Poissons et crustacés condamnés à la chaise électrique

Mardi 21 novembre, la Commission des pêches du Parlement européen a donné un feu vert à la pêche électrique. La pêche électrique est une méthode de pêche qui utilise l’électricité pour déloger les poissons du fond des mers et océans, et les faire remonter à la surface. Les filets des chaluts de fond sont équipés d’électrodes qui envoient des décharges électriques dans les sédiments, les poissons se convulsent sous l’effet de la décharge et le courant électrique les ramène vers le filet. Ce sont des décharges égales à celle d’un Taser. Ceux qui sont remontés dans les chaluts sont souvent couverts de brûlures, d’ecchymoses, ou ont subi des déformations du squelette du fait de l’électrocution. Pratique jugée destructrice des ressources marines en Asie au terme d’une dizaine d’années d’utilisation, la pêche électrique a été interdite à Hong Kong en 1999 et en Chine en 2000. Cette méthode de pêche avait été interdite en Europe en 1998, mais en 2007, les Néerlandais avaient obtenu des dérogations au prix d’un lobbying efficace. La réglementation permettait d’équiper en électrodes jusqu’à 5 % de sa flotte de chalutiers à perche (sur lesquels des filets sont fixés à une perche déployée sur le côté).

La pratique de la pêche électrique néerlandaise est très contestée par les pêcheurs français du Nord pour ses conséquences néfastes sur les écosystèmes marins : « Cette pêche tue tous les juvéniles. Les témoignages des bateaux français qui pêchent dans les mêmes eaux que les bateaux néerlandais entre 3 et 20 nautiques nous disent tous la même chose : il n’y a plus de petits poissons dans les eaux de la mer de Nord ». En envoyant des décharges électriques dans les fonds marins, on électrocute forcément des larves ou des femelles pleines, et ça ne peut pas ne pas avoir d’incidences sur la reproduction. C’est un cercle vicieux. Pour maintenir leurs marges, les industriels n’ont pas d’autre choix que de limiter les coûts de production, en réduisant la consommation de carburant, et d’inventer des méthodes de pêche de plus en plus efficaces. Le recours à cette technique électrique est symptomatique d’une ressource halieutique mal gérée au niveau mondial. Et c’est un aveu total de faillite : on est prêt à fermer les yeux sur les risques de destruction des ressources pour conserver un profit à court terme… Grâce à ses capacités de manipulation sémantique, la direction de l’Union Européenne qualifie aujourd’hui la pêche par impulsion électrique de « technique innovante » !

Outre cet épuisement des ressources, la pêche électrique a aussi des conséquences néfastes sur l’artisanat de la pêche, qu’elle concurrence déloyalement, avec des moyens techniques hors de sa portée. Pourtant favoriser l’artisanat, c’est-à-dire des méthodes de pêche plus douces, ce serait mieux pour tout le monde, pour les ressources marines, pour les pêcheurs, pour les citoyens. Selon une tribune dans LE MONDE*, « encore une fois, l’innovation technologique induirait le sacrifice de très nombreux pêcheurs afin de compenser les gains d’efficacité des navires électriques. Les petits pêcheurs sont déjà durement touchés, puisque les chaluts électriques se sont déjà déployés vers les habitats côtiers fragiles, impactant leurs zones de pêche ou de reproduction de nombreuses espèces-clés ».

pour en savoir plus, https://reporterre.net/Le-Parlement-europeen-donne-un-premier-feu-vert-a-la-nefaste-peche-electrique

Il est encore temps de signer cette pétition : https://www.bloomassociation.org/stop-peche-electrique/

* LE MONDE du 16 novembre 2017, « L’Europe doit interdire la pêche électrique »

8 réflexions sur “Poissons et crustacés condamnés à la chaise électrique”

  1. @ biosphère
    Comme dit Didier Barthès, « il ne faut pas le prendre au pied de la lettre ». Je sais bien qu’il existe des techniques de pêche en eaux profondes (jusqu’à 1000m), et que ces pêches ne font qu’en rajouter au désastre. Je voulais simplement dire qu’il y avait de la vie, et même des poissons, bien plus bas.
    Je suis donc d’accord pour dire que certaines zones des océans deviendront de véritables déserts, dans lesquels 95 % des poissons auront disparu, mais pas pour dire que l’océan deviendra un désert. ( Je chipote peut-être un peu… mais comme je ne suis pas le seul, je me suis laissé aller. Désolé. )

  2. Ben oui Monsieur Barthès, les sardines (disons les poissons) c’est comme le pétrole, il en restera toujours au fond … mais inaccessibles. Et pas pour de vulgaires questions de fric, mais d’énergie.

    Quand il faudra brûler 1 baril de pétrole pour en pomper qu’1 seul, il y aura longtemps que nous serons passés à autre chose. Et idem avec les sardines, imaginez qu’il faille chaluter pendant 10 jours pour n’en ramener qu’une dizaine.

    Par contre avec les arbres, je serais plus prudent. Quand il n’y aura plus de pétrole, de gaz, ni de charbon… et si à ce moment là nous ne nous sommes pas guéris de notre diabolique besoin de toujours plus… alors je crains pour les derniers arbres.

    La fin de l’histoire, je l’ai déjà racontée, elle est encore plus triste que le Dernier des Mohicans. Ce sera le Dernier Homme trônant fièrement sur une montagne de cadavres et de déchets … à l’ombre du dernier arbre.

    1. Michel C, vous dites : « les sardines (disons les poissons) c’est comme le pétrole, il en restera toujours au fond … mais inaccessibles. »
      En fait il existe une pêche en eaux profondes pour des poissons des grandes profondeurs, peu nombreux, et qui ont un taux de reproduction faible. Partout nous pourchassons les derniers poissons.Aucun territoire des océans n’est un sanctuaire pour les poissons, si ce n’est quelques réserves naturelles insuffisantes en nombre et en superficie. Il est vrai que la descente énergétique brutale qui nous attend va freiner la pêche industrielle et tout le reste, mais le retour à la pêche artisanale dans des eaux transformées en désert ne va pas être une partie de plaisir.

  3. Oui Marcel, vous avez raison, elle est du même ordre.
    Oh si Michel bien sûr quand je parle de la dernière sardine, il ne faut pas le prendre au pied de la lettre mais nous sommes parfaitement capable de vider les océans de 95 % de leur poissons, après simplement ils seront tellement disséminés que les pêcher coûtera vraiment cher. Ca commence d’ailleurs à être le cas. De plus dans ces conditions de réductions drastiques, de fait beaucoup d’équilibres sont rompus

  4. @D. Barthes:

    votre commentaire me fait penser à la phrase célèbre de Geronimo commençant par « quand le dernier arbre aura été abattu … »

  5. Il n’est évidemment pas question pour moi de défendre cette technique de pêche, ni même la pêche industrielle, mais il ne faut pas non plus raconter n’importe quoi.

    Les océans ne seront jamais un désert, d’ailleurs il y a aussi de la vie dans les déserts. Dans les océans il y a des formes de vie que nous ne connaissons même pas.
    Ce lieu commun, souvent entendu, qui dit que l’Homme fera disparaître toute trace de vie sur Terre (et dans les océans) révèle notre immense vanité. Et donc notre immense bêtise ! La Vie est un phénomène qui nous dépasse.

    Ceci dit, il n’est évidemment pas question de sous-estimer les ravages que l’Homme inflige à la biodiversité , mais seulement d’essayer de juger les choses à leur juste mesure.
    La pêche industrielle et la gestion calamiteuse des ressources halieutiques n’est qu’un des innombrables problèmes, qui additionnés et bien emmêlés constituent notre BIG Problème.
    La Cause de notre BIG Problème n’est pas à chercher ailleurs que dans cette immense bêtise.

  6. Nous tuerons tout, jusqu’à la dernière sardine ! Il n’y a pas de place sur la Terre pour autre chose que pour l’Homme selon la conception que nous nous faisons de l’humanité.

  7. Les partisans de la chaise électrique font valoir qu’un chalut à impulsions, plus léger, consomme deux fois moins de carburant qu’un chalut à perche conventionnel et détériore moins les fonds marins. « La technique est très efficace, mais elle transforme l’océan en désert », répond Frédéric Le Manach, directeur scientifique de Bloom.

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