Sur le nucléaire, il n’y a jamais eu débat. Dès l’origine, le nucléaire civil étant l’enfant reconnu du nucléaire militaire, la construction de réacteurs relevait d’un système dirigiste et non d’un système démocratique. En 1973, EDF propose de construire des réacteurs en série. En proie à des douleurs crucifiantes, le président Pompidou laisse Messmer conduire l’affaire. Début décembre 1973, le secrétaire général à l’énergie téléphone à Marcel Boiteux (patron d’EDF de 1967 à 1987) : « Il est neuf heures du matin, j’ai besoin de savoir avant midi quel est le nombre maximum de tranches nucléaires qu’EDF s’estime capable d’engager chaque année. » A midi Marcel Boiteux rappelait Couture et bluffait : « pas plus de six ou 7 tranches par an… quatre sans doute ». Les 51 réacteurs sous licence Westinghouse ont été construits en treize ans, de 1971 à 1984. La France prenait des décisions structurantes sans se préoccuper ni de leurs coûts, ni de leur utilité économique. Le parc nucléaire s’est trouvé surdimensionné dès l’origine.
à lire absolument, Le nucléaire, inacceptable dans un pays démocratique
Jérôme Fenogli : Notre parc nucléaire, contributeur à hauteur d’environ 70 % du mix actuel, entre dans la dernière phase de sa vie et ne sera quasiment plus opérationnel dans une vingtaine d’années…Relancer un chantier colossal de plusieurs EPR, comme le souhaite le président Macron, a de très nombreuses implications, budgétaires, environnementales, technologiques…Toute option constitue un pari sur l’avenir, comportant de nombreux risques qui devraient être beaucoup plus mûrement réfléchis et débattus… A quelques mois de la présidentielle, les Français méritent un débat public sérieux et transparent, qui s’appuie sur des chiffres et des arguments de qualité…
Cet éditorial de Jérôme Fenoglio, directeur du MONDE, entraîne près de 100 commentaires sur lemonde.fr dont nous extrayons ce qui a trait aux procédures de choix en matière nucléaire :
Noleb : « Sur l’ensemble de ces sujets, nos concitoyens méritent un débat public sérieux et transparent, qui s’appuie sur des chiffres et des arguments de qualité. » Sur tous les sujets en fait. Mais avec la Ve république, en fait une monarchie, un homme providentiel rencontre les Français et décide de tout, tout seul, pendant 5 ans. De la couleur du drapeau au lancement de nouvelles centrales nucléaires. C’est marrant, Manu est le plus jeune des présidents de la Ve, mais son logiciel intellectuel est vraiment bloqué sur les 30 glorieuses. Allez, chiche on relance le Concorde (mais à hydrogène hein, Jupiter est un vrai écolo).
LEF : Aaaaaah cette manie du soi disant débat public. Merci Ségolène… Si on débattait du nucléaire, de l’immigration ou de la peine de mort, les idées les plus conservatrices gagneraient à coup sûr.
Pessicart : L’électricité est à la base de notre niveau de vie. La plupart des politiciens qui s’expriment sur l’électricité, pour ne pas dire tous, ne connaissent rien à ce sujet. Dans une commission parlementaire un Jancovici expliqua à un député que la puissance produite était fonction du cube de la vitesse du vent, notre député se mit à ricaner et la suite prouva qu’il n’avait toujours pas compris de quoi on parlait. Comme la guerre est une chose trop grave pour être confiée aux militaires, l’énergie est une chose trop sérieuse pour être confiée aux politiques.
Bruno_F : Un débat pourquoi pas, mais en pratique quelle procédure démocratique ? Référendum ? Vote par l’Assemblée Nationale ? Des lors qu’il y a des fonds publics à engager, le Président de la république ne peut décider seul.
Pash : On ne peut pas laisser la population inculte décider d’un sujet si important pour l’avenir de notre civilisation, de notre pays. Une majorité de Français pense que le nucléaire est une des plus grandes sources de rejet de CO2. Convaincu de cette idée complètement erronée, pourquoi ces personnes auraient le droit de donner leur opinion sur un sujet technique sur lequel ils auraient un zéro pointé ?
FKDC : Ce n’est pas d’un débat dont on a besoin, c’est d’éduquer les Français sur les questions scientifiques. C’est plus large que le nucléaire (il y a aussi les vaccins, les OGM, les médicaments…) Et là on part de zéro, on n’aura pas le temps de le faire avant de lancer les chantiers.
Orion : La présidentielle sera l’occasion aux citoyens de décider de la relance ou non du nucléaire, puisque les principaux candidats ont des opinions assez tranchés sur le sujet : Macron, les candidats LR, Le Pen et Zemmour sont pour, Mélenchon et Jadot sont contre. Les résultats électoraux seront instructifs et confirmeront peut-être que 61% de Français sont favorables à la relance de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires comme le montre un récent sondage Elabe réalisé après l’allocution de Macron.
Quesquispass : Le président n’est pas élu pour 50 ans qui est la durée minimale dans laquelle s’engagerait la France en cas de renouvellement des centrales nucléaires. Il n’est donc pas légitime à prendre cette décision sur sa seule réélection. On. pourra rajouter au débat la question du financement public et/ou privée d’un tel projet. La privatisation partielle d’EDF nous impose d’y réfléchir.
Philip69 : Il est très naïf et illusoire de penser qu’un débat argumenté peut fabriquer un consensus, que l’échange et la confrontation de points de vue peut faire naître une position rationnelle, raisonnable et partagée. Toute l’histoire des idées et des idéologies, tous les apports de la sociologie des représentations et toute la science cognitive montrent que sur des sujets sensibles et globaux, les malentendus règnent, les positions irréconciliables se cristallisent, les prémisses incommensurables et les axiomes divergents se figent. A cet égard la démocratie (qu’elle soit représentative ou directe, délibérative ou participative…) n’est qu’une incantation. Bref, il y a des moments où la fonction d’arbitre s’impose, qui a toujours sa part d’arbitraire.
Vince : La convention citoyenne sur le climat a démontré exactement l’inverse de ce que vous avancez. Des citoyens aux avis initialement différents peuvent s’informer, débattre et finalement se mettre d’accord sur des actions consensuelles. Mais encore faudrait-il que les lobbys et les politiques acceptent la démocratie, la vraie, pas la mascarade des élections manipulées par les émotions.
On peut rêver : Macron, qui est un grand adorateur des commissions de citoyens pourrait peut-être demander à des citoyens choisis parmi les différents horizons : scientifiques, médecins, sociologues, spécialistes des risques, économistes, activistes antinucléaires et autres, de faire un vrai dossier sur le nucléaire, avec les différents aspects. Aujourd’hui, on reste dans les incantations : si on ne veut pas s’éclairer à la bougie, le nucléaire est indispensable OU jamais de nucléaire, cf. Tchernobyl, Fukushima et les déchets. Ce n’est pas en quelques phrases particulièrement percutantes dans ces commentaires qu’on fera changer d’avis les pros et les antis !
RichardParis : On a un grand débat national sur l’énergie tous les 5 ans environ et des débats intermédiaires tous les ans. Donc on a plein de chiffres, de scénarios, d’impacts, etc. En fait ces débats finissent toujours en eau de boudin.
Claustaire : Pour avoir souvent échangé avec des professionnels (énergétiques, alternatives, pro et antinucléaires, etc.), j’ai la nette impression qu’eux-mêmes ne sont pas sûrs des choix qu’ils seront pourtant obligés de présenter aux politiques. Ils sont conscients de prendre autant de paris que de décisions possibles. Comment voudrait-on que des citoyens lambda soient mieux informés que ces professionnels dont nombreux sont ceux qui ne sauraient dire eux-mêmes quels seraient, selon eux, les bons choix ou les paris gagnables ?
À lire, Conférence énergétique, mascarade ou imposture ? (Avril 2013)
On peut rajouter le hors délai pour construire autant de réacteurs, 10, 20, 30 ans?
La vulnérabilité des approvisionnements, ne permettant toujours pas une indépendance énergétique nationale
Le problème du coût qui finalement ne l’est plus avec l’argent gratuit à volonté…
Tout ceci pour (à l’échelle mondiale) réduire au mieux de 1% les GES.
Une solution énergétique non généralisable donc fausse bonne solution.
EFFICIENCE DÉFICITAIRE (efficacité de la fonction/production en fonction des investissements réalisés), donc système non durable (on bouffe du capital naturel) donc système non éthique (on mange la part des générations futures).
BILAN PEU RADIEUX!
Vous avez raison, ABSOLUMENT RIEN ne tient la route avec le nucléaire !
La «maîtrise», la «sûreté», la «propreté», le «pas cher», la fumeuse «indépendance énergétique» etc. TOUT EST FOIREUX ! Là derrière il n’y a que BUSINESS AS USUAL.
Maintenant si nous devons rajouter quelque chose, et même si c’est comme pisser dans un violon, il y a un «détail» qui n’est jamais abordé, et débattu n’en parlons pas.
Tout le monde fait comme si le scénario du Chaos était ABSOLUMENT IMPOSSIBLE.
Personne ne semble pouvoir imaginer l’ensemble du parc nucléaire, français et mondial, en ruine et à l’abandon. Tout connement parce que tout le monde pense que ça n’arrivera jamais. Pourquoi ? Parce que Ça … ça ne peut pas arriver !
Je ne sais pas si c’est seulement le fait du hasard, mais l’ordre des commentaires exprime très bien le Problème. Le Problème qui bien sûr dépasse le cadre du nucléaire.
Au début nous avons ceux qui réclament un débat («débat»), à commencer évidemment par Jérôme Fenogli (Le MONDE : «le quotidien des affairistes Niel-Pigasse et Kretinsky»).
Puis Noleb, qui estime que les Français méritent un débat (parce qu’ils le valent bien).
Puis LEF, qui se marre… Ce que finalement nous devrions tous faire.
Mais non. Ensuite nous avons Bruno F qui s’interroge sur la démocratie…
Et puis Pash, qui lui s’interroge sur les capacités d’une population inculte…
Et FKDC, qui dit alors ce que dont a réellement besoin. Nous pourrions alors en rester là…
Mais non ! En suivant Orion nous parle d’un sondage, d’la volaille qui fait l’Opinion (Poulaillers’ Song de Souchon) et donc le Consentement (Lire Chomsky).
Et déjà là on tourne en rond. Et en suivant on ne fait que ça.
Quesquispass n’a vraisemblablement rien compris. De son côté Philipp 69 semble avoir compris. Vince en suivant n’a évidement toujours pas compris, lui en est encore à croire à «l’intelligence collective», à la force de ces «débats» dans le cadre de cette «démocratie» qui pourrait ou devrait laisser place à la Démocratie, la Vraie. Ahahah !
Et puis c’est vrai qu’On peut rêver… Même si on sait que ça finit toujours en eau de boudin. Bref, c’est formidable ! 🙂
jJai toujours été contre le nucléaire. Par crainte pour la sûreté, pour notre responsabilité morale sur les déchets et de la prolifération. Mais aujourd’hui, c’est par réalisme. L’EPR de Flamanville, le « nouveau nucléaire », a été vendu à un coût de 3,3 milliards d’euros pour une mise en service en 2012. Nous en sommes désormais, selon la Cour des comptes, à 20 milliards d’euros et dix ans de retard.
La technocratie française s’organise parfaitement pour gaspiller 17 milliards d’euros d’argent public sans jamais rendre de comptes. On fera six centrales, et on imagine que six fiascos feront un succès ?
Il faut bien admettre qu’il n’y a pas vraiment eu de débat.
D’un autre côté, et sans vouloir être trop méchant pour les écologistes, il faut reconnaître également qu’en Allemagne il y a eu un débat plus marqué et que, suite à ce débat, le pays a décidé d’abandonner le nucléaire à moyenne échéance.
Le résultat est que l’Allemagne émet 6 à 7 fois plus de CO2 par kWh produit que la France (ce n’est pas rien 6 fois plus, on est plus dans l’ordre du détail).
Or, il se trouve que la réduction des émissions de CO2 est justement le cheval de bataille… des écologistes.
Sérieusement, honnêtement, croyez-vous que c’est le Débat (ou la Démocratie) qui a fait que l’Allemagne renonce au nucléaire ? Ne serait-ce pas plutôt, et là encore, les vulgaires intérêts de certains ? L’Allemagne n’a pas d’industrie nucléaire par contre elle a beaucoup de charbon, elle ne vend pas d’EPR par contre elle vend des ENR (éoliennes). La sortie du nucléaire en Allemagne a été engagée par Schröder en 2001. En 2013 Merckel avait besoin des Verts pour conserver le pouvoir, Fukushima a explosé pile poil au bon moment.
– « l’Allemagne émet 6 à 7 fois plus de CO2 par kWh produit que la France »
On a même dit 10 fois plus. Qui dit mieux ?
La valeur de référence internationale pour le bilan GES du kWh nucléaire est évaluée par le GIEC à 12g CO2/kWh. Selon la base carbone de l’ADEME, pour la France, l’énergie nucléaire émettrait en moyenne 66 g CO2/kWh (5,5 fois plus, c’est pas rien non plu). Mais 66 g calculés sur l’ensemble du cycle de vie… De son côté, La SFEN (société française d’énergie nucléaire), qui veille notamment à l’exactitude de tout ce que les uns et les autres racontent… nous raconte qu’en réalité ce n’est ni 12 ni 66 mais … 6g. Qui dit mieux ?
Partant de là, mieux vaut ne rien dire.
Ne rien dire, ou mieux… en rire. En attendant, qui peut nous dire ce que coûtera EXCATEMENT (en Pognon et en CO2) le démantèlement du nucléaire en France ? Sans oublier la «gestion» de toute cette merde, pendant des siècles et des siècles amen.
Et vous proposez quoi Esprit Critique ?
Et ça servirait à quoi, que je vous dise, ce que je propose, Didier Barthès ?
Mais ça ne fait rien, je vais quand même jouer le jeu (d’échange de baballe) 🙂
Je vous propose déjà de répondre à mes questions (la dernière en date étant : à quoi ressemblent les épouvantails de votre association ?) Et pour recadrer pile poil à votre question, je vous propose de relire tous ces commentaires où justement je propose. Ce yaka faire, en attendant. Je l’ai déjà dit, je propose donc de profiter du calme avant la Tempête… et du savoir faire que nous avons encore en nucléaire, pour démanteler toute cette merde et la gérer au mieux.
En effet il n’y a jamais eu débat. Pour la simple raison que le nucléaire civil est «l’enfant reconnu» du nucléaire militaire, sur lequel bien sûr il n’y a jamais eu de débat. Circulez il n’y a rien à voir ! Le nucléaire s’est donc imposé. Reste à voir pour qui et pour quoi.
Sur le nucléaire c’est sûr, il n’y a jamais eu de débat. Reste à voir sur quoi il y a déjà eu un véritable débat. On se souviendra de celui au sujet d’une certaine constitution, suivi d’un célèbre référendum, en 2005. Démocratie, mon cul !
En attendant, on pourra toujours lire (ou relire) «La Fabrication du consentement : De la propagande médiatique en démocratie » de Edward S. Herman et Noam Chomsky.
En attendant, on pourra aussi regarder du côté du mouvement antinucléaire, du début à nos jours. Compter les opposants, évaluer leur poids, politique bien sûr, tracer des courbes etc. Et après on pourra peut-être se demander si, par hasard, nous n’aurions pas ni plus ni moins que ce que nous… voulons.
Mieux… ce que nous méritons, finalement et tout connement. Parce que nous le valons bien, bien sûr. La laisse, et en même temps les coups de bâtons !