Maïa Mazuarette : Aucune pratique culturelle ne devient un fait social par hasard. C’est un paradoxe de la sexualité contemporaine : le X, personne n’aime ça, mais tout le monde en consomme. Comment expliquer le succès planétaire, écrasant, d’une production répétitive et médiocre ? Les gens ne sont ni fous, ni stupides, ni masochistes. S’ils regardent, c’est qu’il y a une raison. Et même plusieurs raisons. Du côté des hommes hétérosexuels, la satisfaction de désirs masculins. Les règles de la séduction « dans le réel » paraissent impénétrables. La profusion des possibles en vidéo fonctionne comme une compensation du réel. Le film pornographique abolit la lenteur-relation, la négociation de la cour, en devenant un simple rapport sexuel. La pornographie est incroyablement accessible, une manière de pacifier les frustrations du quotidien. Et du côté des consommatrices, alors ? La réciprocité ? Hors sujet ! Bien sûr, une meilleure éducation sexuelle permettrait de mettre en pratique une sexualité exubérante – plutôt que de la regarder défiler sur son écran. Pour faire reculer le X, il faut proposer une utopie sexuelle concrète – en proposant un soulagement érotique plus efficace et plus généreux.
Marius Albufera : C’ est le discours social sur la sexualité qui rend la pornographie honteuse : le décalage est de plus en plus grand entre ce qui se passe dans les esprits et la façon dont on voudrait que la sexualité soit. Plus personne ne peut dire ouvertement qu’ il a envie de sexe, tout simplement. Le scandale du porno, c’ est le scandale sexuel: désirer agir avec son corps en dehors des normes sociales de retenu prescrites ailleurs et publiquement. On rêve d’ une société de cour…
John Morlar : Ce qui a beaucoup évolué depuis 30 ans dans ce domaine, c’est la violence qui s’est installée. Du temps de mon adolescence Canal +, je me souviens de films plutôt bon enfant. Les acteurs faisaient semblant de se séduire, de faire l’amour et d’y prendre du plaisir, dans des situations somme toute assez classiques. Ayant eu l’occasion de voir l’extrait d’une récente vidéo, j’ai eu l’impression d’assister à une scène de viol. Tout est dans la domination, les pratiques extrêmes et la violence. Le côté bon enfant avait complètement disparu. Les acteurs, patibulaires, semblaient échappés du bagne, les filles hystériques, tatouées des pieds à la tête, subissaient toutes les humiliations possibles. Assez cauchemardesque je dois dire. Effectivement si les enfants voient ça, en terme d’éducation sentimentale !
HdA : Et Maïa de souhaiter « une séduction masculine mieux travaillée ». Un diplôme universitaire sur les méthodes de séduction sera requis pour tout mâle postulant. Et la femme devra prouver qu’elle ne fait aucun effort à part appuyer sur le bouton « #metoo » au bon moment.
Arto : Compliqué, la séduction à notre époque. La dernière fois je suis allé au ciné avec une collègue. Elle arrive avec une jupe courte. J’hésite dans le noir à tenter une approche en lui posant ma main sur la cuisse. Et puis je me suis dit qu’elle pourrait m’accuser de harcèlement sexuel. J’ai donc laissé tomber et me suis fait une branlette une fois à la maison. C’est plus prudent.
Philou @ Arto : Oui enfin vous pourriez aussi lui parler. Bref utiliser pour communiquer ce machin où vous enfournez de la nourriture trois fois par jours.
le sceptique : Le marché de la sexualité est renouvelable, sobre en matière première et en carbone (si les serveurs du X sont alimentés par des énergies vertes), peu polluant. La consommation de pornographie pourrait marquer le pas si l’on favorisait l’économie en circuit-court, en encouragent la prostitution réglementée de proximité bien plus charnelles que les écrans 5G. Air B&B pourrait aussi songer à une déclinaison où le sens des « B » serait un peu changé.
Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :
10 février 2019, Nature de la sexualité et droit à la sexualité
extraits : Les bonobos ne s’embarrassent pas de lois contraignantes, mâles et femelles aiment faire l’amour, point final.
13 janvier 2018, Sexualité et harcèlement, l’homme, un animal dénaturé
extraits : Tout le monde gagnerait à une réelle égalité dans l’érotisme. Le jour où les femmes se sentiront parfaitement autorisées à exprimer leur désir, où l’entreprise de la séduction sera réellement partagée, elles ne seront plus des proies et ne se percevront plus comme telles. Encore faut-il qu’elles aient la possibilité de devenir aussi entreprenantes que les hommes, aussi actives.
– « personne n’aime ça, mais tout le monde en consomme.[…]
Les gens ne sont ni fous, ni stupides, ni masochistes. » (Maïa)
Oh que si ils le sont, fous, stupides et maso en même temps !
Et encore s’il n’y avait qu’avec le cul qu’ils l’étaient, misère misère !
Combien de trucs sans queue ni tête font-ils, faisons-nous, consommons-nous ?
Vas y Franky c’est bon ! Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny. Moi j’aim’ l’amour qui fait boum!
Pauvre Maïa, qui probablement doit être un peu coincée, de ce coté. Coincée voire impénétrable. Je lui conseille alors de consulter de bons spécialistes, qui lui offriront «un soulagement érotique plus efficace et plus généreux». Après une bonne séance je suis sûr qu’elle leur dira «Merci Jacquie Michel».