Nicolas Hulot et le NUCLÉAIRE CIVIL

Voici quelques extraits de la pensée de Nicolas Hulot  :

Que faire dans un gouvernement pro-nucléaire ? C’était début juillet 2017. Fraîchement nommé ministre de la transition écologique et solidaire, j’annonçais sur RTL qu’il faudrait fermer « peut-être jusqu’à 17 réacteurs nucléaires » d’ici à 2025 pour faire descendre la part de l’atome dans la production électrique française à 50 %. Mi-juillet 2017, j’en appelle à EDF pour accompagner la révolution énergétique en cours. Pour diminuer réellement la part du nucléaire, il faut remettre les choses à plat, engager des trajectoires planifiées notamment sur un plan social et économique. On ne peut fermer des centrales sans prendre en compte la réalité des emplois. Nous devons modéliser les scénarios et construire ces trajectoires de transition.

Or Emmanuel Macron est pronucléaire, comme tous les présidents antérieurs, droite et gauche confondus : « Le réchauffement climatique est d’une actualité pressante. Grâce à utilisation de l’énergie nucléaire, la France est parmi les pays les plus décarbonés des pays développés. » Mais dans le programme du présidentiable Macron, il était aussi écrit : « Nous réduirons notre dépendance à l’énergie nucléaire, avec l’objectif de 50% d’énergie nucléaire à l’horizon 2025. Nous prendrons nos décisions stratégiques une fois que l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) aura rendu ses conclusions, attendues pour 2018, sur la prolongation des centrales au-delà de 40 ans. La fermeture de la centrale de Fessenheim sera confirmée. Elle interviendra au moment de la mise en service de l’EPR de Flamanville. » L’idée macroniste de considérer « en même temps » la sortie du nucléaire et sa relance pose un problème de fond, une politique énergétique est un exercice de longue haleine. Devenu ministre de l’écologie, je cultive désormais la même ambiguïté. Au lendemain de ma nomination, j’avais déclaré que la part du nucléaire en 2025 devait être de 50 % « et en même temps » que la démonstration se fera peut-être, chemin faisant, qu’on peut aller au-delà de 50 %, ou au contraire que le développement des énergies renouvelables est plus lent que prévu. Or la plupart des cinquante-huit réacteurs du parc hexagonal ont été mis en service entre la fin des années 1970 et celle des années 1980. Ils approchent donc du seuil de quarante ans d’exploitation, la durée de vie pour laquelle ils ont été conçus. D’ici à la fin du quinquennat en cours, vingt-trois d’entre eux auront atteint cet âge. Il faut donc de toute urgence savoir décider. C’est compliqué.

Que l’on soit pour ou contre le nucléaire, chacun doit être d’accord que l’on ne doit pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Il faut rééquilibrer le mix énergétique et cela donnera une liberté et une indépendance plus grandes à la France. Il faut combiner plusieurs impératifs, ne pas se mettre dans une situation de rupture de stock. L’hiver dernier, nous sommes passés à deux doigts de la catastrophe, c’est pourquoi j’ai dans la loi hydrocarbures pris des dispositions sur le stockage de gaz. L’horizon énergétique pour 2025, c’est seulement une date « butoir », symbolique. D’ailleurs j’avais aussi évoqué 2030, 2035… les échéances ne sont que fictives, politiquement déterminées, pratiquement sans effet. J’étais tenu par les diktats d’EDF, la défense de l’emploi, les 70 % de l’électricité provenant des 58 réacteurs français. Je voulais prendre en compte l’ensemble des critères (climatiques, énergétiques, sociaux, ou encore la sûreté des centrales), étudier la faisabilité des fermetures pour mettre l’État, cette fois-ci, en situation de tenir ses objectifs. Je voulais faire la jonction avec l’ensemble de la société, mais j’étais bien seul au ministère. J’ai donc été pris au piège du politique obligé de faire des compromis. Il faut dire que je suis arrivé dans une situation où le gouvernement Hollande avait brassé de l’air. Je pensais naïvement en arrivant à mon poste qu’un plan pour réduire à 50 % de nucléaire dans la production électrique avait été prévu dans la foulée de l’adoption de la loi de transition énergétique en 2015. Mais rien n’avait été concrètement mis en œuvre, au cours du mandat précédent ! La loi sur la transition énergétique avait été une course de lenteur. C’est à l’image de beaucoup de choses pendant les cinq ans du gouvernement socialiste : tout a été fait pour gagner du temps. Il m’a fallu bien du courage pour annoncer le 7 novembre 2017 à la sortie du conseil des ministres que l’objectif de 50 % était irréaliste. J’ai même subi les foudres de la FNH, l’association que j’avais moi-même fondé. Auparavant, sur le CETA ou encore les perturbateurs endocriniens, l’ONG avait attaqué le gouvernement ou le chef de l’État, mais jamais son créateur et ancien président.

Janvier 2018, lors de mes vœux à la presse. Promis, le gouvernement sera très précis sur les réacteurs qu’il faudra fermer dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Les objectifs seront bien «tenus», y compris les 50% de nucléaire dans le mix électrique… mais pas d’ici à 2025. Parce que si l’on ferme des réacteurs sans avoir réussi à développer les énergies renouvelables et après avoir fermé les centrales à charbon, le risque existe de difficultés d’approvisionnement. J’explique dans le quotidien LE MONDE qu’il faudra dans la PPE établir un calendrier précis, avec le nom des réacteurs qui vont fermer. Mon scepticisme sur le nucléaire ne fait pas l’unanimité dans l’exécutif, loin de là. Il semble donc de plus en plus improbable que la France ferme d’autres réacteurs que Fessenheim pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron. Mais si je n’étais pas au gouvernement, on serait reparti pour la construction de deux EPR. Du 19 mars au 30 juin 2018, il y aura débat public national sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour dix ans. Paradoxal, voire virtuel, car les éléments soumis à la discussion escamotent la question centrale du nucléaire. Le mot « nucléaire » n’apparaît même pas dans mon éditorial qui introduit ce document. Tout au plus est-il écrit que « le rythme de fermeture des réacteurs nucléaires doit être cohérent avec l’évolution de la demande [d’électricité] et de la dynamique de progression des énergies renouvelables et du parc thermique ». La liste nominative des fermetures de réacteurs ne devrait pas y figurer, contrairement à mon vœu initial. Aujourd’hui c’est la vision pronucléaire du président de la République et de son premier ministre qui prévaut. Je m’aligne. Interrogé le 13 mars 2018 sur France Inter, je botte en touche : « 50 %, c’est un moment de vérité. Si on y arrive, on pourra peut-être aller plus loin. Si on n’y arrive pas, ça veut dire que, peut-être, il faudra garder un peu plus longtemps la part du nucléaire à un niveau élevé. »

1 réflexion sur “Nicolas Hulot et le NUCLÉAIRE CIVIL”

  1. Ces extraits ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective…

    Chaque jour vous aurez un nouvel extrait sur ce blog biosphere jusqu’à parution intégrale d’un livre qui a été écrit en prévision de la démission de Nicolas de son poste de ministre de l’écologie. On ne peut avoir durablement un ministre voué à l’urgence écologique dans un gouvernement qui en reste au business as usual…

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