pour en finir avec les OGM

Après avoir tout voulu autoriser, libre-échange et OMC obligent, nous sommes en passe de tout interdire. Alors notre époque est devenue schizophrène ; ainsi la commission européenne veut multiplier les autorisations de plantes transgéniques, mais les Etats seront libres de les interdire ! (LeMonde du 10 juin). Que penser pour retrouver la raison ?

Il ne faut pas avoir des OGM une vision centrée sur la valorisation des bio-ingénieurs européens ou le respect des lois de la compétitivité internationale : il faut regarder ce que les OGM entraînent structurellement. En fait les OGM ne sont que l’aboutissement ultime d’un processus de dépossession des paysans de leur propre savoir : ce qu’il faut planter est fabriqué dans un laboratoire lointain adossé à un système financier sur lequel il n’y a plus de prise possible. Cette évolution a commencé bien avant les OGM, avec les hybrides. Jusqu’au XVIIIe siècle, l’agriculteur sélectionnait lui-même les variétés les plus résistantes, dont il récoltait les semences pour l’année suivante. C’était un cycle autogéré, même si certaines semences pouvaient être achetées Puis l’activité du sélectionneur est devenue un métier à part entière. Afin de protéger les nouvelles créations, un Certificat d’obtention végétale (COV) fut créé. Tout agriculteur devait utiliser les semences proposées par les catalogues officiels de semences. En France, 90 % des courgettes hybrides F1 sont aux mains de trois grands groupes semenciers : Syngeta, Limagrain et Monsanto. Cinq multinationales semencières possèdent 75 % des semences potagères et dix groupes détiennent 50 % de toutes les semences mondiales. L’enjeu est donc de taille, c’est le contrôle du système alimentaire mondial. L’agriculteur ne peut plus sélectionner ses meilleures semences car la commercialisation de ses récoltes lui est désormais interdite, celles-ci étant issues de semences non autorisées.

Se placer dans une perspective écologique implique d’adopter une vision non spécialisée de la biosphère, d’essayer de comprendre comment ses différentes composantes interagissent les unes avec les autres selon des modalités qui doivent tendre à l’équilibre et perdurer à travers les années. Si nous revenons à l’exemple agricole, le début des ennuis commence avec l’abandon de la polyculture quasi-autonome qui faisait du paysan quelqu’un qui maîtrisait tout un ensemble d’interdépendances. La spécialisation de la monoculture soumet l’agriculteur aux marchands et au marché, et alors tout s’enchaîne, la disparition des semences paysannes, la recherche de productivité, l’exode rural, la mécanisation forcée pour s’occuper de surfaces de plus en plus grandes, l’obligation des pesticides dans un milieu fragilisé par son homogénéité, l’achat des hybrides, la dépendance généralisée de l’exploitant agricole pris en tenaille entre les fournisseurs et les centrales d’achat, la baisse des revenus agricoles, etc. Comme l’impérialisme des semenciers signifie paupérisation, inégalités et dépendances alimentaires, la ré-appropriation des semences par les paysans est devenu absolument nécessaire. Il en va de notre souveraineté agricole, de notre sécurité alimentaire.

5 réflexions sur “pour en finir avec les OGM”

  1. Merci pour cette note remarquable, qui j’espère sera lue par beaucoup.

    Le débat sur les OGM est pollué par des faux problèmes, genre est-ce que c’est bon pour la santé ou pas, les anti-OGM sont réfractaires au progrès, et autres fadaises. Ce bruit entretenu par les lobbys empêche une prise de conscience par la collectivité des vrais problèmes que vous soulevez :

    La culture massive d’OGM et de plants génétiquement identiques entraîne une baisse de la biodiversité, c’est ce que vous évoquez avec « l’obligation des pesticides dans un milieu fragilisé par son homogénéité ». Effectivement quand toutes les plantes plantées sur des hectares sont des clones, l’ensemble des cultures devient « sensible » aux mêmes stress, parasites.
    L’apparition d’un nouveau parasite/moisissure/bactérie, dans un champ dans lequel tous les individus ne sont pas de clones, permettait la sélection naturelle des individus portant les caractères de résistance.

    Aujourd’hui on prive l’agriculteur de ce système immunitaire naturel, créé par la diversité des génotypes, pour mieux l’asservir à un producteur de semences qui lui vendra la variété résistante au nouveau fléau.

    Ce qui est dur à avaler dans tout ça, c’est que les seuls à profiter de ce système sont justement ceux qui ont contribué à appauvrir cette diversité. Eux en revanche ne se sont pas privés de mettre en banque « de gènes » un maximum d’espèces et de variants naturels.
    En brevetant le vivant, il privent l’humanité d’un patrimoine collectif. Cette richesse voit sa valeur intrinsèque augmenter au fur et à mesure que la biodiversité diminue.

    La nature est un immense réservoir de gènes. Les croisements et les mutations qui interviennent dans le cadre d’une reproduction normale (pollinisation pour les plantes) sont la source et la garantie d’une grande diversité. Cette diversité génétique est la garantie de trouver au sein des populations des individus mieux adaptés à un sol, à un climat, ou bien mieux armés contre certains insectes.
    Elle permet l’apparition de nouvelles espèces dans un processus nommé évolution. Elle permettait à un agriculteur de sélectionner une lignée adaptée à un habitat/environnement particulier.

    Conservons la métaphore du réservoir, et disons que ce réservoir est rempli d’eau.
    Les semenciers se sont attribués une partie au départ infime du réservoir.
    Avec le COV, on oblige tous les agriculteurs à se fournir uniquement à ce réservoir. Avec l’argent qu’ils gagnent, les semenciers peuvent détourner les autres réservoirs (en brevetant des gènes ou des espèces) pour alimenter le leur. Ils continuent de piocher dans un patrimone qui appartient à la nature (à tous) pour mieux organiser la raréfaction de ce qui est disponible pour les agriculteurs.

    Voilà ce que les lobbys ont réussi à faire voter à nos politiques incompétents : le vol organisé d’un patrimoine appartenant à l’humanité.

    La culture des OGM et de clones stériles fragilise la nature et la prive de ses systèmes de défense. Elle accélère l’appauvrissement de la biodiversité génétique. Elle augmente la dépendances aux pesticides, l’homogénéïté des individus rendant d’emblée visible l’apparition d’un nouveau stress, qui serait passé inaperçu dans un champ composé d’individus non identiques.

    Je pense que les semences génétiquement identiques et brevetées devraient voir leur prix assorti d’une taxe qui servirait à financer un organisme PUBLIC de sauvegarde et de préservation des espèces végétales et animales. Sur la même logique que système pollueur payeur, ceux qui contribuent à la baisse de la biodiversité devraient financer sa préservation par un organisme TIERS et INDEPENDANT afin de sortir de ce système pervers auto-entretenu.

  2. Lorsque l’on parle des OGM, de genetique, donc, on nous donne l’impression qu’il s’agit d’une technologie de haute precision, que les pseudo-savants manipulent les genes pour ne garder que les caracteres interessants de telle ou telle variete… Alors que, de leur propre aveu, PAS DU TOUT ! Ils bombardent de radiations au hasard, et chaque « decouverte » ou creation n’est ni plus ni moins que le fruit du hasard… On experimente, et l’on voit ce que ca donne… Ils n’ont pas la moindre idee de ce qu’ils font ! Notre niveau de connaissances actuel ne nous permet pas de manipuler les genes impunement… Il s’agit la d’essayer de reproduire la Joconde avec un rouleau, soyez-en conscients !
    Et qui mandate les experts et fournit les donnees d’etude ? Les labos et les semanciers eux-memes !!! Et toute etude un tant soit peu independante est mise au placard ! Et de quelles donnees parle-t-on, d’ailleurs ? Sous le fallacieux pretexte du « secret industriel », les labos agro-alimentaires (et pharmaceutiques, mais c’est une autre histoire…) ne fournissent qu’ UN POURCENT de leurs donnees ! Comment ne pas legitimement les accuser de biaiser les etudes, et ne publier que ce qui les arrange ? Parle-t-on du taux affolant de rats de laboratoire atteints de cancers lorsqu’ils sont nourris aux OGM ? Certains on meme des poils qui leur poussent dans la gueule !!
    Que cela soit clair ! Les OGM, a juste titre, LES FRANCAIS N’EN VEULENT PAS ! Et ces vendus de politicards vereux – qui eux, n’en doutons pas, mangent bio – veulent nous en faire ingurgiter a toutes les sauces ! ASSEZ !!!

  3. Mais les paysans les plus pauvres ne le seraient-ils pas à cause des subventionnements de l’agriculture européenne qui rende l’agriculture européenne plus compétitive que celle du paysan africain?

    Et par la sélection d’un nombre fini et restreint de variétés n’avons nous pas supprimés les variétés qui résistaient à la chaleur et au manque d’eau (par exemple), pour passer à des variétés non adaptés qui ne supportaient pas le milieu aride puis à des variétés OGM recréant artificiellement ce qui existait auparavant avec en plus la création d’une dépendance du paysan aux semenciers « sauveurs de l’humanité »?

  4. Les semences paysannes ont diparu depuis longtemps dans les pays développés. Variétés hybrides (maïs par exemple) : il faut semer chaque année la semence achetée au semencier sous peine de trop grandes pertes de rendement et de qualité. Variété pures : les rendement et la qualité diminuent plus progressivement et en principe il faut renouveler ses semences environ tous les trois ou quatre ans. Dans la pratique en France, le blé est semé en semences achetées aux semenciers sur la moitié des surfaces.

    Pour les pays sous-développés, la situation est un peu différente. Mais les pays qui sont sortis de la famine l’ont pu grâce aux semences sélectionnées. Les paysans les plus pauvres le sont parce qu’ils n’ont pas accès, faute de moyens de financement, aux semences modernes sélectionnées et achetées à des sélectionneurs.

    Il faut arrêter de réver au bon vieux temps. Il est derrière nous définitivement. Et ces rêves, s’ils entraient dans la réalité, seraient mortifères.

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