Le quotidien LE MONDE nous énerve. Son dossier* du jour ne parle que de relance de la croissance et d’impossibilité de l’inflation. Les « experts » ont déjà oublié que la période qui a suivi le premier choc pétrolier a été caractérisée par la stagflation, ce mélange de stagnation économique et d’inflation. La montée du prix de matières premières qui nous guette va aboutir inéluctablement au même phénomène. Car notre modèle de développement, qui repose sur la croissance économique et un accroissement continu du prélèvement des ressources, se heurte à la finitude de la planète. C’est ce que démontre Philippe Bihouix**, ingénieur centralien. En résumé :
« Quel avenir veut-on laisser aux générations futures, un retour à l’âge de fer ? Un monde où quelques dizaines de millions de ferrailleurs-cueilleurs, survivants de la grande panne ou de l’effondrement, exploiteront le stock de métaux dans les décharges, des bâtiments délabrés et des usines à l’arrêt est une possibilité.
En un siècle, nous avons multiplié par 7 la consommation d’énergie par personne, sachant que la population a été multipliée par 4. La limite physique s’appelle EROEI, pour energy return on energy invested : pour produire 100 barils de pétrole, il faut en investir 2 en Arabie Saoudite, mais 10 à 15 en offshore profond, et entre 25 à 35 pour l’extraire des sables asphaltiques de l’Alberta. Il est aisé de comprendre que les pétroles non conventionnels ne peuvent pas compenser la déplétion du pétrole bon marché. Passons aux métaux : on a d’abord exploité les minerais les plus concentrés, la tendance est donc à une baisse de la concentration moyenne. On commence à exploiter du nickel à 1 % là où 3 % ou plus était la norme il y a quelques décennies. Les mines d’or produisent à peine 5 grammes par tonne contre 20 il y a un siècle. Les métaux, toujours moins concentrés, requièrent plus d’énergie, tandis que la production d’énergie, toujours moins accessible, requiert plus de pétrole. Le peak oil sera donc vraisemblablement accompagné d’un peak everything (pic de tout). Qu’on se le dise, il n’y a pas assez de lithium ou de cobalt sur terre pour équiper plusieurs centaines de millions de véhicules électriques, ni de platine pour des moteurs à hydrogène.
Le recyclage a ses limites et l’économie parfaitement circulaire est impossible : c’est le second principe de la thermodynamique, on en dissipe toujours un peu. A chaque recyclage, on perd une partie des ressources et on génère des déchets. Mais surtout la complexité des produits nous empêche de séparer et de récupérer facilement les matières premières. Bref les technologies vertes ne feront qu’accélérer jusqu’à l’absurde le système, car elles sont généralement basées sur des métaux peu répandus. Que diront nos descendants d’une société qui extrait de l’argent des mines (nano-argent) pour l’utiliser comme technologie anti-odeurs ?
Conclusion. Pour lutter contre le changement climatique et gagner un peu de poids et quelques grammes de CO2 par kilomètre, on utilise des alliages dans des voitures bourrées d’électronique. Il suffirait de brider les moteurs et de réduire la vitesse à 90 km/heure pour en gagner 30 ou 40 % ! Aujourd’hui le responsable marketing est socialement plus reconnu que le cordonnier ou l’éboueur. Pourtant, d’un point de vue utilitariste, seuls ces derniers produisent réellement une valeur pour la société. Une consommation plus locale, fondée sur des objets réparables, basée sur des circuits économiques courts, relancerait l’artisanat, le commerce de proximité… à condition de revaloriser les métiers manuels. »
* LE MONDE du 17 août 2011, Comment sortir de la crise ? Débat d’experts
** mensuel La décroissance (juillet-août 2011)
Ce que notre « société de marchés » (l’expression est de Clinton ou de Blair) est incapable d’accepter, c’est que la richesse la plus importante n’est pas dans ce qui s’achète et qui se vend dans les « marchés », mais dans l’air que nous respirons et dans la proximité qui est possible entre nous tous.
Un jour j’en suis convaincu, nous serons une majorité à repenser ainsi, et nous aurons le courage d’entirer les conséquences. Ce jour doit arriver d’urgence.
Ceci est mon mille cinq cent unième (1501) article. Je remercie lemonde.fr d’héberger mon blog depuis sept ans, même si parfois je suis un peu critique envers mon quotidien préféré. Rappelons nos déterminants :
Quel doit être le commentaire pertinent d’une information ? Quelle est l’idéologie qui sous-tend l’article d’un journaliste ? Quelle place relative donne-t-on à tel évènement ou à telle démarche ? Si je suis personnellement satisfait de l’éventail des connaissances que me fournissent Le Monde, je ne suis pas toujours en accord avec la manière dont les journalistes font leur boulot de tri et de hiérarchisation.
Ce blog veut rompre avec le simple constat ou le bavardage, c’est la tentative désespérée de porter un autre regard sur l’évènement, un regard un peu moins libéral, un peu moins anthropocentrique, un regard que je voudrais plus ouvert, plus glocal, plus écolo.
Ceci est mon mille cinq cent unième (1501) article. Je remercie lemonde.fr d’héberger mon blog depuis sept ans, même si parfois je suis un peu critique envers mon quotidien préféré. Rappelons nos déterminants :
Quel doit être le commentaire pertinent d’une information ? Quelle est l’idéologie qui sous-tend l’article d’un journaliste ? Quelle place relative donne-t-on à tel évènement ou à telle démarche ? Si je suis personnellement satisfait de l’éventail des connaissances que me fournissent Le Monde, je ne suis pas toujours en accord avec la manière dont les journalistes font leur boulot de tri et de hiérarchisation.
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