LE MONDE* offre une page entière à deux « experts » qui n’ont qu’une seule chose à dire : la transition énergétique reposera uniquement sur le nucléaire et le gaz de schiste ! Notons d’abord que pour ces spécialistes, l’un de la croissance et l’autre de la chimie, l’objectif d’une « bonne » politique énergétique est de contribuer à la compétitivité. Pourtant, sur une planète dont on a déjà dépassé les limites (cf. empreinte écologique), toute concurrence internationale ne fait qu’accroître la détérioration de notre environnement. Remarquons ensuite qu’Aghion et Fontecave passent entièrement sous silence les inconvénients du nucléaire et du gaz de schiste. Ils se situent dans un endroit merveilleux où la recherche techno-scientifique trouvera, dans un avenir indéterminé, la solution à tous nos problèmes. Par exemple pour le gaz de schiste ils osent dire « Si ces ressources sont avérées et si on résout les problèmes environnementaux liés à cette exploitation… il ne fait aucun doute que… ». Ils n’ont pas encore compris qu’avec des « si », on pourrait mettre Paris et Calcutta en bouteille… sans aucun doute possible ! Ils concluent de façon qu’ils croient humoristique : « De façon amusante, ceux qui s’opposent au nucléaire sont les mêmes qui s’opposent au gaz de schiste. » Il ne leur vient pas du tout à l’esprit que la réciproque est entièrement vraie : « Ceux qui sont pour le nucléaire sont aussi pour le gaz de schiste » !
Aghion et Fontecave sont deux idéologues, conservateur de l’ordre existant alors que tout commence à s’effondrer autour d’eux, la finance, la croissance, le climat, les ressources halieutiques, etc. Ce sont des prédicateurs du libéralisme économique, la preuve, ils accusent les autres d’idéologie : « La pression de l’idéologie environnementale dominante crée une angoisse généralisée ». Pour des tenants de la recherche de la croissance à n’importe quel prix, idéologie qui domine les experts, les colonnes du MONDE et des autres médias sans compter les discours politiques de Sarkozy et Hollande, c’est pousser le bouchon un peu trop loin. Cela n’incite pas à une transition énergétique efficace, basée à la fois sur les économies d’énergie, les énergies renouvelables et une réévaluation de nos besoins. Il n’est pas anodin qu’un autre article du MONDE** souligne de son côté l’accélération massive du programme de production d’énergie atomique dans les années 1970 et la recherche actuelle sur les techniques d’exploration du gaz de schiste ! Qui se ressemble s’assemble.
En fait le discours pro-nucléaire et pro-gaz de schiste est là pour anesthésier le peuple, lui faire croire que les difficultés de notre présent disparaîtront par magie à la lumière des énergies non renouvelables. Ces prêcheurs accélèrent ainsi l’apocalypse, l’effondrement de notre civilisation thermo-industrielle.
* LE MONDE du 25 mars 2014, Repenser la transition énergétique (Philippe Aghion et Marc Fontecave)
** LE MONDE du 25 mars 2014, Merci Gazprom par la journaliste Sylvie Kauffmann
Philippe Aghion était à la tête du groupe d’experts qui a alimenté le programme présidentiel de Hollande. Sans surprises il se prononçait en 2013 pour un crédit d’impôt compétitivité et contre la taxe à 75% sur les très hauts revenus. Il est donc partisan d’une « social-démocratie de l’offre », autrement dit le social-libéralisme… Gauche et droite aujourd’hui se ressemblent comme bonnet blanc et blanc bonnet.
Aghion est un spécialiste de la croissance.Son modèle de croissance endogène est certainement faux ( éccouter Gael Giraud sur le sujet) mais il a parfaitement raison sur le fait que, pour augmenter l’activité économique mesurée par le PIB, il faut plus d’énergie.
Le discours est donc à la base un discours pro-croissance, et il est dommage qu’aucun parti politique ni ONG ne le dénonce en tant que tel.
Quelques commentaires judicieux sur lemonde.fr :
– Encore deux prestigieux scientifiques qui escamotent une partie du problème. On pourrait attendre un peu mieux de leur part. La plupart des gens trouvent, à juste raison, qu’il est inadmissible de laisser une dette de l’ampleur de la nôtre aux générations futures. Mais nos deux suppôts du nucléaires ne sont pas gênés de laisser les déchets nucléaires aux générations futures pendant des dizaines de milliers d’années !
– Nos deux Candides font mine de poser naïvement la question « pourquoi fixer des délais aussi courts ? » (pour la transition énergétique). La réponse figure dans les rapports du GIEC, qu’ils feraient bien de relire attentivement. La réponse est : il reste moins d’une quinzaine d’années pour espérer infléchir la trajectoire d’augmentation des émissions de GES et contenir l’augmentation des températures moyennes sous les 2°C. Mais je pense qu’ils s’en foutent bien !
– C’est délicieux, ce hiatus logique entre 1. l’énergie c’est la vie et 2. il faut de l’énergie compétitive pour nos entreprises. Encore un « point de vue » d’écono-lobbyiste incapable d’admettre que la croissance n’est plus ni possible, ni souhaitable.
– Lorsque je lis cela : « En même temps, on doit faire la transition énergétique à moindre coût – pour le particulier et les entreprises – afin de contribuer à leur compétitivité et donc à la croissance de l’économie tout en préservant l’environnement. » Je me dis que cet article passe à côté de son sujet. La croissance comme on l’a connu depuis 1945, c’est terminé, ce n’est plus viable.