NON au téléchargement de musique, pour notre bien à tous

Quand on vit apparaître les pianos mécaniques mus par des rouleaux perforés, nous pouvions entendre à domicile les meilleurs interprètes exécutant les grandes œuvres mieux que des amateurs attachés à leur piano. Ce fut un gain apparent et une perte cruelle, « désormais le bourgeois achète plus volontiers une chaîne hi-fi qu’un piano ». LE MONDE* ajoute : « La technologie a détrôné la pratique musicale ». Aujourd’hui on rencontre un peu partout des zombies, jeunes pour la plupart, des écouteurs dans les oreilles, bercés par des sons dont ils sont esclaves. Le PS dit vouloir supprimer les courriels d’avertissement envoyés aux internautes qui téléchargent illégalement, première étape de la procédure mise en œuvre par la loi Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet). Pure démagogie ! Un socialisme digne de ce nom ferait en sorte que les jeunes s’épanouissent dans des chorales et/ou dans la maîtrise individuelle et collective d’un instrument de musique. La pratique musicale doit remplacer la musique électronique.

Un socialisme responsable devrait être à l’écoute d’Ivan Illich** : « Je plaide pour une renaissance des pratiques acétiques, pour maintenir vivants nos sens, dans les terres dévastées par le « show » J’ai écrit ces essais au cours d’une décennie consacrée à cultiver le jardin de l’amitié au sein de cet Absurdistan et avancer dans la pratique de l’askêsis. Par askêsis, j’entends la fuite délibérée de la consommation quand elle prend la place de l’action conviviale. C’est l’askêsis, non pas le souci que j’ai de ma santé, qui me fait prendre les escaliers malgré la porte de l’ascenseur ouverte, me fait envoyer un billet manuscrit plutôt qu’un e-mail, ou me conduit à essayer de trouver la réponse à une question sérieuse avant de consulter une base de données pour voir ce qu’en ont dit les autorités.

De plus, toute activité humaine médiatisée demande de l’énergie. Comme l’écrivait James Howard Kunstler*** : « Tous les conforts, luxes et miracles de notre temps doivent leur origine ou leur existence durable aux carburants fossiles. Or nous sommes confrontés à la fin de l’ère de l’énergie fossile bon marché. La radio, le téléphone et le cinéma que nous connaissons ne sont peut-être que des fantaisies fugitives, qui disparaîtront un jour… J’aime me souvenir de mon père qui allait s’asseoir au piano pour chanter Our Love Is Here to Stay. » Un socialisme au pouvoir ferait en sorte de nous faire économiser l’énergie.

* LE MONDE TELEVISIONS (semaine du 30 janvier au 5 février 2012), Le Rossignol et autres fables

** La perte des sens – recueil de textes d’Ivan ILLICH, (Fayard, 2004)

***  La fin du pétrole – le vrai défi du XXIe siècle de James Howard Kunstler (Plon, 2005)

4 réflexions sur “NON au téléchargement de musique, pour notre bien à tous”

  1. bonjour Konovalovsk.
    Même si je préfère en terme d’éléctro des trucs plus « facile » à écouter comme « Rone », « Walls », … (en gros le style « Berlinois »). ^^

  2. Bonjour,

    +1 Konovalovsk.

    Autant je prends plaisir à suivre les articles du blog de Biosphère, autant là j’y lis un manque de subtilité, pas du tout écologique, mais bien humaine. La musique c’est comme les écosystèmes, cycles de la nature, etc, avec ses propres liens trophiques. quand je lis l’article et les remarques de Ivan Illich, j’y vois un mec qui veut me « foutre des menottes » à un instrument de musique alors que j’étais tranquillement en train d’écouter le bruit du vent dans les feuilles des arbres et des graminées en forêt de moyenne altitude dans les tropiques.

    Ne confondez pas préservation de « Valeurs » et ambitions personnelles déguisées en complexifiant le débat sur fond anthropo/sociologico/numérico/politique. vous êtes pour le coup, la petite épiphyte sur tronc d’arbre en train de tomber, c’est tout, vous ne voyez que ça alors qu’il y a la forêt à prendre dans ça globalité.

    Je vous reproche, la même chose que vous reprochez à notre espèce, c-à-d, son incapacité à « voir », « ressentir », « comprendre » la magnificence des cycles de l’infiniment petit et infiniment grand de notre espace vital et surtout de les intégrer avec respect dans notre cycle de vie.

    Nous serions donc, « esclave d’une société complexe »? Je vous sens esclave d’une pensée elle aussi bien complexe.

    p.s : L’éléctro, manufacturés? pas totalement d’accord, la manipulation des rythmes et des ambiances n’est pas que la propriété des boites à rythmes, écoutez les « pan pipers » des iles Salomon (http://www.youtube.com/watch?v=FMspIsLEOvY) vous allez halluciner. c’est convivial, l’éléctro en concert c’est tout autant ouvert, créatif et génial.

    cdt.

  3. aie aie aie. J’ai bien peur que là, nous ayons à faire à un discours réactionnaire. Est ce que la musique électronique est pour toi une musique dénué de tout beauté et symbole de cette génération aliéné ? Avec de telles discours, on frole le retour au clavecin. Je pense qu’il faut faire le tri, et ne pas tous confondre notamment en arguant que la musique électronique installe son hégémonie en écrasant les autres cultures, non, c’est juste selon moi l’évolution logique de la musique. Hier c’etait les Beatles, aujourd’hui c’est Joachim Garraud, Deadmau5 et demain ce sera d’autres…

    En plus pile au moment ou je me rends sur ton blog, j’ai l’IPOD-fabriké-en-chine en train de m’injecter cette divinité électronik dans les oreilles.

    Salutations.

    1. Konovalovsk,
      La beauté de la musique dépend d’une définition sociale. Certains aiment les onomatopées, d’autres la musique dodécaphonique. Le clavecin est un moment de l’histoire de la musique. On a retrouvé des flûtes fabriquées il y a 25 000 ans par l’homme de Cro-Magnon dans des os de vautour ; leur longueur était ajustée pour que le premier régime tous trous ouverts corresponde à la même note que le second régime tous trous fermés. Fallait-il d’autres instruments plus « perfectionnés » ?

      Il nous faut distinguer deux sortes de technologies, l’art de faire de la musique n’étant qu’un exemple particulier de technologie. La technologie à petite échelle (la voix humaine, la flûte…) est la technologie qui peut être utilisée par des communautés de petite dimension sans aide extérieure. Nous ne connaissons aucun cas significatif de régression dans la technologie à petite échelle. Mais la technologie dépendant d’une organisation (clavecin, IPOD…) régresse quand l’organisation sociale dont elle dépend s’écroule.

      Jusqu’à un siècle ou deux avant la Révolution Industrielle, la plus grande part de la technologie était une technologie à petite échelle. Mais depuis la Révolution Industrielle, la plus grande part de la technologie développée est la technologie dépendant d’une organisation. Fini l’IPOD avec l’effondrement prévisible de cette société thermo-industrielle. Avant-hier c’était le chant choral et le tambourin, après-demain ce sera le chant choral et le tambourin !

      Pour nous, la « divinité électronik » n’est que l’expression temporaire de la toute-puissance des marchands sur nos consciences. Je suis comme Ivan Illich, « j’entends la fuite délibérée de la consommation quand elle prend la place de l’action conviviale ». Cela veut dire qu’un instrument de musique qui dépend le plus directement possible de l’action de l’individu lui laisse son autonomie. L’usage de sons manufacturés, clavecin aussi bien que musique électronique, est hétéronome, nous rend esclaves d’une société complexe.
      Signé : un réac.

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