Les applications possibles de la modification génétique d’embryons humains (actuellement interdite en France) :
– créer des lignages dotés d’une capacité physique hors norme, par exemple pour briller par sa force sur les podiums des sportifs ;
– corriger une maladie héréditaire rare par thérapie génique germinale, une forme d’eugénisme « positif » ;
– améliorer le génome de l’homme pour mieux résister à divers maux, virus, bactéries, pollution de l’air…
Axel Kahn, qu’on a connu plus technophile, s’insurge contre une modification dans le génome d’un embryon humain avant sa réimplantation, ce qui a pour effet de transmettre cette modification à sa descendance*. Il refuse pour les humains ce qu’il défend âprement pour les végétaux avec les OGM, comme le maïs transgénique. Pour éviter la transmission génétique d’une maladie, il prône le diagnostic préimplantatoire où on ne réimplante que les embryons sains. Axel Kahn est un virulent défenseur du DPI. Pour Jacques Testard au contraire, l’extension du champ du DPI pourrait mener vers une certaine forme d’eugénisme. En définitive, quel eugénisme voulons-nous vraiment ? Notons que toute amélioration génétique, techniquement très exigeante, demande beaucoup d’argent et sera forcément un jour inégalitaire quand nous serons économiquement étranglés par la raréfaction des ressources naturelles. Accepterons-nous une race de sur-hommes qui mettront les autres en esclavage… ou au rebut ?
Dans cette perspective, nous pensons que nous devons aller à l’essentiel, au généralisable à tous. Il semble plus efficace d’intervenir seulement après la conception, comme cela se fait par exemple pour déceler un cas assez répandu comme le mongolisme. Pour les maladies rares, continuons à nous en occuper après la naissance… si c’est possible. Si une personne étouffait sous un oreiller son nouveau-né gravement handicapé, un jury populaire lors de son procès aurait de forte chance de l’absoudre. Quand une personne handicapée est appareillée, pourquoi pas, mais apprendre à un tétraplégique de piloter par la pensée un exosquelette paraît financièrement insupportable. Pour le reste, oublions les fantasmes des transhumanistes, « l’homme augmenté » de façon artificielle. Laissons faire l’évolution darwinienne qui a permis sur le long terme aux espèces de s’adapter à un environnement fluctuant. Éliminons les sources des pollutions que nous nous faisons un malin plaisir de multiplier au lieu de chercher à s’adapter technologiquement. Un des points clés de l’écologisme, c’est de retrouver le sens des limites à une époque où on nous a fait croire que tout était possible, même le non durable. Il faut savoir déterminer quand le coût économique et social pour soigner une maladie devient exorbitant, il faut savoir aussi accepter de mourir un jour car de toute façon on ne peut y échapper. Le Comité consultatif national d’éthique devait remettre son rapport au Parlement le 4 juin 2018. On l’attend avec curiosité, aucune législation ne mettra tout le monde d’accord sur ce que doit être une bonne mort et une vie digne d’être vécue.
* LE MONDE idées du 2 juin 2018, Bioéthique : « Impossible de savoir quels seront les bons gènes dans deux siècles » selon Axel Kahn
Il y a beaucoup de débats de sociétés qui, portant sur les développements, supposés persistants, des technologies actuelles, seront en fait complètement hors de propos quand la société entrera en phase d’effondrement.
Le génie génétique, l’énergie nucléaire, l’informatique à outrance qui supposent des sociétés organisées avec des systèmes de formation pérennes et des centres industriels en parfait état n’auront guère d’avenir dans un monde chaotique.
Au moins, cela nous enlèvera quelques soucis éthiques (il y en aura toutefois d’autres, sans doute bien pires d’ailleurs).
Seule la sélection naturelle telle qu’elle fonctionne depuis presque 4 milliards d’années semble donner des résultats, ayant fini par contribuer à l’apparition de capacités tout à fait extraordinaires chez une toute aussi extraordinaire variété d’êtres vivants.Aujourd’hui, nous n’y sommes presque plus soumis et il n’est pas exclu que cela conduise l’espèce humaine à de sacrés problèmes dans les millénaires à venir. Devrons-nous inévitablement être dépendants d’une technologie toujours plus sophistiquées pour palier à nos déficiences physiques ?
Déjà, une proportion significative de l’humanité porte des lunettes (je ne parle pas des personnes âgées chez qui c’est inévitable pour les problèmes d’accommodation). Alors remplacer cela par une amélioration technologique est-il une bonne idée ? Probablement pas, pour des raisons morales d’abord, qui y aura accès qui n’y aura pas, mais aussi pour des raisons techniques :
Il est bien improbable que nous soyons aussi efficaces que la nature et surtout, notre niveau technologique est loin d’être garanti dans le futur. Si nos sociétés s’effondrent, nous resterons affaiblis sans moyen d’y remédier. Bref, sur ce point aussi, l’avenir est sombre. On ne quitte pas les lois de la nature sans prendre des risques énormes, notamment lorsque l’on raisonne au niveau de l’ensemble d’une espèce (l’individu lui, bien sûr, peut profiter largement et provisoirement, le temps de son existence, de tous les avantages des technologies médicales). Quand on agrège les choses, c’est différent, comme souvent d’ailleurs