Longtemps on a vécu comme les « gentils membres » des clubs de vacances qui bronzaient en autarcie dans un camp retranché avec la misère tout autour. Tant que le buffet était plein, la mer chaude et les strings achalandés, pas une seule question à se poser. Tourisme, j’oublie tout. Et puis le niveau de la mer a monté et aussi le prix du baril. Le soleil est devenu notre ennemi… Voilà qu’on ne peut plus consommer la planète ! Le buffet n’est pas à volonté. Comme souvent les catastrophes sont à double lecture : on peut y voir la fin du monde. Ou plus modestement la fin d’un monde. Et l’obligation d’en inventer un autre, de toute urgence. Si possible plus juste, moins prédateur, habitable. Honnêtement, si on n’avait pas été poussés au cul par les dérangements climatiques, jamais on ne se serait mis au boulot. Merci la catastrophe. (Didier Tronchet, éditorial de juillet 2008, l’Écho des savanes p.3)
Ce n’est pas spécifique au tourisme, toutes les activités humaines à fort potentiel économique sont menacées par les changements climatiques et par la crise énergétique (qui sont liées). Les ressources en pétrole s’amenuisent, les écosystèmes sont fragilisés. Le tourisme par avion, c’est la seule industrie qui ne peut pas, mais alors pas du tout, se passer de kérosène. Or celui-ci deviendra de plus en plus cher. La semaine en Tunisie, tout compris à 300 euros, c’est terminé. Il faudra intégrer dans le prix de son voyage le vrai coût du transport, la compensation du CO2 émis lors du vol. il est vrai qu’aujourd’hui encore, la grande majorité des touristes se fiche du CO2 lors du vol qui les emmène vers des contrée paradisiaques. Le premier voyagiste français, c’est Marmara. Autant dire que chez Marmara, la démarche environnementale c’est même pas embryonnaire. Mais dans l’avenir, seuls les très riches pourrons s’offrir des destinations lointaines. Or ce n’est pas le but de Voyageurs du monde. Une fois que l’on a dit cela, qu’est-ce qu’on est prêt à faire ? Je suis persuadé que le voyage, sous toutes ses formes, devra faire la preuve de son utilité écologique pour survivre. (Jean-François Rial, l’Écho des savanes de juillet 2008 p.25)
Ces écrits d’il y a douze ans, pourtant très perspicaces, n’ont eu aucun impact sur les prévisions de vente des Airbus et autres Boeing. Merci le coronavirus d’avoir enrayer la spirale mortifères d’un tourisme de masse à la fois planétaire et paradoxalement hors sol.
Pour faire le deuil, oui compliqué, trop compliqué, à cause de plusieurs facteurs =
1/ L’habitude, on trouve toujours plus pratique de se reposer dessus pour gagner du temps, changer de moyens implique de l’effort, de la réorganisation, du temps et potentiellement de nouveau moyens matériels.
2/ L’accessibilité, tant que le bouton d’interrupteur est à portée de main, il n’y a pas lieu d’utiliser une bougie, tant que les ampoules se trouvent dans les rayons des magasins et l’électricité soit livrée à domicile. Et ce principe ne vaut pas que pour la lumière mais pour tous les produits, y compris la voiture, pas lieu d’utiliser le cheval tant que la pompe à essence est approvisionnée.
3/ L’ignorance = Pour de nombreuses choses, ça implique des savoirs-faire et des connaissance, mais dans un monde industriel, on ne sait plus faire grand chose puisque les robots nous font quasiment tout, il suffit juste d’occuper un bull-shit job (boulot inutile dans le fond pour faire semblant de travailler derrière un bureau, un comptoir ou une caisse, afin d’obtenir un salaire puis acheter tout ce dont nous avons besoin, quasiment tous les biens et services produits par des robots.
Dans un monde sans fossiles et robots, on vivrait d’artisanat pour produire tous nos bien manufacturés. Pour notre alimentation, on se trouverait dans les champs à cultiver fruits et légumes et on devrait confectionner nos plats, nos confitures, nos biscuits, nos gâteaux, etc. Les pharmaciens devraient connaître les plantes et savoir préparer les médicaments ou autres baumes de soins.
Bref, tout le monde peut vivre célibataire avec son armada de robots, et produits remplaçables par du neuf à bas coût. Dans un monde sans énergies fossiles, comme dirait Jancovici, le divorce n’existe plus, mais ça impliquerait de réapprendre la coopération, dont la marche arrière est compliquée par les éléments des 4 points cumulés, et tout ça dans une société ultra-individualiste où tout le monde chante « Besoin de personne » comme Véronique Sanson… Le désastre sociétal arrivera lors de la déplétion d’énergie, car c’est compliqué aussi de renoncer à l’individualisme. Transformer une société de « besoin de personne » en société de »besoin de tout le monde » c’est très loin d’être gagné…
Faire le deuil ici, c’est juste accepter que la fête se termine, que notre civilisation vit ses derniers instants. On peut très bien vivre en sachant qu’on n’en a plus pour longtemps. Et ce n’est pas pour autant qu’on est alors obligé de vivre comme un porc en se foutant de tout et de tout le monde etc.
Un deuil passe par plusieurs stades. Au début on refuse d’y croire, c’est le déni, mécanisme (naturel) de défense face à une réalité insupportable. Ensuite vient la colère, on en veut à la Terre entière, et à soi-même. Ensuite la réalité nous rattrape, c’est alors la tristesse et la dépression (ici la solastalgie). L’acceptation est juste une délivrance, qui permet à celui qui a alors fait le deuil de continuer à vivre, en attendant. De faire des projets, de nouveaux rêves etc. Certains n’arrivent jamais à faire un deuil et restent enfermés dans un stade précédent. Et vivent ainsi, comme ils peuvent… en attendant.
Ce n’est pas bien difficile de comprendre l’intérêt de faire le deuil, de quelqu’un ou de quelque chose. Le faire c’est bien sûr autre chose, particulièrement celui-ci. Ce n’est pas pour rien qu’on parle du travail du deuil, qu’on dit que le deuil est un travail (sur soi). Seulement il semblerait que nous soyons devenus fainéants, ou alors très fatigués. La faute aux robots, probablement. 😉
Nous (la population dans son ensemble)sommes en train de commencer à prendre conscience (mais pas encore à accepter) que la ligne de progression des sociétés qui semblait toute tracée (une occidentalisation générale du monde, plus de richesses pour tous et des régimes politiques peu ou prou copiés sur ceux de l’Occident) est en train de se briser.
C’est une immense révolution dans l’effrayant contexte de l’écroulement des écosystèmes et de l’explosion du nombre des hommes (5 fois plus depuis 1900 !)
Bien malin qui pourrait jouer sérieusement au devin.
Pour ma part, chaque jour je crois un peu plus que demain sera terrible.
Bonjour Didier Barthès. Je ne cesse de dire que la prise de conscience est faite, qu’il faut en finir avec ça. Accepter c’est autre chose en effet, accepter c’est faire le deuil. Et je suis d’accord avec vous pour dire que nous sommes loin de l’avoir fait.
Comme vous je ne lis pas dans le marc de café, ni dans les tarots, pas question donc de jouer au devin. Toutefois lorsque nous voyons de gros nuages noirs qui approchent à toute vitesse, nous allons vite nous mettre à l’abri. En espérant ou priant pour que l’orage passe à côté (à chacun sa merde). Eh oui, soyons honnête.
A la une de La Décroissance de ce mois-ci : «Collapsologie, fausse science, vraie régression». P3-4 : «Survivre à la collapsologie». Renaud Garcia (prof de philo) répond aux questions du journal, l’occasion pour lui de faire la promo de son dernier bouquin 😉 Extraits :
– «lorsque la raison se croit séparée des émotions (des affects), et lorsqu’elle se trouve horrifiée par ce que ses tableaux, statistiques et courbes lui disent de l’état du monde, elle compense en s’enfonçant soit dans le saugrenu, soit dans l’absurde. [….] Bien souvent, quand on étudie d’où vient l’engagement des gens dans les milieux de la collapsologie ou de la transition, on se rend compte qu’il s’agit de personnes déprimées. […] La question essentielle, ici, est bien celle des motifs de l’engagement écologiste. »
Nous nous croyons raisonnables, bien souvent plus que le autres, mais savons-nous déjà que nous nous plaisons à croire ce qui nous arrange le mieux ? Le saugrenu et l’absurde… eh oui c’est tout à fait ça !
J’ai déjà parlé de cette maladie à la mode, la solastalgie (eco-anxiété), regardons seulement tous ces témoignages de gens (d’écolos) en souffrance, qui se disent «inconsolables» etc. Parmi eux certains disent ne pas avoir meilleur «remède» que de couler des bateaux, brûler des SUV etc. C’est sûr que ces gens-là vont mal, comme nous tous (dans son ensemble), plus ou moins bien sûr.
Apocalypse ??? Mais quelle apocalypse ? Ce coronamachin peut-être ? PFFFF !!!
Allons allons soyons sérieux, bien sûr qu’on va continuer à voyager et se payer du bon temps, pour pas cher en plus et en même temps. Nos «gentils organisateurs» ne vont pas nous lâcher comme ça, pour ça nous pouvons leur faire confiance. Tiens par exemple, écoutez celle là, qu’elle est bonne :
– «L’ambition collective, et je la partage, c’est de verdir l’aviation. C’est typiquement ce que le gouvernement a choisir de faire en soutenant la filière hydrogène, qui est une vraie révolution […] Il ne faut pas moins voyager […] C’est une démarche de progrès.»
(J.B Djebbari, ministre chargé des Transports, sur LCI le 21 sept 2020)
Ah la révolution, et verte en plus … ah que c’est beau ! Et l’hydrogène, ah ouiiii ah que ça c’est bon ! Vas-y Manu c’est bon, vas-y Manu c’est bon bon bon…
Ah le Progrès, qui progresse pour des siècles et des siècles amen, ah ça c’est bon aussi. Ah les voyages, qui vous ouvrent l’esprit, qui vous font rencontrer l’Autre, qui forment et entretiennent la jeunesse, et patati et patata.
Mon Q oui ! Tu parles d’une révolution, disons plutôt le Progrès et les voyages qui font tourner le Système. Le Système et son Business, ses industries, ici de l’aéronautique et du tourisme, le Système avec sa religion, ses curés et leur propagande. Et bien sûr avec ses fidèles cons sots mateurs de tout et de n’importe quoi.
Ah queue il est bien ficelé, le Système ! Fais-moi mal, Johnny, Johnny ! Moi j’aime l’amour qui fait BOUM !