Lester Brown : « Nous coupons les arbres plus vite qu’ils ne peuvent repousser et nous surexploitons les pâturages qui, peu à peu, se transforment en déserts. Parallèlement nous épuisons les nappes phréatiques un peu partout. Une autre contrainte vient s’ajouter aux deux premières, les limites de la photosynthèse. Les productions de céréales stagnent déjà. Pour 1 degré d’augmentation de la température, nous devrions même connaître une baisse de 17 % de leur production. Nous perdons aussi trop de terres, à cause de l’érosion, de l’industrialisation et de l’urbanisation. Chaque année, nous ajoutons 80 millions de personnes à la planète. Dans le même temps, 3 milliards de personnes veulent adopter un régime alimentaire beaucoup plus gourmand en ressources. Mais cela ne sera pas possible, nous n’aurons pas suffisamment de ressources. Tout cela nous place dans une situation dramatique et totalement inédite. Il est fort probable que la situation se transforme en instabilité politique et en perturbations de toutes sortes.
Comment convaincre les gens de transformer radicalement leur mode de vie ? La réalité est que nous allons devoir changer, que nous le voulions ou non. L’autre question, c’est : pourrons-nous le faire avant que le système ne s’effondre ? Il y a eu un effondrement de civilisation, les Sumériens et les Mayas par exemple. La différence est qu’aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire, c’est l’ensemble de la civilisation humaine qui est en danger. Nous sommes désormais dans une situation où notre futur dépend de notre capacité à travailler ensemble, à une échelle que nous n’avons jamais expérimenté. Je pense que nous devrions tous être un peu effrayés, mais je pense aussi que nous avons la capacité de changer rapidement. Je me souviens de la Seconde Guerre mondiale. Après l’attaque de Pearl Harbor, les États-Unis sont retrouvés en guerre du jour au lendemain, sans avoir rien planifié. Le président Roosevelt a interdit, du jour au lendemain, de vendre une voiture neuve aux États-Unis. Point à la ligne. Il ne nous a pas fallu des décennies pour réorienter l’économie, ni même des années. Nous l’avons fait en quelques mois.
Si nous avons réussi à l’époque, nous pouvons aussi empêcher le climat de se dérégler hors de tout contrôle. Nous avons besoin d’un Pearl Harbor. Peut-être une sécheresse et la perte de la plupart de nos récoltes. C‘est impossible à prévoir. La seule chose que nous savons est que nous ne pouvons pas continuer sur cette voie. »
Extraits de DEMAIN, un nouveau monde en marche » aux éditions Domaine du possible
PS : notre article précédent sur Lester Brown en mars 2008, « Sauvons la Terre »