pas de sécurité alimentaire sans planning familial

Examinons ce sous-titre du MONDE* : « Face à l’explosion démographique, seule une réorientation de l’agriculture permettra de lutter contre la faim. » Apparemment tout baigne, le journaliste Gilles van Kote valide l’abandon des politiques de soutien aux agrocarburants pour miser sur l’agriculture paysanne et remet aussi en question la place de la viande dans notre alimentation. Mais le journaliste, à la suite des instances officielles, oublie deux choses : la place de la démographie dans l’analyse de la famine et l’importance de la souveraineté alimentaire.

Personne ne peut s’exprimer décemment sur la faim dans le monde en oubliant l’évolution exponentielle de la démographie humaine. Il ne faut pas « seulement » s’interroger sur la manière de produire des aliments, mais aussi sur notre manière de faire des enfants. Jamais la sécurité alimentaire ne sera atteinte si on s’occupe seulement de nourrir les ventres affamés. En agissant ainsi, la population continuera d’augmenter plus vite que les ressources agricoles car cela constitue un permis de procréer. L’origine du mal n’est pas simplement, comme l’écrit van Kote, l’incapacité à produire assez et/ou à acquérir une demande solvable, elle réside dans cette course millénaire entre expansion démographique et amélioration des modes de production. Cette méconnaissance d’une réalité complexe est d’autant plus grave qu’il y a épuisement des sols, des ressources hydriques et accroissement des surfaces cultivables sur les sols les moins favorables. Les « experts » semblent avoir oublié la loi des rendements décroissants en agriculture. La solution première à la sous-alimentation chronique dans le monde réside donc structurellement dans la maîtrise de la fécondité. Cela veut dire qu’on met l’accent sur le planning familial, l’éducation des femmes, la prise de conscience des limites de notre biosphère et la sauvegarde des non-humains.

Le deuxième défaut dans cet article est le parti pris en faveur d’une agriculture commerciale. On souligne « l’impossibilité pour les plus pauvres d’accéder aux marchés ». Comme si le « marché », donc le libéralisme économique, était une réponse à la faim dans le monde ! Van Kote met en avant « semences améliorées, engrais, irrigation, infrastructures de transport… ». On dirait que la révolution verte en Inde, avec les mêmes ingrédients, n’avait pas déjà montré que l’échec était au rendez-vous ! Enfin, on ne peut à la fois soutenir la petite agriculture et faire confiance aux investisseurs étrangers. Une agriculture commerciale liée aux échanges internationaux  est incompatible avec une agriculture paysanne qui œuvre pour le marché local. La sécurité alimentaire passe par la souveraineté alimentaire.

*LE MONDE géo&politique du 14-15 octobre 2012

NB : pour ceux qui ne connaissent pas la thèse malthusienne, lire son « essai sur le principe de population ».

4 réflexions sur “pas de sécurité alimentaire sans planning familial”

  1. Comme je le dis souvent
    « Si nous parvenions à stabiliser la population humaine mondiale, plus personne ne mourrait de faim car les besoins en nourriture, eau, logements, vêtements seraient aussi stabilisés, il ne resterait plus qu’à améliorer le niveau de vie des plus pauvres tout en respectant la biodiversité planétaire. »
    Mais j’ai l’impression de parler à des sourds.

  2. Evidemment d’accord à 100 % avec cet article, c’est en effet le bon sens même que de se préoccuper de la question démographique.
    Il est intéressant de noter qu’en ce moment même, beaucoup de milieux écologistes s’enthousiament pour le récent documentaire de Marie-Monique Robin intitulé « Les moissons du futur » (diffusé sur Arte le 16 octobre) qui vante tout l’intérêt de l’agrobiologie et de l’agro-foresterie. Hélas cet excellent documentaire fait par ailleurs une totale impasse sur l’explosion démographique qu’il accepte comme une donnée exogène. Même en admettant que tout ce qui est dit sur ces nouvelles techniques agricoles (ex anciennes technique d’ailleurs pour une part) est juste, il n’empêche que tous leurs avantages en terme de rendements se trouveront réduits à néant par l’explosion démographique qui exigera des productions toujours plus importantes. Explosion qui, par ailleurs participe activement à l’utilisation des sols aux seuls profits des humains au détriment du reste du monde vivant.
    Encore une fois, quand donc cessera le tabou sur cette question ? Quand pourrons nous en parler sereinement sans nous voiler les yeux ? L’Afrique a multiplié ses effectifs par 5 dans les 60 dernières années, elle va les multiplier par 2 d’ici 2040 ou 2050 et peut-être par 4 d’ici la fin du siècle. L’agriobiologie est sympathique, intéressante, efficace et absolument nécessaire, mais sans politique démographique elle ne servira tout simplement à rien. Nous aurons dans les faits encore plus de gens qui souffriront de la faim du fait de la surnatalité.

  3. Gilles van Kote est au moins conscient d’une chose : il y a bel et bien une « explosion démographique », ce que nombre de nos doctes démographes nient depuis des décennies…

  4. Ludvigvonprinn

    Article frappé au coin du bon sens mais qui devrait attirer les foudres de certain partisan acharné de l’ économiste Carey !

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