Le titre est alléchant, la problématique osée. Le Monde du 24 décembre s’interroge gravement : « Les enfants sont-ils trop gâtés à Noël ? » Malheureusement l’article ne nous fournit aucune réponse. Tout ce qui importe pour la journaliste, c’est « de conserver la magie de Noël ». Pourtant c’est évident, les enfants sont trop gâtés à Noël ; ils ont complètement oublié avec leurs parents que le Christ est né dans la plus pauvre des conditions. Le véritable message de Noël est celui du partage, certainement pas cette outrance des marchands du Temple qui nous proposent leurs gadgets plus ou moins soldés. Tout aussi grave est cette illusion constante quant à l’autonomie souveraine de l’enfant : « Faire plaisir à leurs enfants (…) Attention portée aux attentes de l’enfant (…) Il faut respecter les désirs de l’enfant (…) Faire émerger ses vrais désirs » (…) Faire confiance aux bambins ». C’est seulement en une fraction de seconde que l’article de Martine Laronche révèle que les enfants sont en fait les petites victimes du marketing qui transforme le père Noël en fournisseur d’un bon de commande validé par l’industrie du jouet. Les fondements psychologiques de notre comportement reposent sur des enfants à l’image de leurs parents. Cette continuité est la marque d’une socialisation réussie. Sinon parents et enfants sont à la merci du système marchand. Crise ou pas, l’infantilisation des masses jeunes et adultes se poursuit donc à chaque Noël.
Comme d’habitude, il faut que je retrouve mes anciennes lectures pour savoir que les enfants sont trop gâtés à Noël. Dans le numéro 3 de janvier 1973 du mensuel la Gueule ouverte, je peux lire ces mots devenus iconoclastes aujourd’hui : « Le Père Noël est un des pires flics de la terre et de l’au-delà, le Père Noël est le camelot immonde des marchands les plus fétides de ce monde. Les marchands de rêve et d’illusion, véritables pirates des aspirations enfantines, colporteurs mercantiles de l’idéologie du flic, du fric, du flingue… Face à la grisaille géométrique des cités-clapiers, bidonvilles de la croissance, face aux arbres rachitiques, aux peuples lessivés, essorés, contraints, s’étale la merde plaquée or-synthétique, la chimie vicieuse des monceaux de jouets, un dégueulis de panoplies criardes, avec, derrière la porte capitonnée le ricanement malin des marchands. Noël est une chiotte ignoble, et on va plonger nos gosses là-dedans ? Mais faut bien faire plaisir au gamin ! Par ailleurs ces jeux sollicitent de plus en plus de consommation électrique. Allez, tenez, on va fantasmer un peu : bientôt pour construire des centrales nucléaires, l’EDF s’adressera à nos gosses et leur proclamera la nécessité de l’atome pour fournir de l’électricité à leurs jouets !
Mais quelles sont les tendances d’enfants élevés dans un milieu naturel et n’ayant pas à souffrir du poids des divers modes d’intoxication ? Ils courent, ils jouent dans les flaques, se roulent dans la boue, ou tentent de percer les mystères de « papa-maman ». Ils vivent, pensent, créent. Refouler ces pulsions naturelles est donc le but criminel de notre société. Sauter à la corde ou jouer au ballon devient un exploit quasi contestataire sur des abords d’immeubles transformés en parking. Le système des marchands au pouvoir a dit : J’achète le Père Noël. Les marchands tuent l’enfant, tuent les parents, tuent le jouet ». Devant la clarté du propos, je n’ai rien à ajouter. Si ! Quand un jour quelconque de l’année, car il n’y a pas de journée spécifique pour faire plaisir en éduquant, j’ai offert un puzzle à ma petite-fille de 2 ans et quelques mois, ce qui l’a le plus intéressé n’était pas les cubes du puzzle, mais la ficelle autour du paquet. Alors nous avons joué ensemble avec la ficelle, car l’essentiel n’est pas dans la valeur du jouet, mais dans le fait de jouer avec les enfants, adultes-jeunes réunis autour de la manipulation d’un objet qui n’a de valeur que celle qu’on lui accorde plus ou moins librement.
Merci pour votre article qui semble conforter une certaine tendance… le retour aux sources. Dans ma familles, les noëls sont coûteux. Ils ne sont que faste pour la plupart du temps. C’est la course au plus cher, au dernier cri, à l’unique. Le pire dans tout ça c’est qu’on passe notre temps à faire les boutiques car on ne sait jamais quoi prendre. Du moment qu’on prend un truc coûteux, ça nous « lave » de notre absence d’imagination.
Cette année dans ma famille où tout n’est que matérialisme, course à la dépense, on a décidé de ne pas se faire de cadeau, mais juste de faire un bon repas entre nous. Tout le monde va apporter quelque chose et finalement c’est ça le plus important : partager ensemble un bon moment 😉