Questions et réponses sur l’urgence démographique (1/4)

Voici quelques réponses faites aux questions écrites des étudiants lors d’une conférence-débat intitulée « urgence écologique et problématique démographique ».

Camille R : Ne serait-il pas égoïste de perpétuer l’hypercroissance démographique que nous vivons en ayant un (ou des) enfants(s) ?

Réponse : Exact ! Faire des enfants dans un monde déjà surpeuplé ne fait que satisfaire un ego. Ce n’est pas véritablement aimer un enfant que de le mettre au monde s’il n’a pas d’avenir durable. En pays démocratique, c’est à chacun de réfléchir à cela et de faire son choix personnel.

Cécile : Ne vaudrait-il pas mieux éduquer les gens quant à leur empreinte écologique avant de chercher à limiter le nombre d’enfants qu’ils auront ? Des politiques comme celle de l’enfant unique ne risquent-elles pas de « braquer » les populations contre tout effort à fournir de leur part ?

Réponse : Faire un choix personnel demande toute une éducation préalable des élèves (potentiellement futurs parents) : connaître la capacité de charge d’une planète, les perspectives d’emploi, le coût environnemental d’un bébé supplémentaire (son empreinte écologique comme vous dites), savoir comment éduquer un enfant, etc. Ce devrait être la tâche principale d’un système scolaire responsable dans un pays, c’est sans doute plus important que de savoir lire et écrire ! En effet les pays qui ne limitent pas le nombre de leurs enfants accroissent les difficultés socio-économiques et au bout du compte préparent une société répressive comme en Chine ou, encore plus grave, règlent leurs problèmes de surpopulation à coups de machette comme au Rwanda (800 000 morts). Signalons au passage que dans une société répressive, on ne demande plus l’avis des gens : d’accord ou pas, ils sont obligés de subir.

Julien C : Est-il possible de limiter sans contraintes fortes la croissance de notre population ?

Réponse : Il s’agit donc là de parler de la France dont l’expansion démographique au XIXe siècle avait été limitée par la simple volonté des gens. Mais nos gouvernements, ivres de revanches militaires, ont mené une lutte anti-malthusienne qui s’est traduit par la loi de 1920 qui assimile la contraception à l’avortement. Toute propagande anticonceptionnelle était interdite. Le crime d’avortement était passible de la cour d’Assises. La contrainte n’est donc pas du côté des malthusiens, mais des natalistes. Pour un malthusien, la liberté de contraception (loi de 1967) et d’avortement (loi Veil de 1975) sont des avancées sociales qui permettent le libre choix des gens entre faire l’amour par plaisir ou faire l’amour pour procréer.

Ludivine : Comment faire accepter aux individus, étant donné la liberté individuelle et de religion, des « lois » pour réguler la croissance démographique au profit du « bien commun » qu’est la Terre mère ?

Réponse : Formidable question qui nous parle de biens communs et de Terre mère. Si tout le monde intégrait vraiment ce vocabulaire, nous serions déjà sur le chemin de la responsabilité démographique sans avoir besoin de lois étatiques ! Malheureusement nous constatons que la liberté individuelle (d’avoir une famille nombreuse) ou le précepte biblique de « croître et de se multiplier » peut aller à l’encontre de la santé des écosystèmes. C’est pourquoi la loi (qui est une méthode d’éducation) devrait expliquer à tous ce que signifie protéger nos biens communs et la Terre mère…

Je pense que l’article 25 de la Constitution chinoise devrait être repris par tous les pays : « L’État encourage la planification familiale pour assurer l’harmonie entre la croissance démographique et les plans de développement économique et social. » Bien entendu, pour l’objecteur de croissance que je suis, la formulation « plan de développement » devra être repensée !

Ratael P : Les gouvernements ont-ils le droit légitime d’établir des lois qui limitent le nombre d’enfants par famille ?

Réponse : Un gouvernement dans un pays démocratique a tout pouvoir que lui donne le peuple. Il peut donc faire des lois en matière de procréation. Mais cette question de « limitation du nombre » exprime un parti pris. En France le pouvoir, qu’il soit de droite ou de gauche, ne se gêne pas pour faire des lois ouvertement natalistes : allocations familiales qui augmentent avec le nombre d’enfants, quotient familial qui allége les impôts pour les familles nombreuses, etc. Une législation nataliste est-elle pour autant légitime ?

La légalité ne fait pas toujours la légitimité. En l’occurrence le natalisme va contre la protection des biens communs et de la Terre mère, ce n’est pas acceptable. De mon point de vue, l’Etat se doit d’être absolument neutre dans le choix des familles, il ne doit être ni nataliste, ni malthusien. C’est à chaque famille de supporter seule le coût financier et éducatif des enfants qu’elle a librement voulu. Car l’Etat n’est plus légitime en soi quand les individu prennent eux-mêmes leurs responsabilités !

NB : un livre complémentaire de ce questionnaire : Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie à acheter chez votre libraire local ou (à la rigueur) dans une librairie en ligne : Amazon ; Decitre ; FNAC