la république française, il n’y a pas de « planète B » qui dispenserait les États de s’attaquer aux périls liés à l’environnement. Est-ce un leurre à visée médiatique ou une véritable conversion à l’écologie ? Aux lendemains d’un quasi-écrasement de toute opposition au parlement pendant tout un quinquennat, Emmanuel Macron va porter une lourde responsabilité dans l’avenir de nos générations futures.
Ces extraits ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective…
Chaque jour vous aurez un nouvel extrait sur ce blog biosphere jusqu’à parution intégrale d’un livre qui a été écrit en prévision de la démission de Nicolas de son poste de ministre de l’écologie. On ne peut avoir durablement un ministre voué à l’urgence écologique dans un gouvernement qui en reste au business as usual…