Biosphere- Info d’avril 2018, résumé d’un livre de Pierre Jouventin
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« L’homme, cet animal raté (Histoire naturelle de notre espèce) » et un livre de Pierre Jouventin, Il mérite ce Biosphere-Info tant son point de vue va à l’encontre d’un optimisme ambiant qui nous paraît aveugle. Laissons la parole à Pierre Jouventin :
« Après 240 articles scientifiques publiés dans des revues internationales, j’estime être en dette avec la collectivité qui m’a nourri, d’où mes livres de retraité sur les animaux et, ici, l’homme. Mon livre applique à notre espèce les mêmes méthodes d’investigation que j’ai appliquées toute ma vie aux espèces sauvages qui vivent, elles, non dans l’abondance matérielle de nos sociétés industrielles, mais dans l’épanouissement de leurs facultés, résultant d’une adaptation durable à un milieu de vie. J’ai décidé de consacrer ma retraite à appliquer mon expérience de biologiste de la vie sauvage au monde dit civilisé qui nous entoure et qui rend de plus en plus perplexe par son degré croissant de barbarie. Je n’étudie plus les oiseaux dans leur milieu naturel, mais les animaux humains dans leur monde artificiel. J’ai pris conscience de notre infériorité par rapport à l’animal sauvage. Nous avons quitté un mode de vie difficile mais simple, pour créer nos sociétés d’abondance éphémère. Nous avons transformé un monde auquel, par la sélection naturelle, nous étions parfaitement adaptés, en un cauchemar climatisé où nos enfants auront de plus en plus de mal à s’épanouir. » Voici un résumé de son livre :
1/6) L’éthologie appliquée à l’homme
C’est le discours de Jean-Baptiste de Lamarck, le fondateur de la biologie et le précurseur de Darwin, qui me paraît mieux convenir au présent essai : « Définition de l’Homme : être intelligent qui communique à ses semblables sa pensée par la parole (…) Être en quelque sorte incompréhensible qui ne parviendra à se connaître véritablement que lorsque la nature elle-même lui sera mieux connue (…) Voyons ce qu’il est réellement en le dépouillant de toutes les illusions que lui a inspiré son amour-propre et de tout ce que sa vanité lui a fait admettre par la voie de son imagination. (écrit en 1820) » Pour le monde antique, l’histoire des hommes était cyclique alors que l’idée de progrès a donné une direction à l’histoire qui est devenue linéaire et à sens unique. Pour l’ethnologue-philosophe Claude Lévi-Strauss, le progrès est un mythe. C’est pour lui un concept sans cohérence, une vision à court terme, une croyance optimiste en l’histoire liant avancement scientifique et moral. Il y a eu un amalgame entre l’accumulation des connaissances, l’accroissement des richesses et l’amélioration des conditions de vie, à un point tel que le contraire du progrès n’a même pas été envisagé. Le géographe anarchiste Elisée Reclus a dû inventer le mot « regrès » pour créer son antonyme.
Le développement devient de moins en moins synonyme de progrès humain dans un monde globalisé et surpeuplé où les conflits religieux, ethniques, économiques et écologiques se multiplient. Peut-on, sans être renégat et désobligeant envers le roi de la création, le qualifier de barbare vivant de razzias et massacrant tout ce qui peut se manger ou le concurrencer, sans jamais penser à ses descendants qui auraient aimé vivre indéfiniment dans un monde harmonieux ? En tout cas, c’est le contraire d’une gestion durable de l’environnement, telle que n’importe quel animal sans cervelle la pratique depuis la nuit des temps. A ceux qui ne manqueront pas de m’accuser de pessimisme, je répondrais que lorsque l’on doit affronter une menace mortelle, l’optimiste qui cherche à la minimiser ne fait qu’accroître le danger.
2/6) Une hypertrophie du cerveau humain
On peut définir Homo sapiens comme opportuniste, car dépourvu d’appendices adapté à un usage précis comme la griffe ou la dent, ou avec plus de pertinence comme une espèce spécialiste du cerveau. C’est l’accroissement trop rapide de matière grise qui nous a permis de dominer le monde. Or l’excès de spécialisation, en l’occurrence la spécialisation cérébrale, après avoir favorisé le développement d’une espèce et sa pullulation, amène finalement sa disparition. L’homme scie avec frénésie la branche qui le porte. L’éthologie m’a appris à ne pas croire ce que nous racontent les hommes sur eux, surtout s’ils sont intelligents. Leurs pulsions de base sont les mêmes que celles de n’importe quel mammifère alors qu’ils sont les plus doués pour mentir grâce à leur cerveau hypertrophié ! Ce don est devenu source de tricheries, de dissensions stériles, d’envies disproportionnées, de rêves de gloire et de conquête, de luttes pour le pouvoir et l’argent. Cet or s’est mué en plomb. Grâce à son intelligence et sa technologie, notre espèce est allée plus loin que toutes les autres en multipliant son impact sur le milieu et donc la vitesse de son Evolution s’est emballée. Tout se passe comme si l’homme voulait vivre à fond, mais pas longtemps ! Avoir une gros cerveau n’est pas nécessairement un avantage pour durer, tout au contraire puisque des plantes, des microbes et des animalcules sans système nerveux sont parvenus à se perpétuer pendant des millions d’années, et qu’ils risquent fort de nous survivre. La solution de l’accroissement du cerveau semble un échec inévitable et prévisible de l’Évolution.
Sommes-nous une espèce ratée, pathologique, alors que les autres animaux sont fonctionnels, construits pour durer, avec sans doute moins de cervelle, mais moins d’excès et de démesure, avec peu de culture et beaucoup d’instinct pour éviter de se perdre comme nous dans des idéologies fumeuses ? Un chimpanzé ou un loup peut avoir des conflits pour la nourriture ou la hiérarchie, mais pas pour la conception de la vie. Les hommes, avec leur excédent de cerveau et de culture, sont doués pour se disputer pour des opinions et même pour s’entre-tuer. La morale, la religion, la politique, le langage, l’abstraction, bref toutes les idéologies et leurs instruments qui font notre orgueil sont devenus une menace. Nous préférons la fiction romanesque qui finit bien à la réalité scientifique qui peut finir mal.
3/6) Les errements de la sélection naturelle
Darwin réalisa que les capacités de reproduction des espèces dépassaient très largement le nombre des descendants observés et donc qu’il existait une sélection naturelle qui triait en permanence les êtres vivants, ne laissant se perpétuer que ceux capables de s’adapter à leur milieu physique. Au fil des générations, seuls ceux qui sont parvenus à survivre et à se reproduire ont transmis leur patrimoine héréditaire. Cette sélection fut sans doute particulièrement rapide chez nos ancêtres parce que c’était urgent et vital pendant la délicate période d’adoption à un mode de vie radicalement différent de leurs ancêtres arboricoles. Le cerveau, qui était déjà remarquable par sa taille chez les primates, a été fortement sélectionné pour tripler en moins de deux millions d’années. Ce volume cérébral est lié à l’activité de chasse. Le cerveau s’est complexifié, le cortex s’est plissé. Notre cerveau pèse seulement 2 % du poids du corps alors qu’il consomme 25 % du métabolisme général. Le régime carné est à l’origine de notre intelligence, on constate en effet que lorsque la taille du cerveau augmente, celle de l’estomac diminue. L’abondance de matière grise exige un régime hypercalorique avec beaucoup de graisses et de protéines, ce que l’on trouve dans la viande. Abandonnant le régime surtout frugivore des grands singes, nous pouvions de mieux en mieux nourrir un gros cerveau gourmand en énergie. Seuls les clans qui parvenaient à attraper du gibier par l’astuce et les armes survivaient et transmettaient leurs capacités à leurs descendants qui, à leur tour, héritaient à la fois d’un cerveau plus gros par hérédité et de techniques de plus en plus sophistiquées par la culture. La sélection naturelle a permis de trouver des voies complètement nouvelles pour communiquer, comme le langage parlé, qui se passe du marquage olfactif des carnivores et du hurlement du loups, ce qui est autrement plus performant pour échanger des informations sur la chasse ou coordonner les membres du groupe. D’après les paléoanthropologues, nous sommes ainsi devenus le seul primate qui chasse collectivement le gros gibier et ce fut une grande réussite pendant plusieurs millions d’années. Ce qui est négligé par les historiens, c’est que nous sommes toujours adaptés à cette niche écologique de chasseurs coopérateurs et que nous avons été peu sélectionnés depuis le Néolithique alors que nous vivons dans un monde complètement différent.
La sélection s’est-elle un peu relâchée chez Homo sapiens et avons-nous régressé intellectuellement à cause de notre douce vie de civilisé ? C’est en tout cas ce qui est arrivé aux chiens qui ont perdu lors de la domestication un tiers du volume cérébral de leur ancêtre sauvage. Le loup il est vrai doit exploiter toutes ses aptitudes motrices et sensorielles pour survivre. Heureusement, la biologie humaine est plus compliquée, il existe une variabilité énorme des tailles du cerveau chez notre espèce. En outre le lien avec l’intelligence n’est pas toujours évident, celui d’Einstein pesait 1,250 kilo, soit la moyenne féminine ! La sélection a mêlé l’inné et l’acquis, avec une forte prédominance chez nous du culturel acquis. D’où aussi le danger d’un dérapage par le développement de croyances et de superstitions. Du coup nous sommes devenus l’espèce la plus malléable et la plus endoctrinée, celle qui est assez crédule pour être conditionnée à ne pas voir l’évidence présente si on lui fait miroiter un rêve futuriste. Notre capacité à raconter des histoires, à manipuler autrui, à nous manipuler nous-mêmes, bref à mentir et à trahir, n’a pas d’égal dans le règne animal. Nous avons développé la culture au détriment de nos instincts à un tel point que nous en arrivons à ne plus savoir très bien ce qui est bon pour nous : n’importe quel gourou peut parvenir à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Depuis le néolithique, l’homme se veut un conquérant qui ne doute pas de sa supériorité sur la nature et les animaux, d’autant plus qu’il a su élargir à l’échelle planétaire son projet occidental. Nous risquons fort de devenir comme ces gens simples qui gagner à la loterie, puis qui, après avoir tout gaspillé, se retrouvent dans la misère et la dépression, bien plus malheureux qu’avant le gros lot… Comment l’évolution, qui ne conserve que ce qui fonctionne dans la nature, a-t-elle pu déraper et faire cette erreur d’une espèce inadaptée à long terme ?
4/6) La non durabilité de l’espèce humaine
C’est l’emballement actuel de notre démographie et de notre technologie qui, combinées, nous font déborder les limites de la planète. La machine humaine, qui était construite au départ pour fonctionner en petits groupes de quelques dizaines d’individus qui se connaissaient bien et qui créaient les contre-pouvoirs aux appétits insatiables de certains, déraille aujourd’hui à l’échelle des nations et de la planète. Les appétits des arrivistes ne sont plus bridés et ils ont ainsi pu prendre les commandes dans cette frénésie de compétition et de consommation. Je considère notre espèce comme un être « pathologique » depuis 10 000 ans et comme une voie sans issue de l’évolution. A l’opposé, les chasseurs-cueilleurs comme les animaux sauvages sont « normaux » puisqu’ils ne surexploitent pas les ressources naturelles, ce qui permet de durer.
Cette fracture avec l’animalité et l’écologie, qui caractérise notre espèce depuis seulement le Néolithique, on peut en faire une ode au progrès ou, comme dans ce livre, un constat d’échec. L’homme est devenu une locomotive sortie de ses rails, plus exactement un animal raté. Les partisans du progrès me rappellent que notre durée de vie a doublé, le zoologiste que je suis remarque cependant que ce sursis trouve un équivalent dans les zoos où les animaux, qui ne sont plus soumis à la sélection naturelle, vivent aussi le double de la nature dans laquelle toute faiblesse chez les proies se traduit par la mort et chez les prédateurs par l’impossibilité de se nourrir. La longévité d’un loup en liberté est de dix ans, en captivité de vingt ans. Konrad Lorenz s’inquiétait de cette « auto-domestication » qui nous fait vivre plus longtemps, mais souvent en piètre condition. Nous gagnons en quantité mais pas en qualité de vie ! Les lois de l’écologie scientifique s’appliquent à nous comme aux autres êtres vivants.
5/6) La question démographique
Si nous étions véritablement raisonnables et savants, nous aurions évité de polluer un monde si accueillant, de tuer ou d’asservir les autres êtres vivants. Les ressources naturelles se raréfient quand la population mondiale s’accroît et consomme de plus en plus. En 1850, les êtres humains et leur bétail représentaient environ 5 % de la biomasse animale terrestre ; elle est actuellement évaluée à 30 % et continue à croître : plusieurs auteurs considèrent l’espèce humaine comme un cancer qui ronge la Terre. Ce constat est d’autant plus accablant que la solution qui s’éloigne était entre nos mains : il suffisait de réguler nos populations et d’éviter de saccager la nature.
Notre démographie est devenue explosive, mais aucune terre vierge ne restant plus à explorer et à exploiter, nous sommes confrontés à nos limites de colonisateur. Le moteur de la prospérité ne pouvait fonctionner que dans un monde vierge à coloniser par quelques milliers d’hommes à natalité faible. Nous nous sommes engagés dans une voie sans issue où la surpopulation associée à l’épuisement des ressources naturelles conduit inéluctablement à des crises violentes. Nous assistons en conséquence à une montée d’intolérance dans un monde en perte de repère où des fanatiques religieux incultes veulent nous ramener au Moyen Age. Les migrations de populations, qui découlent du réchauffement climatique, commencent à déstabiliser les régions les plus industrieuses qui, après avoir accueilli avec générosité les premiers migrants, vont devoir un jour ou l’autre fermer leurs frontières et contrôler plus fermement leurs populations, à l’encontre de l’idéologie humanitaire et progressiste qui nous animait depuis les Lumière, et même avant, du fait de nos racines chrétiennes. Plus de la moitié de la population mondiale a moins de 28 ans et une partie se trouve déjà en âge de se reproduire. Comment obtenir une nécessaire limitation des naissances dans un régime démocratique ? C’est aussi difficile que d’obtenir la décroissance et la pauvreté volontaires. Les gens responsables et lucides sont de plus en plus pessimistes sur l’avenir de cet être rationnel que l’on disait parfait. Certains en viennent à refuser de mettre au monde des enfants avec un destin aussi sombre en perspective. Est-il juste que les gens les plus responsables n’élèvent pas d’enfants et que les irresponsables procréent sans retenue pour recevoir des allocations familiales ? Ce nom d’Homo sapiens que nous nous sommes données est révélateur par sa grandiloquence et sa candeur de notre destin exceptionnel et tragique : nous ne sommes pas « celui qui sait », mais celui qui aurait dû savoir !
Je commence à être trop vieux pour croire en un réveil collectif des consciences, à une décroissance mondiale alors que les finances, le commerce, l’industrie, les médias et les gouvernants encouragent le déni, la croissance et le gaspillage. Le philosophe David Hume constatait déjà en son temps : « Il n’est pas contraire à la raison que je préfère la destruction du monde à l’égratignure de mon doigt ! » Au moment où je relis mon texte, un présentateur météo de France-télévision vend beaucoup de livres en niant l’importance et le danger du réchauffement climatique qui relèverait de la théorie du complot !
6/6) Postface avec François Ramade
Plus personne ne peut de nos jours contester que l’humanité est confrontée à une crise écologique globale d’ampleur inégalée. Elle résulte en premier lieu d’une croissance démographique explosive de l’espèce humaine, d’une telle ampleur qu’E.O. Wilson a pu pertinemment écrire que l’accroissement de ses populations se fait beaucoup plus selon un mode bactériel que selon les modalités démo-écologiques propres à une espèce de primate évoluée ! Comment ne pas être atterré de constater que l’effectif du genre Homo, a plus que quadruplé en moins de cent ans au cours du seul XXe siècle, sa population ayant dépassé les 6 milliards en l’an 2000 ! Comment ne pas être consterné quand l’on constate que des démographies et des sociologues, adoptant une attitude de nataliste attardé, affirment aujourd’hui encore que l’explosion démographique n’aura pas lieu ! Il s’agit d’un refus du réel que l’on observe parmi ceux que Pierre Jouventin appelle de façon courtoise des « rêveurs optimistes ».
A la différence des autres prédateurs, l’homme chasseur-collecteur a exterminé une à une de très nombreuses espèces qu’il chassait en meute comme les loups, alors que l’écologie enseigne que dans la nature existe un équilibre permanent des populations de prédateurs et de proies. Cette constatation a fait dénommer par les démo-écologues le couple proie-prédateurs comme le binôme « prédateur prudent et proie efficace ». Notre espèce a éradiqué peu à peu toutes les autres espèces de grande taille qui lui étaient proches, les autres Homo comme la grande faune. En outre, autre indice d’une animalité incomplète, l’homme n’a plus régulé ses effectifs à partir du néolithique, à l’opposé de ce que font les autres espèces animales supérieures qui représentent ce que l’on dénomme en écologie des espèces K, que privilégient le développement au détriment de la reproduction. La stratégie r est adoptée normalement par des petits mammifères de faible longévité et de croissance rapide. L’homme constitue la seule espèce de grands Primates qui se comporte depuis le néolithique comme un stratège r. Par ailleurs, à la pression insensée qu’exerce depuis déjà longtemps la surpopulation humaine sur la nature et ses ressources, se sont ajoutées les conséquences parfois calamiteuse du développement de technologies pas toujours maîtrisées, ce qui a accru de façon exponentielle l’impact effectif de nos espèce non seulement sur la biosphère, mais bien au-delà sur l’écosphère.
Si seulement la population mondiale était régulée, tous nos problèmes présents et futurs seraient écologiquement résolus en quelque dizaines d’années puisque notre pression sur le milieu de vie redeviendrait faible. Une décroissance des populations humaines pourrait maintenir dans son intégrité la biosphère et l’écosphère. Ne pas agir ainsi est d’autant plus aberrant que le fait de contrôler sa natalité est une question de simple bon sens accessible à quiconque est doté de raison.
Ma thèse est que la surconsommation est due au phénomène d’accoutumance. Selon Sheldrake, on la rencontre chez tous les animaux, même rudimentaires, comme le Stentor ou l’ aplysie ( » Réenchanter la science », page 231, chez Albin Michel). Tous les vivants ont besoin de stimuli pour se sentir vivre. Le problème est que lorsqu’un stimulus se répète la réponse perd en intensité. Exemples: Exemples:
Vous changez de logement, donc sensations nouvelles qui vous tiennent éveillé jusqu’à accoutumance à votre nouvel environnement sonore.
Une ambulance passe, la sirène retentit, variant en intensité et en fréquence, vous prenez conscience de son passage mais si cela persistait du matin au soir et du soir au matin vous finiriez par ne plus y prêter attention, vous vous habitueriez.
Vous entrez dans une pièce odorante; l’odeur peut vous séduire ou vous incommoder, mais au bout d’un certain temps vous ne sentez plus rien, c’est l’accoutumance. Pour maintenir la sensation odorante, il faut augmenter les doses de gaz odorant dans la pièce. Vous achetez une nouvelle voiture, au début, tout nouveau tout beau , puis, elle vous devient indifférente.
Vous prenez l’autoroute, vous accélérer, vous éprouvez une sensation de vitesse, mais ne pouvant dépasser le 130, vous vous accoutumez à cette vitesse constante et bientôt, vous ne la ressentez plus.
Les exemples précédent relatent un changement dans votre environnement, changement dépendant ou non de votre volonté. Le passage d’une ambulance ne dépend pas de votre volonté, mais le changement de logement, si. Ce changement est lié à une activité d’exploration.
Des sensations sont liées aux mouvements de notre physiologie, sensations dont nous ne sommes habituellement pas conscients car nous y sommes accoutumés, comme la respiration, la digestion ou les battements du cœur. Mais des variations de ces sensations peuvent provoquer des états de conscience, par exemple, on peut prendre conscience des battements du cœur lorsqu’il accélère. Il est intéressant de noter que moyennant un peu d’entraînement, on peut prendre conscience des battements cardiaques même lorsque leur fréquence est constante, mais ce n’est possible que parce qu’il s’agit de battements. Par ailleurs, il est possible d’explorer son psychisme par l’introspection.
Nous voyons donc que l’exploration ne concerne pas que notre environnement mais qu’elle peut s’appliquer à nous mêmes.
En résumé, on constate que lorsqu’une variation se répète régulièrement, il y a accoutumance et l’état de conscience qu’elle suscite tend à disparaître, autrement dit, l’homme ne se sent plus vivre.
Pour continuer à se sentir vivre, l’homme a alors le choix entre plusieurs possibilités:
1- il peut augmenter le nombre et l’intensité des stimuli,
2- il peut affiner ses sens, de sorte qu’à stimuli égaux, les sensations sont plus intenses.
3- il peut se couper des stimuli obtenant de la sorte une variation importante dans l’ensemble de ses sensations, ce qui est aussi une façon de se sentir vivre ( Cf. l’exemple du tic-tac qui cesse )
Ces différents choix conduisent à quatre modes de vie:
1- Augmenter le nombre et l’intensité des stimuli conduit à notre société de consommation et de gaspillage.
Ce choix s’est fait par facilité car il va dans le sens de l’entropie croissante, ou, si vous préferez, dans le sens de la plus grande pente. C’est un principe d’économie universel. Dans cette société, on mange plus, des mets plus variés, dans les discothèques, le son est toujours plus fort, assorti de flash éblouissants, les tenues de plus en plus tapageuses, mèches de cheveux vertes, rouge vif, la télé nous assomme de clips étourdissants et de films de violence, d’horreur, les véhicules de sport ou de transport vont toujours plus vite,etc…Mais ce choix mène à une impasse à cause de l’accoutumance, par exemple vous roulez à 90 puis sur autoroute à 130. Pendant l’accélération vous ressentez la vitesse, mais vous vous habituez très vite. D’où la nécessité pour maintenir l’impression de vitesse de rouler toujours plus vite et au bout il y a……. la mort. . Cette remarque est valable pour tout: la boisson, le tabac, les drogues,la danse, la musique. Quand le haschisch ne suffit plus on passe à des drogues plus fortes, dans les discothèques on augmente le niveau sonore et le rythme jusqu’aux limites du supportable et au delà même puisqu’on sait maintenant que les habitués des boites de nuit deviennent sourds. Cela est valable aussi pour la fringale d’achat. Ce mode de vie conduit à la mort, non seulement car on atteint des limites biologiques (embonpoint, maladies cardio-vasculaires, overdoses, cirrhoses, accidents de la route) mais aussi parce que pour produire toutes ces excitations à une population toujours plus nombreuse, on a besoin d’énergie et qu’on épuise les ressources naturelles de la planète, sans parler de la pollution. Le pire c’est qu’il conduit à la mort sans même qu’on soit passé par le bonheur, car chez ceux qui le pratiquent, le sentiment de vide subsiste et les pousse parfois au suicide.
Comment échapper à ce destin funeste?
Qu’est-ce qui apporte toujours de nouveaux stimuli et donc peut échapper à l’accoutumance?
La création!
Bonsoir AUPETITGENDRE Jean-François
Vos réflexions sur l’argent sont intéressantes, j’ai parcouru vite fait votre site. La solution serait donc d’abolir l’argent (désargence). Finis le salariat, le marché, les profits, et hop finis tous nos problèmes !
C’est une bonne idée (une vieille idée),mais c’est comme avec la simplicité volontaire (que je prône), comment s’y prend-on pour que les petites expériences ci et là se généralisent à la planète entière ? Comment donner à cette foule de producteurs-cons-ommateurs totalement accros l’envie de se libérer ? L’envie de se libérer déjà de ce tripalium dont ils ont absolument besoin pour vivre (c’est comme ça qu’ils pensent), mais aussi de cette satanée idée que plus = mieux. Bref l’envie de réfléchir.
En tous cas je pense que le jour où l’argent n’aura plus de valeur, le jour où on se torchera avec des billets de banque, là nous serons mal. Ce sera comme dans Mad Max, les choses qui auront de la valeur seront les dernières gouttes d’essence, les balles, l’eau et tout ce qui se mange. Et là il n’y aura plus de fines bouches.
Pour limiter les naissances et contrôler notre démographie, les moyens ne sont pas infinis : la contraception pourvu qu’elle soit individuellement choisie ou l’assurance que nous aurons toute la vie durant une garantie de confort suffisant. Ce n’est pas par hasard si les pays les plus pauvres font le plus d’enfants (peur de perdre toute descendance si nous ne procréons pas assez et risque, sans enfants, de se retrouver complètement démunis quand nos forces faiblissent). Or, tant qu’il y a une monétarisation des échanges et des profits financiers possibles, mécaniquement, il y a condensation de la richesse entre les mains d’une minorité au dépend d’une majorité. Aujourd’hui, nous avons la productivité suffisante pour produire assez pour 8 ou 10 milliards d’individus, à condition que nous mettions cette production en accès direct au lieu de tout soumettre aux lois du marché. L’abolition de l’argent, du salariat, du marché, du profit, de la valeur, n’est plus un problème technique, mais seulement un vieux réflexe qui nous conduit à la mort. L’homme, aussi raté soit-il, saura-t-il comprendre que les problèmes de démographie, tout comme ceux de l’écologie, de la survie des autres espèces, de la justice sociale, etc., ne sont solubles qu’en imaginant l’obsolescence de l’argent ? C’est possible…, mais le temps qui nous reste est court. Sans cela, il ne restera que la guerre mondiale, seule capable d’absorber la dette, de relancer la production, d’écouler les stocks, de tuer rapidement beaucoup de monde, d’occuper les chômeurs , de mobiliser toute l’énergie des humains à s’étriper joyeusement au lieu de réfléchir !…
Agé de 92 ans.L’homme est un animal extraordinairement inventif mais raté.Certains s’en doutaient et l’exprimaient par l’hypothèse d’un péché originel.Hubert Reeves,il y a longtemps,a étendu cette idée à toute civilisation,ce qui expliquerait le silence de l’espace,déjà relevé par Pascal.Notre prolifération détruit tout par les guerres et l’avidité.Maintenant c’est le tour de notre petit bateau,la planète.Ensuite celui de Mars.Je compare avec la mesure des autres grands prédateurs.Mes petits enfants sont fichus.
Merci de cet article.
Mais il est toujours surprenant de lire des analyses sur la démographie qui fassent totalement l’impasse sur :
1/ comment les enfants sont produits, et donc pour commencer, sur la question de l’égalité femmes-hommes. Pourtant dans tous les pays où les droits des femmes, l’éducation des filles, etc. progressent, la natalité baisse. Le Niger, où le nombre d’enfants est en moyenne de 8 par femme, est aussi un pays où les 3/4 des filles sont mariées avant 18 ans et un quart à 15 ans.
2/ l’empreinte écologique différenciée : un enfant nord-américain pèse plus sur la planète que 20 enfants en milieu rural au Sahel
3/ Donc, d’une manière générale, comment parler écologie sans faire de liens avec les inégalités sociales et le modèle économique entrainant l’accumulation de richesses et la surconsommation par quelques uns ?
A la fin de l’Antiquité il y avait sur terre 200 millions de personnes. Ca n’a pas empêché la déforestation massive sur le bassin méditerranéen (pour construire des bateaux et faire la guerre notamment)
Et même quand il n’y avait que 100 000 personnes sur terre, elles ont quand même réussi à exterminer par exemple la mégafaune d’Amérique du Nord (au moment où cette zone a été colonisée via le détroit de Béring)…
Quant à une phrase du type » les irresponsables procréent sans retenue pour recevoir des allocations familiales ? » ça n’est pas du niveau d’une analyse écologique et politique.
@ marcel
Je vous l’ai déjà dit (25 mars 2018 à 19:53 «L’homme disparaîtra, bon débarras… »)
Dans la « logique » de l’évolution de deux choses l’une : Soit Sapiens est une espèce ratée (loupée, trop ceci ou pas assez cela, bref inadaptée) et à ce moment là Dame Nature ne fera pas de sentiment. Soit poussé par la Nécessité il continuera à évoluer.
Vous le reconnaissez vous-même, il y a des humains exceptionnels. Paris ne s’est pas fait en un jour, l’évolution n’est pas pressée elle prend tout son temps. Sapiens est tout jeune, il en est au stade de l’adolescence, autrement dit il est con, il joue avec le feu, il a besoin de se brûler un bon coup pour comprendre, c’est absolument nécessaire. Sauf que parfois ce genre de conneries finissent mal, et là ce n’est que le hasard qui en décide.
Quoi qu’il en soit je persiste à penser que nous avons tout intérêt à parier sur l’homme perfectible.
@michel c :
observez la lsite des conséquences induites par le grouillement humain anarchique : surpollutions , destruction de larges pans de la biosphère , empoisonnement d’ espèces vivantes , conflits meurtriers , violence extrême .
La nature ne donnera probablement pas le temps au bipède invasif et cupide (il y a bien entendu des humains exceptionnels qui donnent un peu d’ espoir dans l’ avenir)
de modifier son comportement mais qui sait ?
En tout état de cause , ce changement de mentalité indispensable ne peut s’ appliquer qu’ à une population beaucoup moindre .
Cette hypothèse d’animal raté se tient, d’autant plus avec de tels arguments scientifiques. Mais cette conclusion quelque peu simpliste vient faire tache, et c’est dommage. Comme si la connerie humaine ne se traduisait que par le « surnombre »…
Autre théorie, qui à mon sens est bien plus porteuse d’espoir : Sapiens est une espèce jeune. L’ Homme est encore à l’état d’ébauche … autrement dit l’ homme est perfectible.
Espérons que d’autres êtres intelligents – et un peu plus humbles forcément – auront fait mieux ailleurs. Même si pour nous il ne devait pas y avoir d’effondrement civilisationnel, nous avons tiré l’essentiel de nos cartouches. Dans le vide.
L’auto-proclamé Sapiens sapiens est bien mal nommé